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Patrice Sanou, secrétaire permanent de AFRICAGIS : “Maîtriser la géo-information, c’est maîtriser la pauvreté”

Publié le samedi 29 septembre 2007 à 07h37min

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Patrice Sanou

La 8e conférence des Systèmes d’information géographique en Afrique (AFRICAGIS) qui se tient du 17 au 21 septembre 2007 à Ouagadougou, porte sur le thème “Géo-information et lutte contre la pauvreté”.

Pour parler des activités entrant dans le cadre de cette conférence et exposition, nous avons rencontré M. Patrice Sanou, géographe de formation, expert et spécialiste en géo-information, secrétaire permanent de AFRICAGIS. Il nous dit ce qu’est la géo-information, son importance dans la relève et l’édification de l’économie africaine d’où le slogan “AFRICAGIS pour bouter la pauvreté d’Afrique”.

Sidwaya (S.) : Qui est Monsieur Patrice Sanou ?

Patrice Sanou (P.S.) : Je suis géographe de formation. J’ai été formé à l’Université de Ouagadougou. J’ai le niveau Maîtrise. Après l’Université de Ouagadougou, je suis allé en France où j’ai fait la télédétection, je suis revenu au pays en 1996. Je travaillais au ministère de l’Environnement et des Recherches agricoles, c’est de là que je suis allé aux Etats Unis où j’ai travaillé sur les systèmes de Formation géographique. Pour des raisons pratiques, je reviendrai mettre à la disposition du peuple les connaissances acquises à l’Institut géographique du Burkina (IGB) où j’ai été chef de service informatique. Et plus tard, je serai chef de service technique et scientifique à l’Institut de l’environnement et de recherches agricoles (INERA). J’ai apporté ma contribution à l’Université de Ouagadougou pour permettre au Système d’Information géographique (SIG) de prendre place dans notre cadre d’enseignement. Je suis à mon deuxième mariage puisque ma première épouse est décédée en 2000 dont mon second centre appelé “Centre de télédétection Adjaraso” porte le nom pour permettre à nos enfants d’en être fiers.

S. : La 8e conférence du Système d’information géographique en Afrique (AFRICAGIS) se tient du 17 au 21 septembre à Ouagadougou sur le thème “Géo-information et lutte contre la pauvreté”, qu’est-ce qui justifie la pertinence et le choix de ce thème ?

P.S. : Il faut dire que ce thème est un choix des Burkinabè. D’aucuns diront que parce le Burkina Faso est pauvre ; c’est peut-être qu’ils ne savent pas qu’ils sont aussi pauvres. L’Afrique est pauvre parce que ceux qui sont riches ne se rendent pas compte que leur richesse ne leur profite pas tant qu’il y a un pauvre à côté. Donc en choisissant ce thème, nous avons voulu attirer l’attention de tous les pays africains sur le fait qu’il ne faut pas se leurrer car tout le monde est pauvre : pauvre de mentalité, de capacité, pauvre de relation, moyens de résistance aux autres. Notre pauvreté nous empêche de nous unir, de nous entendre, notre pauvreté nous empêche d’appliquer la bonne gouvernance parce que l’ennemi de la bonne gouvernance, c’est la pauvreté. Je gouverne bien lorsqu’il y a un minimum de capacités pour tout le monde et pour moi y compris. Mais lorsque je n’ai pas non plus le minimum, alors je commencerai à gouverner pour moi d’abord, c’est de bonne guerre, on pourrait m’en vouloir mais on n’a pas bien vérifié.

Prenons un exemple, lorsque j’ai faim, on me tend un plat à remettre à quelqu’un, je ne m’en priverai vraiment pas, je mangerai avant d’aller remettre le reste. C’est pourquoi nous avons jugé bien qu’en réfléchissant sur ce thème, on pourrait voir si la géo-information ne nous aide pas à maîtriser les contours de la pauvreté et à savoir quelle est la réalité de la pauvreté. Et comme je le disais la dernière fois, quelle est la valeur de la pauvreté dans les différents domaines, niveaux, on peut être pauvre dans un domaine et ne pas l’être dans un autre. Donc, la géo-formation analyse toutes les situations en fonction de leur carte et permet de dire quel est le niveau réel de la pauvreté du Burkina Faso comparativement à la Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Botswana, à l’Afrique du Sud et qu’est-ce qu’il faut faire.

Même les regroupements régionaux doivent tenir compte de la richesse, de la pauvreté, des difficultés qu’il y a, donc la géo-information qui est une analyse doit nous permettre d’identifier et de classer la pauvreté et dire qui est pauvre d’abord à l’échelle microscopique concernant un pays parce que si nous considérons qu’une région est plus pauvre que l’autre, nous devons dire pourquoi et dans quel domaine, elle est pauvre et voir comment assurer une intégration pour nous permettre de diminuer la pauvreté de l’autre par carte. Et même au niveau régional et sous-régional il faut faire les mêmes analyses pour que le Burkina Faso sache sa pauvreté, pour décider de son type de coopération avec tel pays. Nous pensons que pour résoudre nos problèmes de pauvreté, il faut forcément coopérer avec le Nord. Nous disons non. Nous, nous disons qu’en matière de géo-information, avec une bonne appréciation de la pauvreté, vu la force et la faiblesse des différents pays, nous pouvons à l’intérieur de l’Afrique, commencer à vaincre la pauvreté.

S. : Comment se sont déroulés les travaux de la VIIIe conférence ?

P. S. : Les travaux de la VIIIe conférence se déroulent très bien. Je pense que ceux qui font des expertises et qui écoutent les délégués savent que nous dominons dans un aspect. On ne s’attendait pas à de tels résultats. En effet, il faut dire que ces spécialistes ont toujours presque ignoré le Burkina, mais cette conférence a permis non seulement de connaître notre pays, mais aussi de savoir quel genre d’activités on y mène. En guise d’exemple, une spécialiste d’un pays voisin m’a demandé curieusement, si on scolarisait les femmes au Burkina Faso, quelles activités principales y étaient menées ? Certains même se demandaient si on était à mesure d’avoir un Internet.

Le fait qu’ils aient découvert qu’on avait un minimum de capacités était une surprise. En conclusion, c’est pour dire qu’il y a des spécialistes qui ne connaissaient pas notre pays. Quant au contenu de la conférence, il faut dire que les travaux se sont déroulés avec des communications qui ont traité de la décentralisation, des questions de l’environnement. Les travaux ont porté aussi, sur les questions de politique de l’information géographique. En effet, nous avons, depuis hier, institué des plemières chaque matin, de 8h à 8h 30 mn pour donner l’occasion à des comités de présenter des communications qui traitent de tous les sujets afférents au développement. Il y a aussi des expositions qui, pour nous, connaissent du succès parce que exposants et visiteurs trouvent leurs comptes. Ce sont des produits géomatiques qui sont présentés au public.
Ces produits ne sont autre chose que les résultats obtenus des études réalisées dans ce domaine.

Ce sont des témoignages qui attestent que la géo-information peut aider à combattre la pauvreté, ils montrent aussi les moyens dont disposent la géo-information.
Les moyens sont entre autres, les équipements dont dispose la géo-information qui sont exposés et également accompagnés de démonstrations/expérimentations avec les outils permettant aux uns et autres de se familiariser avec ces outils-là.

S. : A quoi serviront les conclusions des travaux de la VIIIe conférence ?

P. S. : Nous sommes presqu’au terme des travaux puisque la clôture est prévue pour demain, nous avons jugé qu’il fallait un nouveau départ. Nous pouvons dire que le Burkina a réussi parce que nous avons pu organiser AFRICA GIS. Nous avons prévu qu’il faut le réorienter, c’est-à-dire impliquer davantage les pays, les gouvernements et la leçon a été donnée par le Burkina parce que deux ministres ont présidé des sessions plénières, et un autre a présenté un synopsis. L’ouverture a connu la présence de tout le gouvernement, ce qui a suscité un engouement pour l’implication des gouvernements. Ainsi, une entreprise a délégué notre gouvernement à plaider pour l’ensemble du continent en faveur de la géo-information. La plupart de nos conclusions seront déposées sur la table de notre gouvernement pour les défendre auprès des autres afin que chacun s’implique davantage dans le développement de la géo-information. Nous tenons à intégrer la géo-information dans l’enseignement pour qu’au sortir des études universitaires, que les étudiants puissent l’appliquer dans leur domaine. Nous souhaitons également qu’il y ait plus de relation à l’intérieur d’un même pays au lieu de constituer un groupement extra, il est préférable qu’on soit d’abord unis au niveau national.

S. : Qu’est-ce que l’information géographique ?

P. S. : J’ai l’habitude de définir la géo-information comme suit : géo qui a trait à l’espace et information qui a trait à la connaissance, au savoir. Le savoir est de deux types : il y a le savoir qui est une matière première, c’est-à-dire le savoir qui va me permettre de chercher une réponse ; cette réponse que je vais obtenir, c’est l’information.
Elle me dit la vérité que je cherche et pour avoir cette vérité, j’ai besoin d’un certains nombre d’informations que l’on appelle ici des données. Quand on parle d’information, il faut dissocier donnée qui est la matière première et qui est information a qui est la réponse. La géo-information est non seulement les données mais aussi des réponses qui s’offrent à vous.

S. : Y a-t-il une différence entre la géo-information et l’information géographique ?

P. S. : Il n’y a pas de différence entre les deux termes. En réalité, il n’y a qu’un jeu de mots ; sinon l’information géographique, c’est l’information qui est dans l’espace. Mais, si on prend ma définition, on sort de cette rigidité définitionnelle parce que, que ce soit la géo-information, qui est un anglicisme, c’est l’information liée à l’espace, donc il faut éviter de faire une différence entre les deux termes.

S. : Peut-on dire que l’Afrique est en retard par rapport au reste du monde sur le plan avancée et équipements en matière de géomatique ?

P. S. : Je suis né petit, aujourd’hui j’ai un autre âge, on ne peut pas me dire que je suis le même parce que cela dépend du jour où j’ai commencé à me former. Si c’est aujourd’hui que j’ai décidé de partir, jugez moi en fonction d’aujourd’hui. Mais, ne me comparez pas à mon grand-père ; il est né avant moi. Si par exemple, il a vu Samory, c’est normal qu’il le voit parce qu’il est de son temps. Il a ses forces et ses faiblesses, on ne peut pas être jugé de la même façon parce que ce que je vois aujourd’hui, lui, il ne l’a pas vu. Donc, parce que pour moi, il n’est pas important de parler de retard. Retard par rapport à quoi ?

S. Par rapport aux équipements en matière de géométrique.

P.S. : Il faut chercher à acquérir les équipements qu’on n’a pas au lieu de perdre le temps à parler de ce qu’on cherche, il faut trouver les moyens de les acquérir. Je sais que je n’ai pas d’équipements actuellement ; pour développer la géo-information, c’est cher. Le Centre Adjoraso du système d’information géographique (Centre GIS Adjaraso) que j’ai créé reste pratiquement le seul centre dynamique dans le domaine privé parce qu’il n’est pas du tout facile de créer un centre GIS. Il y en a qui s’y lancent mais ils ont moins d’équipements du fait du coût des équipements. Quelqu’un qui a “démarré” aujourd’hui ne doit pas se plaindre parce que nous, nous en avons plus que lui. Il doit plutôt chercher les stratégies ; sinon ce retard c’est parce qu’on n’avait pas d’abord, mais il faut travailler à y arriver. Donc nous ne pouvons pas dire que nous sommes en retard, mais parlons de stratégies pour acquérir, parce que quelqu’un qui parle de retard se sent faible par rapport à d’autres. Parce que même dans les pays développés, nous avons compéti et nous sommes sortis la tête haute. J’ai par exemple étudié aux Etats-Unis, personne ne “m’a devancé”.

S : N’est-ce pas que vous avez une expérience dans le domaine que vous vous en tirez mieux ?

P.S. : Il faut savoir que la vie est un départ, une continuation, une complémentarité et une relève.
Ce n’est pas parce qu’aujourd’hui, je ne ressemble pas à l’autre que je peux dire que je suis en retard. Je dirai non parce que je sais que je dois assurer la relève et je peux vous le dire, qu’aujourd’hui, mes techniciens que j’ai formés peuvent mieux traiter certaines choses que moi. Je suis pratiquement celui qui ai formé le maximum de spécialistes au Burkina en SIG, il y a beaucoup qui font mieux que moi parce que je suis devenu presque le politicien des SIG, je cherche plutôt à développer qu’à pratiquer. Ces derniers sont dans la pratique aujourd’hui, ils étaient en retard au départ, ils ont pris la relève, c’est-à-dire qu’on ne peut pas vouloir être comme l’autre alors qu’on vient de commencer. Si l’on veut être le maître de la maison, le jour même de sa naissance, on se trompe.

S : Peut-on dire que le Burkina Faso est en rétard par rapport aux autres Etats de la sous-region ?

P.S. : Je crois que dans ce domaine, le Burkina est actuellement, en retard, cela ne veut pas dire que nous sommes en train de prendre du retard. Souvent, ils nous dépassent et là nous regardons chez eux parce que souvent nous nous plaisons dans notre position. Cela est dû au fait qu’on croit à notre faiblesse, pauvreté et on admire les autres. Vous savez quand vous courez en groupe et vous voulez regarder ceux qui sont derrière, vous prenez du retard par rapport à eux parce qu’en les regardant, cela ne change pas leur vitesse.

Il est préférable de continuer votre course, s’ils vous dépassent, il n’y a pas de problème parce qu’en les regardant. Croyez-vous que vous ralentissez leur allure ? Ils gardent toujours leur vitesse pendant que vous, vous ralentissez. C’est pour dire que le Burkina avait le leadership en matière de géométrique parce que les plus gradés étaient ici. Parce que je fais partie des premiers spécialistes en géométrique en Afrique.

S : Quel lien peut-on établir entre la maîtrise de l’espace et la lutte contre la pauvreté ?

P.S. : Comme l’a dit le ministre dans son discours, “géo-informer”, maîtriser la pauvreté c’est savoir quels sont les problèmes que rencontrent les populations, c’est-à-dire chercher les informations dans les différentes régions pour que le gouvernement sache si les projets de développement ont porté des fruits. Pouvez-vous me dire où est-ce que les gens n’ont pas à manger en quantité, en qualité, dites-nous où est-ce que la maladie ravage sans qu’on ne sache ? Parce qu’avec les images sattellitaires, on peut identifier un certain nombre d’élément, collecter certains élément sur le terrain pour savoir que les CSPS n’atteignent pas leur centre de rayonnement, il faut aller collecter les données pour savoir qu’il n’y a pas suffisamment de routes, pour aller prendre par exemple, les fruits de telle région.

A ce moment-là, la géo-information se met à côté des journalistes, elle devient le “journalisme scientifique” qui permet d’informer sans publicité véritablement avec des positions précises en citant par exemple, les villages, donnant la taille des populations, précisant à quelle longitude, latitude, il faut aller intervenir pour éradiquer telle parasite, tel ver de Guinée. La pauvreté c’est lorsqu’on a des faiblesses, les gens parlent de pauvreté en termes d’état, ce n’est pas exact, parce que c’est en termes de processus.

A ce moment il faut arrêter le processus tout simplement. Mais qu’est-ce qui amène cet état ? Comme disent certains pour lutter contre la pauvreté, il ne s’agit pas de faire des dons mais c’est d’apprendre à ces derniers, comment acquérir ce que vous leur offrez. La pauvreté c’est pas parce qu’on manque de moyens, c’est parce qu’on ne sait pas comment les acquérir.

S : Si je comprends bien, voulez-vous me dire que la maîtrise de la géographie, c’est-à-dire de l’espace est un élément essentiel de lutte contre la pauvreté ?

P.S. : Comme je l’ai dit plus haut, il ne peut pas se passer quelque chose aujourd’hui dans le monde sans que l’on ne soit informé. C’est pour dire, en d’autres termes, que la maîtrise de l’espace est fondamentale dans le combat contre la pauvreté parce que pour aider ou intervenir dans une région, il faut non seulement la connaître, mais aussi savoir ce qui s’y passe d’où la géo-information.

Lassina KONE
(Stagiaire)

Sidwaya

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