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Développement : Que faire de l’Afrique ?

Publié le vendredi 7 septembre 2007 à 07h50min

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"L’Afrique n’est pas un continent maudit... Le problème, ce sont le mauvais dirigeants manipulés de l’extérieur". Telle est en substance le contenu de la réflexion ci-dessous qui bat en brèche les idées afro-pessimistes.

Les afro-pessimistes sont dangereux pour l’Afrique et les Africains car ils distillent chaque jour que Dieu fait des idées pessimistes, alarmistes, défaitistes et fatalistes dans les esprits.

Ils jugent, ils condamnent le continent et ses habitants sans concession aucune. Ils accusent l’Afrique de tous les maux : démographie galopante, blocage psychologique, coutumes et usages rétrogrades incapables d’assimiler les concepts du développement.

Selon eux, les Africains seraient restés à quai alors que le train de la mondialisation a quitté la gare. Les afro-pessimistes font fi des quatre siècles de saccage, de viol, de vol, de destruction spirituelle, psychologique subis par l’Afrique.

Ils banalisent la colonisation, l’esclavage, la traite des Noirs, or ces deux derniers phénomènes sont actuellement considérés comme des crimes contre l’humanité donc imprescriptibles. Mais quand il y a crime, quelqu’un doit payer, réparer, pourtant il se trouve des Africains et pas des moindres qui veulent faire passer par pertes et profits cette page tragique de l’histoire africaine.

Peut-on s’imaginer seulement un seul instant, les biens culturels volés, pillés qui reposent dans les musées occidentaux ? Sans parler de ceux qui ont été détruits sur place. Il en va jusqu’au président français Nicolas Sarkozy qui refuse toute idée de "repentance", accusant les Africains de ressasser sans cesse cette partie dramatique de leur histoire. En cela, les afro-pessimistes sont aidés par les grands médias occidentaux qui ne parlent de l’Afrique qu’en termes de malheur.

Le diagnostic avancé par les "afro-pessimistes" est sévère : l’Afrique est en "faillite", et son avenir est compromis pour des générations. La responsabilité incontestable des régimes locaux incompétents ou corrompus efface de plus en plus celle pourtant réelle des Occidentaux. Signe des temps : un consensus grandissant entoure les théories qui pointent les tendances "suicidaires" de l’Afrique. Des essayistes africains s’en étaient d’ailleurs fait les précurseurs en théorisant, au début des années 90, le "refus du développement" manifesté par le continent noir ou la nécessité pour lui d’un "ajustement culturel" (1)

Les économistes du marché libre veulent faire croire aux gens que les idéologies sont mortes, ce qui est complètement aux antipodes de leur comportement et de leur pratique, eux qui sont payés à coups de millions pour défendre et répandre l’idéologie néolibérale.

Monsieur Sarkozy, grisé par son accession à la Présidence française, nous renvoie aux zoos de la colonisation en chaussant les bottes des anciens colonisateurs.

« Ainsi, le comte Joseph Arthur de Gobineau, par son Essai sur l’inégalité des races humaines (1853-1855), avait établi l’inégalité originelle des races en créant une typologie sur les critères de hiérarchisation largement subjectifs comme « beauté des formes, force physique et intelligence », consacrant : ainsi les notions de « races supérieures" et "races inférieures". Comme d’autres, il postule alors la supériorité originelle de la "race blanche", qui possède selon lui, le monopole de ces trois données et sert alors de norme lui permettant de classer le Noir dans une infériorité irrémédiable au plus bas de l’échelle de l’humanité et les autres "races" "comme intermédiaires." (2)

On voit proprement un discours négationniste, méprisant, provocateur et insultant à l’encontre de la jeunesse africaine, qui dans le précarré, vit dans des pays de la "France-Afrique". Les jeunes Africains ne sont pas des demeurés, ils savent que leurs pays sont des néocolonies françaises qui les excluent du droit à l’éducation, à la santé, au logement et surtout au travail. Ils savent qu’ils vivent dans des pays sous PAS (Programme d’ajustement structurel) avec ses conséquences désastreuses sur les populations en général et les jeunes en particulier. Ils vivent dans des pays à démocratie piégée, verrouillée par les clans mafieux et les puissances d’argent. La corruption, l’impunité, l’injustice, l’exclusion . sociale sont érigées en système de gouvernement dans les pays du précarré français, M. Sarkozy le sait très bien.

Le 26 juillet 2007, durant le discours de M. Sarkozy à Dakar, des historiens célèbres comme les Pr Joseph Ki-Zerbo, Cheick Anta Diop, Ibrahima Baba Kaké... ont du se retourner dans leur tombe.

Le précarré français AOF (Afrique occidentale française) et AEF (Afrique équatoriale française) la région en Afrique où on assiste à plus de tripotage, de tripatouillage, de cafouillage dans les Constitutions pour permettre à des présidents de régner à vie.

Mais il est heureux de constater qu’en Afrique, beaucoup d’intellectuels, la société civile, la jeunesse, les journalistes, qu’au sein de tout ce beau monde, les idées afro-optimistes progressent et gagnent chaque jour du terrain contrairement aux lamentations hypocrites des afro-pessimistes qui peignent tout en noir.

L’Afrique n’est pas un continent maudit comme le disent les faux experts et les apprentis sorciers, mais le problème de l’Afrique c’est d’avoir des mauvais dirigeants, manipulés de l’extérieur.

Quand on regarde dans la galerie de portraits des dirigeants du précarré français en Afrique, il n’y a rien de reluisant.

Même les idéologues les plus forcenés, les zélateurs, les apologistes de l’économie néolibérale savent et sont conscients que la mondialisation n’est ni irréversible, ni invincible, encore moins éternelle, elle n’est qu’une simple étape de l’évolution de l’histoire de l’humanité. Voilà d’ailleurs ce qu’en disent deux journaux britanniques.

Pour Business Week (6 novembre 2000) « à moins que les firmes multinationales ne prennent elles-mêmes en charge les coûts sociaux dans les pays où les gouvernements sont faibles, ce sont les manifestations de rue qui imposeront probablement leurs règles ».

Mais c’est the Economist qui tire le plus fermement le signal d’alarme. Attention, écrit l’hebdomadaire londonien (23 novembre 2000). "Les protestataires ont raison de dire que la question morale, politique et économique la plus urgente de notre époque est la pauvreté du tiers-monde. Et ils ont raison de dire que la vague de la globalisation, si puissants que soient ses moteurs, peut être refoulée- c’est le fait que ces deux choses soient vraies qui rend les protestataires et de manière cruciale, le courant d’opinion qui sympathise avec eux si terriblement dangereux." (3)

Comme le dit si bien Boubacar Boris Diop : "l’Afrique n’a pas besoin d’être aidée ou assistée, elle a surtout besoin d’être considérée".

Hamadou DEM

Notes :

1 - Lire "L’Afrique au-delà des idées reçues", Le Monde diplomatique, juillet 2007 et cf. respectivement Axelle Kabou, "Et si l’Afrique refusait le développement ?

L’Harmattan, Paris 1991, et Daniel Etounga Manguelle, "L’Afrique-a-t¬elle besoin d’un programme d’ajustement culturel ?" Editions nouvelles du sud, Ivry-sur-Seine 1991.

2 - Lire "Des exhibitions racistes qui fascinaient les Européens

Ces zoos humains de la République" - Le Monde diplomatique, août 2000.

3 - Lire "Sueurs froides dans la galaxie libérale... irréversible la mondialisation ?", Le Monde diplomatique, janvier 2001.

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 7 septembre 2007 à 16:37, par internaute anonyme En réponse à : > Développement : Que faire de l’Afrique ?

    Certes, "l’Afrique a besoin d’être considérée" et non assistée ! Mais, il est incontestable que tant que nous les Africains nous ne considérons pas, il est vain d’exiger de l’Autre de la Considération ! L’Histoire de notre continent est malheureusement riche des drames de nos frères ( Thomas SANKARA, Patrice LUMUMBA, etc... ) que nous avons tués parce qu’ils ont tout simplement "osé" avoir de la Considération pour nos Peuples ! Il nous appartient donc d’arrêter nos gérémiades, et d’avoir le courage de nous regarder dans la glace ! Car c’est nous qui offrons à l’Autre les moyens de nous déconsidérer ! Qu’en pensez-vous ? Merci de votre attention !

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