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Alternance en Afrique : Le bon exemple sierra-léonais

Publié le mercredi 19 septembre 2007 à 08h07min

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Ernest Koroma

« La Sierra Leone, pays d’Afrique de l’Ouest le moins développé du monde en 2000 selon l’indicateur du développement humain (IDH), est en train d’écrire les plus belles pages de son histoire avec la tenue, dans le calme, des élections présidentielle et législatives ».

Ainsi nous félicitions-nous dans l’article « Les urnes, c’est quand même mieux que les machettes » sous la même rubrique dans notre édition n° 6950 du vendredi 17 au 19 août 2007 ; ce, suite au déroulement pacifique du premier tour de la présidentielle couplé avec les législatives le 11 août dernier et dont le verdict accordait 59 des 112 sièges au Congrès de tout le peuple (ACP) contre 43 au Parti du peuple de Sierra Leone (SLPP), au pouvoir.

Mais voilà que quelques jours après, nous étions amené dans notre parution du 4 septembre à supplier les Sierra-Léonais de ne pas « réveiller les vieux démons » ; suite à des affrontements entre partisans des candidats, armés de machettes et d’armes à feu à Freetown, la capitale, et dans plusieurs autres régions du pays, pendant la campagne précédant le second tour de la présidentielle du 8 septembre. Et ce qu’on craignait le plus, c’est la réapparition des clivages ethniques, source de la plupart des conflits en Afrique.

Pour qui connaît les drames humains avec les amputations de bras ou l’élimination physique des opposants ou prétendus tels, la banqueroute économique et financière dans laquelle s’était durablement installé ce pays, l’organisation de ces élections est à saluer. On avait craint le pire, nous avons eu le meilleur avec ces élections, unanimement créditées du label de la transparence.

En effet, en dépit des accrochages, qui auraient fait plus de quarante blessés, le dénouement des joutes électorales permet d’espérer des lendemains enchanteurs pour le peuple sierra-léonais. Les quelque 2,6 millions d’électeurs ont départagé à travers les urnes le vice-président sortant, Solomon Berewa, et l’opposant Ernest Bai Koroma, candidat du Congrès de tout le peuple. Les résultats définitifs, tombés depuis le lundi 17 septembre dernier, donnent vainqueur le dernier cité.

Il a remporté le scrutin, après un duel au second tour, qui s’est soldé par 54,6% des suffrages en sa faveur contre 45,4% à son concurrent, Solomon Berewa, candidat du Parti du peuple de Sierra Leone (SLPP), au pouvoir. Plus qu’ailleurs en Afrique, où la démocratie semble toujours balbutiante, voir un opposant battre à plate couture le candidat du parti au pouvoir est rare.

C’est pour cela qu’il faut louer à sa juste valeur l’issue des dernières joutes électorales au pays du président Siaka Stevens. Et c’est l’Afrique tout entière, voire la communauté internationale qui a applaudi à tout rompre lorsqu’Ernest Koroma, âgé de 53 ans, a été investi dans ses fonctions de président quelques heures après la proclamation de sa victoire.

Devant le président de la Cour suprême, il s’est engagé dans son serment à « remplir correctement et véritablement les obligations du président de la République de Sierra Leone conformément à la loi, à préserver, à faire respecter et à défendre la Constitution ...et à agir envers tous sans crainte ni favoritisme ». Fait notable : le fair-play, à saluer, du malheureux candidat Solomon Berewa et du président sortant, Ahmad Tejan Kabbah, au pouvoir depuis 1996 et qui quitte ses fonctions au terme de deux mandats.

En effet, ces derniers ont reconnu la victoire du nouvel élu et ont brillé de par leur présence à la cérémonie de prestation de serment d’Ernest Koroma, et mieux ils l’avaient joint auparavant au téléphone, après l’annonce du verdict, pour le féliciter. C’est chose rare sous nos tropiques.

Ces élections, les premières organisées par les autorités de Freetown depuis le retrait des casques bleus en 2005, on peut en dire que c’est un test démocratique majeur réussi pour cette ancienne colonie britannique, qui porte encore les stigmates d’une décennie de guerre civile (1991 à 2001).

Ce passé douloureux, on se souvient, a fait 100 000 à 200 000 morts et plus de deux millions de déplacés, par la faute d’hommes cupides des diamants, dont regorge la Sierra Leone. D’ailleurs, à l’heure où nous tracions ces lignes, l’un des commanditaires de la guerre sierra léonaise, en l’occurrence Charles Taylor, se débattait devant la justice internationale.

Même s’il semble encore tôt pour pousser un ouf de soulagement, on ne peut que se féliciter de l’accession au pouvoir de l’opposant Ernest Koroma, issu de l’ethnie Temne, la seconde du pays. Cette victoire, qu’il doit certainement au soutien de Charles Magai, chef du Mouvement du peuple pour un changement démocratique (PMDC), un dissident du SLPP, arrivé en troisième position à l’issue du premier tour avec 14% de voix, reste une belle leçon pour réaliser l’alternance.

Le président sortant, Ahmad Tejan Kabbah, mérite aussi d’être congratulé, car il a pesé de toute son autorité pour que ces élections puissent se dérouler normalement. Maintenant il reste à son successeur à respecter son serment et aux Sierra-Léonais à enterrer définitivement la hache de guerre pour mieux fédérer leurs énergies pour le développement du pays.

Hamidou Ouédraogo

L’Observateur

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