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Forum social des jeunes : Une “Etrange” jeunesse pour relever les défis

Publié le mardi 4 septembre 2007 à 07h32min

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Les discours politiques disent de la jeunesse qu’elle est le fer de lance du développement. Dans la pratique cependant, l’application des programmes politiques ne tient pas compte des aspirations des jeunes. Cela n’est pas uniquement l’apanage des seuls politiques africains.

C’est pourquoi du 22 au 27 août dernier, les jeunes de la société civile d’Afrique, d’Europe, d’Amérique latine se sont rencontrés à Cotonou au Bénin pour rendre possible « un autre monde ». Comme de par le monde, il n’est pas toujours facile d’être accepté lorsqu’on veut bousculer l’ordre des choses, ils ont dénommé ce forum « Etrange rencontre ».

Nous avons quitté Ouagadougou pour Cotonou en vue de partager avec les autres jeunes du monde, nos convictions, nos connaissances, nos illusions (pourquoi pas !) mais surtout d’y prêcher l’évangile de l’intégration voire des « Etats-Unis d’Afrique ». Fort de cette conviction, à la gare, nous nous amusons à compter le nombre de « Burkinabè intégré au Bénin » ou de « Béninois intégrés au Burkina ». C’est tout limite avec une analyse xénophobe mais s’en est pas un. C’est tout juste pour mesurer l’illusion des frontières en Afrique.

Sur les 70 passagers du car que nous empruntons, 17 sont des Burkinabè, ils sont membres de notre délégation. Ils vont « s’intégrer » au Bénin pour des questions de travail. Trois familles de trois à cinq membres sont « Burkinabé » par alliance. Nous comptons seulement cinq Béninois qui résident dans leur pays et qui ont effectué un quelconque voyage à Ouagadougou. L’exercice est rendu plus difficile par le mutisme de certains passagers à la question de connaître leur nationalité. Mais tout de suite, nous nous rendons à l’évidence que plus du tiers du car est composé de Burkinabè ou de Béninois intégrés. Les voyageurs en escale ou de passage à Ouagadougou sont peu nombreux.

L’ambiance dans le véhicule est bonne enfant. Elle est alimentée au fond par l’artiste comédien Burkinabé (excusez-moi du lapsus africain ! ) Kientéga Pingdwendé Gérard dit « KPG ». Entre deux commentaires, il lance sa célèbre phrase : « Dans la clarté sans esprit de jambage ».
Cette phrase voire ce bout de phrase lancé contaminera le reste de la délégation et sera au bout des lèvres de tous les participants au forum. Plus qu’une boutade de tous ceux qui n’agissent pas dans le bon sens, cette phrase sera pour la délégation burkinabé dont la participation active et vivifiante a été notée un chanp de la victoire.

Les « jambages » salutaires de KPG n’empêchent pas le car de déchirer la savane burkinabé pour s’approcher peu à peu de la forêt béninoise. En route, le convoyeur réclame une contribution volontaire de cinq cent francs CFA pour dit-il « mouiller la barbe aux policiers béninois ». Nous refusons de contribuer par conviction pour la construction d’une Afrique unie et sans frontière. Nous pensons disposer de temps pour convaincre nos camarades de ne pas vider leurs poches mais il est bien trop tard. Certains ont cédé à la requête. Nous restons cependant sur nos gardes pour voir si à Porga à la frontière, les occupants de notre car seront traités comme des « étrangers » dans cette Afrique dont ils sont des ressortissants. Bonne revanche que certains que nous avons convaincu à la descente du car et nous souhaitons mordre à pleine dent.
Heureusement, tout se passe bien. Les noms sont lus, les cartes d’identité et passeports restitués et nous reprenons la route. La corruption au pays de Yayi Boni semble être réduit à sa portion la plus congrue.

Nous constatons ce « vent du changement » à travers cette phrase d’une restauratrice : « Même moi, je n’était pas Cauris (symbole du parti de Yayi Boni) mais depuis qu’il a limogé le Directeur Général de la douane, son ami personnel et une Dame qui a beaucoup battu campagne pour lui et qui est Directrice d’un célèbre hôtel à Cotonou, j’ai confiance en lui. Il est un messie que Dieu nous a envoyé ». La plupart des Béninois rencontrés au cours des travaux ne disent pas le contraire.

Avant de combattre les maux, il faut bien les connaître !

C’est dans une ambiance chaude- digne d’Assemblée générale des syndicats estudiantins- que les travaux du Forum ont débuté à l’amphithéâtre de la Faculté de Droit et des Sciences politiques (FADESP) de l’université d’Abomey Calavi le 22 août dernier.

Comme du miel qui attire les abeilles, la rencontre de Cotonou a fait converger les jeunes de trois continents une semaine durant sur les questions « croustillantes » de l’évolution de notre monde. Comment par une prise de conscience citoyenne et efficiente la jeunesse peut faire changer l’ordre des choses pour un monde meilleur ? Tel est la problématique qui a attiré des jeunes d’une trentaine de structures de la société civile du monde à l’initiative de Solidarités Jeunesses (France) et du Réseau Glegbénu au Bénin. Pour résoudre une telle problématique, cela passe par l’éducation réussie (la formation personnelle et collective) des jeunes mais aussi et surtout la possession de l’information vraie et crédible. C’est pourquoi tout le long des travaux, la part belle a été faite à l’apprentissage et à la maîtrise de l’outil informatique (SPIP, forum, Création de blogs, de sites WEB...).

Ajouté à cela les questions de l’heure telles le Système monétaire international, l’engagement citoyen des jeunes, les Etats-Unis d’Afrique, la question des migrations des jeunes de l’Afrique vers l’Europe, la question de l’annulation de la dette du Tiers-monde. Le rythme des travaux en atelier était soutenu. Le travail à abattre pour relever les défis était titanesque et c’était avec juste raison. A l’ouverture des travaux, l’un des organisateurs, le Bolivien Alfonso Do Rado avait déclaré : « Il y a des multinationales qui ont deux ou trois fois le budget annuel de certains Etats. Ces multinationales voient en nos populations beaucoup plus des chiffres que des êtres humains ». Avant lui, le Coordonnateur de la rencontre, le Français Sebastien Alzerreca, a interpellé les autorités politiques sur la question de la faim dans le monde pendant que les ressources mondiales suffisent à nourrir toute la planète.

Vers une Banque africaine comme les Latino-américains ?

Une des résolutions dans la mise en place du Gouvernement de l’Union en vue de mettre en place les Etats-Unis d’Afrique était la création d’un Fonds monétaire africain (FMA), d’une Banque d’Investissement africain (BIA), or en matière de « rupture » avec les institutions de Bretton Woods, les pays d’Amérique latine sont la référence actuellement, eux qui vont créer la Banque du Sud. C’est donc tout naturellement que les ateliers : « Système monétaire internationales : qu’est-ce que les institutions de Bretton Woods » et « Système démocratique représentatif en Afrique : remise en question et alternative démocratique participative (cas du Venezuela » animé par les latino-américains Alfonso Do Rado et Anouk Stephan ont fait salle comble.

On crie que la démocratie moderne et occidentale est « l’exercice du pouvoir par le peuple et pour le peuple » mais l’absence de « pouvoir réel » du peuple dans nos Constitutions prouve que ce discours est bien erroné. L’exemple du Venezuela montre que c’est dans la Constitution que le pouvoir doit être remis au peuple. Mieux, c’est dans la capacité pour un peuple d’élire et de démettre un dirigeant que réside le « pouvoir du peuple ». La réalité Venezuelienne en plus des trois pouvoirs reconnus fait mention de ces deux pouvoirs conférés au peuple : le pouvoir électoral.

Adapté à l’Afrique, ce pouvoir va permettre sans doute de combattre la corruption et la mal-gouvernance des dirigeants. L’anatocisme du FMI est selon les conférenciers, une épine au pied des Etats africains. A l’issue de l’exposé sur la situation au Venezuela, les conférenciers ont fait cas des manœuvres américaines pour présenter Hugo Chavez comme un dictateur, un bourreau de la liberté de presse.

Cette allusion nous a fait penser à la « guerre des tracts » dont le régime du Conseil national de la révolution (CNR) a fait l’objet avant le 15 octobre 1987.

La délégation, ragaillardie par la soirée burkinabè le Samedi 25 août qui a connu un monde fou au cours de la projection du film « Sankara, l’Homme intègre » devant les dortoirs de la Résidence Hassan II de l’Université d’Abomey-Calavi et par la participation active officiellement reconnu par les organisateurs, a pris le chemin du retour le mardi 28 août 2007. Pour des questions de programme des cars, le chemin du retour est passé par le Togo. Un pays que l’on a trouvé morose malgré les « efforts » d’Eyadema fils pour remettre les choses en marche. A part la vie autour du port, nous avons senti un pays qui étouffe.

Ayant voyagé dans la nuit, nous n’avons pu voir la fameuse fosse du Togo qu’on dit avoir sucé le sang de plus d’un voyageur. A la frontière, les policiers togolais n’avaient qu’une chanson : « Nom et prénom des voyageurs « étrangers »+ 500 F.CFA ». A la vue de ces flics qui ne se gênaient pas à prononcer ces paroles à haute et intelligible voix comme si un texte officiel stipulait un tel paiement, nous nous sommes dit : Intégration africaine où es-tu ? Nous avons été exempts du paiement des 500 F.CFA par personne à cette frontière qu’en faisant un « Front étudiant ». Notre compatriote Issaka Traoré serait là qu’il allait tomber des nues. Lui avec qui nous avons prêché l’Evangile du passeport unique africain qui tienne compte de toutes les nationalités et de la diaspora noire dans le monde.

Dans un de ses discours Emiliano Zappata avait dit : « Le développement de notre peuple dépendra de trois principales choses : Premièrement, sa volonté de vaincre la misère ;
Deuxièmement, sa détermination à triompher de toutes les adversités ;
Troisièmement, sa capacité à imprimer à l’Histoire la courbe de son propre destin.
Mais toutes ces trois choses ont un seul obstacle à franchir ou un tremplin sur lequel s’appuyer : le leader ».

Toute cette jeunesse saura t-elle « triompher », convaincre ces leaders là pour un monde meilleur, juste et vivable ? L’Histoire nous le dira. Nous souhaitons seulement n’avoir pas fait un rêve à cotonou. Que dire sinon que chaque graine d’engagement citoyen saura germer en chacun de nous.


Qu’est-ce que Etrange rencontre ?

En tant que jeunes, ce n’est pas aisé d’expliquer aux parents que l’on se rend à une « Etrange rencontre ».Le mot « étrange » lui seul suffit à pousser les parents à donner une fin de non recevoir à la demande d’absence pour le voyage. Aussi beaucoup de participants ont préféré utiliser le terme simple de « Forum social de la jeunesse ».

Mais d’où vient aux organisateurs le génie d’utiliser une telle dénomination ?

« Selon le dictionnaire : étrange (adjectif) signifie qui s’écarte de l’ordre, de l’usage, singulier, bizarre. Parce que trop de rencontres de jeunesse s’enchaînent sans réellement avoir de portée, nous avons envie d’une rencontre qui ait un véritable impact, et où se mette en place des campagnes, des projets concrets. C’est une rencontre qui veut que la dynamique qui existe déjà autour d’un noyau d’acteurs africains et européens « altermondialistes » se renforcent et s’élargissent, autour d’un noyau d’acteurs africains et européens « altermondialistes » se renforcent et s’élargissent autour de ces projets communs en cours et à venir, à travers la création de nouveaux réseaux », déclarent les organisateurs à travers leur site Internet.

Plus qu’une rencontre de jeunes où une bouffée d’oxygène au bord de l’océan, « Etrange rencontre » est un forum d’informations, d’échanges, de réflexions, de débats, de mise en pratique et de propositions alternatives à l’ordre néo-libéral entre la jeunesse d’Afrique et d’Europe dans une perspective de promotion et de renforcement de la solidarité internationale. Elle est une tribune d’expression des jeunes autour de trois thématiques : « luttes contre la pauvreté et constructions d’alternatives », « jeunesse et monde universitaire », « usage militant des nouvelles technologies (Internet et Radio) ».

La rencontre de Cotonou a abouti à quatre projets à savoir : le Réseau des mouvements sociaux (qui est un système d’alerte par réseaux au cas où un défenseur de la liberté d’expression et d’opinion est en danger), la Foire des mémoires ( système Internet de diffusion et de vulgarisation des travaux des jeunes chercheurs et étudiants africains), Afriradio ( le répondant du réseau des mouvements sociaux en radio) et Uniafrica ( le « réseautage » général des mouvement sociaux africains par le net).

Roger Sawadogo

Bendré

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Vos commentaires

  • Le 5 septembre 2007 à 10:38, par Yamyélé En réponse à : > Forum social des jeunes : Une “Etrange” jeunesse pour relever les défis

    De quelle jeunesse vous parlez ? Celle qui est pagailleuse, irrespectueuse et inconsciente dans Ouaga là ? Une jeunesse qui ne que fait mimer ce qu’elle n’est pas ! Une jeunesse qui est entrain de perdre sa jeunesse dans les maquis avec le tabac, la drogue, le pastis frelatté, le guin et l’epéron frelattés. Une jeunesse impolie, paresseuse et fainéante qui a fait du vol un métier ! Regardez cette jeunesse-là dans tous les carrefours : elle est posée avec un petit fourneau de thé entrain de critiquer et rigoler aux éclats des passants. C’est simplement une jeunesse qui s’est massacrée l’avenir. En plus, elle attend tout du pouvoir. Sa seule parole : ’’Y a pas de travail !!’’ ; et vos grands parents au village ? Ils ne cultivent pas eux ? Cultiver c’est pas travail ?

    Regardez à la télé, les jeunes qui animent certaines émissions : ils sont avec des cheveux tressés ou avec des dreadlook de rasta, habillés à moitié. Regardez les danseurs et danseuses avec leurs jeux de rein provocateurs de prostitution. C’est à cette jeunesse-là que vous faite allusion, Mr le journaliste ?

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