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Flambée du prix du poulet : Les conséquences de la grippe aviaire

Publié le vendredi 7 septembre 2007 à 07h54min

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Depuis un certain temps, acheter un poulet n’est plus à la portée de n’importe quelle bourse dans la capitale burkinabè. Pour mieux cerner les raisons d’une telle hausse du prix du poulet, une équipe de Sidwaya a sillonné trois (03) marchés de vente de volaille à Ouagadougou.

La viande de poulet, très appréciée des Ouagalais, devient de plus en plus un luxe dans les menus. "Franchement, le poulet est devenu cher ces derniers temps, on ne comprend pas ce qui se passe. Dans ce marché (Cité An II), ça va un peu. J’ai pu avoir l’unité ici à 1 750 F CFA, par contre ailleurs, si tu n’as pas 2000 F CFA, tu ne peux pas espérer avoir un poulet".

C’est en ces termes que Boubacar Sini, un acheteur de poulets rencontré au marché de la Cité An II nous a convaincus de la réalité de la cherté du poulet. Selon lui, avec l’augmentation des prix, il ne peut plus se payer le luxe d’acheter assez de poulets pour la célébration de son baptême. "Avant je prenais au moins quinze (15) têtes pour les cérémonies de réjouissance mais comme vous le constatez, je suis obligé de me contenter de sept (7) poulet", conclut-il.

Une autre consommatrice approchée au marché de la cité An II affirme pour sa part que le poulet est devenu cher pour le Burkinabè moyen actuellement. Selon elle, le poulet est cher parce qu’il avait manqué sur le marché un certain temps. "A un moment, on ne trouvait plus les poulets ordinaires sur le marché. Ce sont les poules de race qu’on nous proposait", nous confie-t-elle. Elle précise qu’il faut débourser 1 750F CFA pour avoir un poulet. Au marché de Gounghin, Mme Traoré, une consommatrice reconnaît également que le prix du poulet a connu une hausse dans leur marché. "Il faut "jongler" maintenant pour acheter un poulet. Ils (les poulets) ne viennent plus au marché comme avant, c’est ce qui, selon moi, fait sa cherté. Je dois débourser 1 750 FCFA ou 1 800 FCFA pour en avoir un", a-t-elle laissé entendre.

Si Sini semble ignorer les causes de la hausse du prix du poulet et les deux consommatrices évoquent sa rareté sur le marché, les vendeurs, au contraire appréhendent la situation avec beaucoup plus de précision. Pour le président de l’association Wend-Panga des vendeurs de poulets du Kadiogo, Saïdou Yaogo, la cherté du poulet s’explique présentement par la saison pluvieuse. La fréquence des pluies a rendu impraticables certaines routes ; ce qui enclave les grandes zones de ravitaillement en poulets. Monsieur Yaogo s’explique : "la plupart de nos fournisseurs se rendaient à Yalgo, Léo et Guelwango pour acheter les poulets, mais à l’heure où je vous parle, ces localités sont inaccessibles du fait du mauvais état des voies qui les lient à Ouagadougou".

Même quand certains fournisseurs arrivent, en dépit des difficultés à se déplacer très loin de Ouagadougou, le trajet est assimilable à un parcours du combattant. Moussa Sana, fournisseur au marché de la cité An II lie la hausse du prix du poulet aux problèmes qu’ils (les fournisseurs) rencontrent au cours de leurs déplacements. "L’état des voies ne facilite pas les déplacements. Nous perdons beaucoup de temps en route actuellement. Moi je vais jusqu’à Djibo pour chercher les poulets. En saison sèche, quand je quitte Ouagadougou pour Djibo, je mets cinq (5) heures pour arriver. Mais en cette saison hivernale je fais dix (10) heures de route pour y parvenir.

Donc vous comprenez pourquoi le poulet est devenu cher à Ouagadougou", a martelé M. Sana. Pour alléger les dépenses supplémentaires qu’engendrent les contraintes de la saison des pluies, les revendeurs de poulets n’ont d’autre choix que d’augmenter les prix. Sana qui avait l’habitude de livrer ses poulets à 1 250 FCFA l’unité est contraint d’ajouter 250 F CFA pour espérer faire des bénéfices. Cette situation d’échange oblige également Saïdou Yaogo à vendre à 1 750 F CFA le poulet qu’il livrait à 1 500 FCFA auparavant.

Les aléas climatiques ne sont pas les seules causes de la hausse, certains vendeurs en évoquent d’autres.

Madi Compaoré, vendeur de poulets au marché de Larlé est de ceux qui soutiennent cette idée. "Les vendeurs de poulets sont devenus nombreux et la plupart d’entre eux proposent des prix anarchiques aux éleveurs. Il n’y a pas de véritable concertation entre nous vendeurs quant aux prix que nous devons fixer", regrette Compaoré. En effet, certains fournisseurs quand ils se rendent dans les villages pour acquérir les poulets sont préoccupés par la seule intention de revenir à Ouagadougou avec beaucoup de poulets quel que soit le prix d’achat.

Selon M. Compaoré le Burkina Faso est un grand pays exportateur de volaille dans la sous-région et cela est quelque part à l’origine de la montée des prix. "A force d’exporter fréquemment notre volaille vers les pays voisins, nous nous retrouvons sans grand-chose et nous sommes obligés de spéculer sur les prix chez nous", estime M. Compaoré.

L’ombre de la grippe aviaire...

De l’avis de certains vendeurs que nous avons interrogés, l’épizootie de la grippe aviaire y est pour quelque chose dans la hausse du prix du poulet. La maladie a ébranlé le moral de nombreux éleveurs et ils ne s’en sont pas remis depuis lors. Saïdou Nikièma, vendeur de poulets au marché de la cité An II, affirme : "l’abattage massif des poulets a découragé de nombreux éleveurs et ils ne sont plus prêts à investir dans l’élevage de la volaille". Selon lui, l’abandon de l’élevage a entraîné le manque de poulets et ce manque a occasionné la montée des prix.

Le président des vendeurs de poulets au marché de Gounghin, Madi Zongo à l’instar de Nikièma pense que la grippe aviaire a causé un choc chez les éleveurs. "La grippe aviaire a fait que beaucoup de gens ont arrêté l’élevage des poulets. Ils sont toujours marqués par l’abattage des poulets pendant la période de l’épizootie. Ils ont peur d’entreprendre une activité sans lendemain", avance M. Zongo. Une consommatrice de poulets que nous avons approchée au marché de Larlé, Mme Kaboré soutient également que la grippe aviaire a engendré l’augmentation des prix.

Même si le prix élevé du poulet met les consommateurs dans l’embarras, certains d’entre eux comprennent la situation et ne prennent pas les vendeurs pour seuls responsables. "Les vendeurs de poulets ont aussi raison. Ce n’est pas la faute à eux. Tout à l’heure, j’ai assisté à une livraison de poulets d’un fournisseur à un revendeur et j’ai tout de suite compris que les vendeurs de poulets n’ont pas totalement tort d’augmenter les prix", a soutenu Mme Kaboré.

Karim BADOLO
(Stagiaire)


Mieux organiser la sensibilisation

L’élevage est l’un des secteurs d’activités pourvoyeurs de revenus au Burkina Faso. Au terme de notre enquête, de nombreux vendeurs de volaille soutiennent unanimement que la grippe aviaire a découragé bon nombre d’éleveurs ; ce qui explique en majeure partie la rareté de la volaille sur le marché. Et qui dit rareté dit cherté.

A cet effet, il convient de renforcer la sensibilisation de la population en ce qui concerne l’épizootie de la grippe aviaire afin que les éleveurs reprennent dans la sérénité leurs activités. Dans un contexte de lutte contre la pauvreté, il est inconcevable de voir des gens abandonner leurs activités tout simplement parce qu’elles ne sont pas suffisamment informées.
L’accent doit être mis sur la sensibilisation pour redonner confiance aux éleveurs de volaille. En plus de la peur de la maladie elle-même, certains estiment que les éleveurs qui ont vu leur volaille abattue pendant la période de l’épizootie de la grippe aviaire n’ont pas été indemnisés conséquemment. Cet état de fait y est aussi pour quelque chose dans la cherté du poulet.

B.K.
(Stagiaire)

Sidwaya

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