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August Ocean artiste musicien reggaeman : Enseignant, Rasta man et fier de l’être

Publié le lundi 24 septembre 2007 à 07h49min

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August Ocean

A l’Etat civil, il se nomme Augustin Passamdé Sawadogo. Son nom d’artiste Océan fait référence à Zabulon un des tributs de Jacob d’Israël. La musique pour lui, tout comme sa profession d’enseignant est une mission. Une pédagogie qu’il utilise au service des enfants et des populations.

Après son premier opus qui se comporte bien sur le marché du disque, August Océan est encore en studio pour servir les mélomanes d’ici la fin de l’année ce qu’il appelle « l’inter disque ». Nous l’avons rencontré il nous parle de sa vie d’enseignant, et d’artiste. Lisez plutôt !.

Comment es-tu venu à la musique ?

August Océan (A O) : Je suis venu à la musique de façon naturelle. Déjà très jeune je m’intéressais à la musique, mais j’étais d’abord une très bon danseur, de sorte que certains de mes tontons venaient demander la permission à mes parents pour m’amener dans les bars dancings tout juste pour avoir le plaisir de me voir danser. Ça c’est depuis la tendre enfance au village à Songnaaba dans la province du Passoré. Comme tous les jeunes de ma génération, je suis venu après le CEPE à Ouaga pour continuer mes études secondaires. La fibre de la musique était ancrée en moi de telle sorte que certains de mes cours notamment l’histoire et la géographie, j’essayais de voir comment ils pouvaient me servir comme thèmes de chansons. C’est ainsi que j’ai eu la chance de rencontrer un Gambien qui m’a appris à jouer de la guitare.

Bien que je n’ai pas passé beaucoup de temps avec lui puisque par la suite il est parti en Belgique et je n’ai plus eu de ses nouvelles. Néanmoins, j’ai continué dans mes compositions. Les réalités de la vie étaient telles que je ne pouvais pas me consacrer de façon entièrement à la musique quitte à ressusciter ma vocation musicale par la suite. C’est ainsi que je me suis résolu à me trouver un emploi qui pourrait m’aider en même temps à pouvoir développer ma vocation. J’ai pensé que l’enseignement était une très grande passerelle en ce qu’il éduque tout comme la musique j’ai passé donc le concours et je suis devenu par la grâce de Dieu enseignant. C’est d’ailleurs avec mon salaire d’instituteur que j’ai payé ma première guitare et me lancer à proprement dit dans la musique.

Comment arrives tu à allier enseignement et musique ?

A.O : Il faut dire que j’arrive à allier musique et enseignement parce que pour moi les deux, malgré leur différence, ont un objectif commun qui est d’éduquer. Je puis vous dire que l’enseignement apporte beaucoup dans ma musique. La pédagogie est une science qui, une fois que tu la connais tu peux l’utiliser dans tous les domaines étant donné qu’elle intègre des bases psychologiques. Quand j’écris mes chansons, sans me rendre compte, je fais des œuvres pédagogiques c’est pourquoi je dis que la musique est un prolongement de l’enseignement que je donnais en classe. Avec la musique, au lieu du cadre de la classe avec un certain nombre d’enfants, j’ai la possibilité de m’adresser, grâce à la musique au monde, à l’humanité toute entière. Toujours avec des objectif pédagogiques et éducationnels précis.

En tant qu’enseignant et musicien, comment es-tu perçu dans le milieu ?

A.O : C’est vrai qu’avec mes cheveux rasta, dans le milieu enseignant ce n’est pas toujours évident. Au départ ce n’était pas du tout facile. Mais je vais dire une chose, de plus en plus les gens comprennent. Ils dépassent les apparences et les clichés pour voir les réalités sur le terrain. J’ai poussé mes dreuds locks étant déjà enseignant et j’avoue que quand j’arrivais dans certaines administrations, on me regardait de travers. J’ai pu, à certains endroits où l’on a cherché à comprendre ce qu’est le rasta décortiquer la philosophie rasta et c’est ainsi que beaucoup ont dépassé les clichés et sont aujourd’hui mes fans et des défenseurs du rasta.

Avant même que le grand public burkinabè ne me connaisse à travers la télé, j’étais un peu la star dans le milieu enseignant parce que j’animais les conférences pédagogiques et cela n’a jamais dérangé personne. Je vais même peut-être vous étonner, quand j’étais toujours à l’école, puisque maintenant je suis à l’inspection, il y a deux ans de cela, pour des encadrements à domicile, c’est moi, rasta avec mes dreuds locks qui cédais mes cours de domiciles à des collègues non rasta. Parce que la plupart des parents qui venaient à l’école, je ne sais pas pourquoi, mais c’est vers moi qu’ils viennent solliciter que j’administre les cours à leur enfant. Entre temps je me suis retrouvé débordé surtout avec les répétitions que je fais, ce n’était pas facile, je dois dire que je suis un rasta accepté.

Pourquoi avoir choisi le reggae comme genre de musique ?

A.O : Tout le monde sait que de tous les genres musicaux, le reggae est celui-là qui permet l’engagement, je dirai même qui impose l’engagement. C’est vrai que l’on chante l’amour à travers le reggae, mais généralement, on s’engage sur le plan politico-social, parce que nous on ne peut pas dire qu’on ne fait pas de la politique. Tout citoyen dans un pays fait la politique et même celui qui subit la politique fait de la politique tout de même. Et le reggae permet de dire ce qui ne va pas et il y a des gens qui ont sacrifié leur vie pour que nous puissions utiliser ce canal là de façon facile aujourd’hui pour faire passer le message. Je me demande même si ce n’est pas le reggae qui m’a choisi ?

Je vais vous raconter l’anecdote de ma rencontre avec le reggae. J’étais encore jeune écolier en classe de CE2, un de mes grands frères qui était en Côte d’Ivoire est revenu avec dans ses bagages l’album « Bad K » de BOB Marley qu’il jouait chaque jour. La musique m’a accroché et j’essayais de chanter sans savoir si les mots sont justes, sans savoir ce que ça veut dire. A tel point que, quand le grand frère voulait repartir, je me suis demandé comment je pourrais avoir cette cassette. Je n’osais pas lui demander parce que je connaissais déjà la réponse. J’ai eu donc l’idée de prendre la cassette de Bob, de l’opérer, enlever la bande, et la remplacer par la bande de la cassette de Aicha KONE pour pouvoir garder la bande de BOB. Alors quand il était près pour partir je lui ai demandé la cassette de Aïcha KONE tout en sachant quelle bande elle contenait et il me l’a donnée. C’est pour vous dire que c’est de façon naturelle que je suis venu dans le reggae et je me sens bien.

Parle-nous de ton album et dis nous comment il se comporte sur le marché du disque ?

A.O : J’ai fait un album de huit titres baptisé « kala yè ». Le titre qui m’a le plus fait connaître c’est le titre « Pa wéogo » où je dénonce les injustices et la xénophobie subit par nos compatriotes en Côte d’Ivoire. C’est une chanson qui a été composée dans l’ère du temps et la musique aussi était bien rythmée et les gens ont apprécié. L’album se comporte bien sur le marché mais je ne peux pas dire que côté finance ça roule. Parce que c’est difficile quand tu fais le reggae au Burkina. Si tu n’es pas vraiment déterminé, il y a de quoi faire dans de l’à peu près juste pour se faire un peu de gombo. Mais moi je crois en cette musique j’ai foi en cette musique, c’est vrai c’est de l’auto production, je n’ai même pas rentabilisé mes investissements, mais le combat continue et je joue souvent dans de petits maquis et grâce à des amis on est en train de préparer une tournée au niveau national à la fin de l’année. Toujours est-il que je ne regrette pas de faire du reggae parce que malgré tout ce qui est dit autour de reggae, si on fait le tour de la ville, on se rendra compte de que le reggae est non seulement joué partout et en toute circonstance et également qu’il est apprécié des populations et le reggae s’impose partout. Je peux même dire que parmi les musiciens burkinabè les mieux connus sont les reggaemen.

Quel genre de rapport entretiens-tu avec les autres musiciens burkinabè ?

A.O : Il faut dire qu’à travers l’association des jeunes artistes qui était dirigée en son temps par le frère Dick Marcus, mon intégration a été facile dans le milieu. Mais avec la léthargie de cette association, je peux même dire qu’elle est morte sans me tromper, ce qui fait que chacun évolue de son côté et c’est dommage. Ça fait qu’aujourd’hui si on apprend qu’un frère a un spectacle, on s’attrape pour voir comment on peut lui donner un coup de main et je dois dire que cela disperse même nos énergies. Si les reggaemen burkinabè étaient unis, il y a beaucoup de choses qu’on peut faire parce qu’on a de la ressource aujourd’hui. Il y a des reggaemen burkinabè qui parcourent l’Europe et le monde et c’est sûr que ce sont des gens qui peuvent nous faire profiter de leur expérience et de leurs relations. Je n’ai pas de problème particulier avec quelqu’un.

Quels sont les projets de August Océan ?

A.O : Dans mon plan de carrière, je me suis donné comme objectif de faire un album tous les deux ans. Mais cela ne va pas m’empêcher de faire ce que j’appelle « l’inter disque ». « L’inter disque » est une création propre à moi, qui consiste à mettre sur le marché un produit de 4 titres, 6 titres entre les deux albums pour pouvoir toujours garder la dynamique du marché parce que deux ans c’est pas peu, on peut se faire oublier facilement. Dans les disques, ça sera mon identité resta reggae qui sera de mise, mais dans les « inter disques », je me permettrai de faire tout genre que je ressens. L’objectif étant de donner à chacun ce qu’il veut à travers ce que je fais.

As-tu un projet « d’inter disque » ?

A.O : J’ai un projet « d’inter disque » et je crois que d’ici la fin de l’année il y a quelque chose qui va tomber dans les bacs. Il aura quatre titres mais si d’ici là l’inspiration répond on pourra aller jusqu’à six titres pourquoi pas. Je suis au stade de maquette et je compte finaliser avec le studio la RUCHE et bientôt s’il n’y a pas de problème particulier s’il plait à Dieu, ça sera à la fin de l’année.

En tant qu’artiste comment tu vois et la vie, la musique burkinabè ?

A.O : La musique burkinabè promet. Je crois qu’il y a des lueurs d’espoir parce que comparativement au même milieu d’il y a dix ans, on sent que les choses bougent et Dieu merci les artistes en tous cas jouent pleinement leur partition, mais là où c’est déplorable c’est du côté des structures de distribution. Nous ne sommes pas encore dans un milieu où tout est professionnalisé et où il suffit à l’artiste de s’inspirer et de faire de bonnes œuvres. Nous sommes toujours au stade où l’artiste compose, paie son enregistrement, bref il est sur toute la chaine de production de son album. Franchement, ailleurs, ils ne sont pas mieux que nous. J’ai la conviction que ceux qui sont en vogue et qui viennent ici, je suis sûr que si on nous met dans les mêmes conditions, on va les laisser sur le carreau. Ce côté n’est pas encore bien structuré sinon nous artistes nous faisons de notre mieux pour que ça bouge, mais il faut que le reste suive.

On a souvent reproché aux artistes burkinabè leur nom d’artiste qui souvent ne traduit rien. August Océan à quoi ça rime ?

A.O : Votre question va me permettre une mise au point parce qu’il y a des gens qui pensent que Océan Production est ma propriété. Entre nous, c’est au réalisateur qui a fait mon clip. Mon premier contact avec ce monsieur c’était lors du projet du clip, et à la fin il est allé ouvrir sa boîte qu’il a baptisé Océan Production ce qui crée une confusion et les gens pensent que je suis derrière ça. Moi je ne suis pas contre ça et dans tous les cas le nom Océan ce n’est pas ma propriété mais moi je suis August parce que je veux garder mon nom de baptême que mes parents m’ont donné. Mais moi-même dans mon évolution et dans ma vie, j’ai choisi le nom Océan. Pourquoi Océan ? Je dirai que beaucoup de raisons ont prévalu à ce choix. J’ai constaté que bon nombre de religions soit disant révélées parce que de toutes ces religions, aucune n’a été apportée à l’Africain, disons de façon altruiste. Il y a toujours eu des objectifs de domination, d’exploitation qui se sont cachés derrière ces religions. L’Islam a été apporté aux Africains, mais derrière l’Islam il y a des objectifs économiques parce que l’arabe voulait faire son commerce. Le christianisme, ça c’est encore pire parce que ça c’est l’anéantissement même de l’âme africaine.

J’ai fait une lecture africaine, une lecture rastafarienne de la Bible et j’ai découvert des choses dans la Bible qui me libèrent, et qui renforcent ma conviction que la religion propre à l’Africain, c’est pas le nom qui importe qu’on dit rastafaris me quoi, l’important c’est que l’Africain est plus proche des écrits bibliques, de l’histoire biblique, l’Africain est plus concerné de tout ce qui est dans la Bible que l’Occidental. Dans ces lectures j’ai découvert les 12 tributs d’Israël. Quand je parle d’Israël, c’est à ne pas confondre avec l’Etat sioniste issu de la Palestine antique, mais l’Israël dont il est question dans la Bible, c’est le nom prophétique de Jacob.

Je ne vais pas parler de la couleur de la peau de Jacob mais je sais que, Jacob est l’un des ascendants de l’humanité de façon générale. Moi je suis natif du mois d’août ce mois de naissance là m’affecte à la tribut de Zabulon et la bénédiction que Jacob d’Israël a donnée à Zabulon était qu’il s’adosse à la mer. Ce qui fait que moi mon symbole c’est l’eau. Et pour qui connaît le cycle de l’eau, ce sont les cours d’eau, ce sont les océans. Voilà pourquoi j’ai choisi ce nom Océan pour refléter et me maintiens dans la logique de cette bénédiction divine par rapport à mon mois de naissance. Mais si je reste à ma vie mossi donc yonyonga, moi je suis Sawadogo. L

es gens traduisent SAWADOGO comme étant les nuages, mais en réalité, si on découpe étymologiquement le mot SA/ WA/DO / GO ça veut dire qui fait venir la pluie, le saaga en langue mooré. Le nuage est un processus déjà avancé de la pluie donc c’est encore les océans qui sont au début de cela. Cette jonction des deux raisons fait qu’il n’y a pas meilleur symbole pour moi que l’Océan. Je pouvais dire MOGRE en langue mooré, ça veut dire la même chose et j’aurai beaucoup plus à expliquer. Je sais que ma mission sera universelle et je facilite la compréhension de ceux qui vont me rencontrer à travers le monde. Je sens que c’est le nom qu’il me fallait et d’ailleurs c’est JAH qui m’a inspiré à prendre ce nom.

Par Frédéric ILBOUDO

L’Opinion

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