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Noix de cajou ou anacarde : Arbre du pauvre, fruit du riche

Publié le mercredi 19 septembre 2007 à 07h54min

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Dans les années 90 le gouvernement burkinabé lançait en grande pompe la plantation de l’anacardier. Présentée alors comme un produit d’avenir, la noix de cajou a poussé comme des champignons dans le Sud-ouest, les Cascades et les Haut-Bassins. Plus de 10 années après, le bilan est plus que mitigé et les acteurs sont toujours entre doute et colère, entrecoupés par moments d’espoir.

Selon les chiffres officiels, le Burkina Faso, produit 25 000 tonnes de noix de cajou (anacarde par an). Un tour dans les vergers d’anacardiers du pays permet de se rendre compte que ce chiffre est bien en deçà des réalités. D’immenses tonnages de noix pourrissent dans les champs, ou alors ils passent sur le marché noir en Côte d’Ivoire, et au Ghana qui les exportent sous leur label. Dans le Noumbiel, particulièrement à Batié, situé à 500 km de Ouagadougou, c’est la déception. Plus de 500 tonnes de noix sont entassées dans les magasins et les concessions, faute de preneurs sur le marché local. Aux récoltes des années antérieures sont venues s’ajouter celles de la campagne en cours.

Aucun acheteur ne pointe à l’horizon. Si quelques producteurs ont pu vendre le kilo de la noix brute à 60 F CFA en 2006, cela s’avère pratiquement impossible en cette année 2007. Même à 25F le kg, la noix de cajou du Noumbiel ne trouve plus de preneur. Siaka Sacko, un paysan de Batié déçu et très découragé, a dû détruire une bonne partie de ses anacardiers pour semer du maïs. Pour ce producteur qui ne cache pas sa colère, la faute incombe à l’État. "Il (NDLR : (Etat) nous a entraînés dans le feu". Si rien n’est fait, d’ici là, "nous allons tout couper" (il y a environ 2020 hectares d’anacardiers dans la commune de Batié).

Un prix en chute libre

Même son de cloche dans les Cascades. Sidéradougou (25 km de Banfora), des producteurs qui ont également coupé une partie de leurs manguiers pour y planter des anacardiers sont finalement dans le doute. Ils se posent des questions sur l’avenir de la plantation de la noix de cajou au cas où la mévente persisterait. On estime les vergers d’anacarde dans la région des Cascades à plus de 20 000 ha avec une croissance annuelle de 850 ha. Ce qui fait d’elle, la plus grande productrice de la noix de cajou au Burkina avec 14 000 tonnes par an.

La production de l’anacarde a été introduite au Burkina Faso depuis la période coloniale. C’est pourtant dans les année 90 qu’elle prendra son envol grâce à l’encouragement de l’Etat. L’anacarde avait été présentée d’alors en une filière porteuse c’est-à-dire, une filière capable d’améliorer et de sécuriser à long terme, les revenus des paysans. Elle présente également, selon le directeur provincial de l’Environnement du Noumbiel, Maimun Sawadogo, l’avantage de protéger l’écosystème (prévention des feux de brousse et de la désertification), gravement touché par la déforestation. Malgré les bonnes intentions, la filière marche clopin-clopan.

Plus d’une décennie après son lancement officiel, elle n’est pas parvenue à tracer sa voie. Les performances réalisées sont vite confrontées à la baisse vertigineuse du prix de la noix sur le marché. De 300 F kg en 2002, le prix du kilo de la noix brute est tombé en 2006 à moins de 100F (il s’agit de prix bord champ). Tandis que la production croît d’année en année, ce sont les acheteurs qui imposent leur prix aux paysans. D’aucuns n’hésitent pas à dire que l’anacardier est l’arbre du pauvre tandis que la noix de cajou elle, est le fruit du riche.

En effet, l’Afrique de l’Ouest (la Guinée en tête) reste le principal producteur de la noix brute avec 445 000 tonnes par an. Après le décorticage et la transformation, l’amande de cajou vendue à vil prix, n’est plus à la portée de qui veut. En fait, il faut dire qu’une fois la noix de cajou transformé en produit fini ou semi-fini, le producteur a du mal, vu son pouvoir d’achat, de se le procurer. C’est ce qui explique la raison pour laquelle certains pensent que l’anacardier est l’arbre du pauvre tandis que son fruit va au riche. Et c’est l’Inde qui bénéficie de ce manque à gagner dans la mesure où elle se positionne comme le premier importateur de noix brutes et le premier exportateur d’amandes.

Au regard des enjeux économiques, l’intensification du décorticage et de la transformation l’amande s’impose. En effet, l’Inde qui était jusque-là, le plus gros acheteur de la noix brute burkinabé s’est lancée dans un vaste programme de plantions industrielles d’anacardes. Il s’agit pour ce pays de combler ses propres besoins. Dans la Comoé et au Kénédougou, des initiatives privées ont permis de mettre en place quelques unités de décorticage.

Parmi elles figurent en bonne place celle de l’association Wouel de Bérégadougou (480 tonnes de noix transformées en 2006) et la SOTRIA-B de madame Minata Koné située dans la ville de Banfora. Dans le Sud-Ouest, particulièrement à Gaoua, une unité de décorticage devra voir le jour incessamment. L’UTASO sera le fruit d’une bonne collaboration entre des associations de producteurs, du Sud-ouest, des Cascades et des Hauts-Bassins. La directrice générale de la SOTRIA-B, qui décortique en moyenne 2500 tonnes par an, ambitionne de dynamiser la filière à travers l’amélioration de la qualité des noix. Selon madame Koné, qui depuis mars 2007 est la présidente nationale de l’Alliance africaine de cajou, les vergers ne respectent pas les normes de qualité souhaitées. Ce qui joue non seulement sur la grosseur de la noix mais aussi sur le rendement. Afin de faciliter la commercialisation, elle espère amener les transformateurs à se regrouper pour exporter sous le même label comme le font ceux du Bénin.

Le président de la Chambre régionale d’agriculture des Cascades, Antoine Sombié pense qu’il revient à l’État de faire des efforts pour réorganiser la filière en faisant de l’anacarde un produit convoité non seulement par l’extérieur mais aussi par les populations à travers la consommation locale. Et cela, en allant au-delà du simple décorticage pour transformer l’amande en pâte, en huile, en cacahuète, en tourteau. Ces différents dérivés vont non seulement contribuer à la diversification des habitudes culinaires mais aussi et surtout à l’alimentation du bétail.

Madame Koné est quant elle convaincue que malgré les problèmes actuels de la filière, l’anacarde est un produit porteur qui peut améliorer les revenus des producteurs. Dans plusieurs pays, notamment aux USA, en Europe, et dans les pays arabes, des recherches ont permis de mettre en évidence, la valeur nutritive de ce produit. Dans cette perspective, les acteurs de la filière envisagent de se rencontrer en décembre prochain à Banfora, pour passer au peigne fin toute la problématique de la filière anacarde au Burkina, fin d’amorcer un nouveau départ.

Fatouma Sophie OUATTARA

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 11 février 2017 à 13:42, par Kamel En réponse à : Noix de cajou ou anacarde : Arbre du pauvre, fruit du riche

    Dommage que un produit parallèle . Avec sa valeur nutritionnel et sa composition riche .
    Moi j’ai monté une usine mécanique( machines) pour la transformation de cajou. En Algérie.
    Je me demande si je suis la ba au Burkina. Je vai faire des merveilles. Malgré on a pas de la matière première. Malgré la main d’oeuvre ici très chère. J’ai réussi à faire ce projet.
    Je cherche un fournisseur potentiel au partenariat pour la filière je suis près à tout négociation .
    Merci de me répondre
    Mail : kkhelalfa@yahoo.fr

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