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Problème touarèg au Niger : L’incontournable dialogue direct

Publié le mardi 4 septembre 2007 à 07h32min

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Mamadou Tandja, le président nigérien, a-t-il enfin compris que sa position intransigeante dans la crise qui l’oppose au MNJ (Mouvement des Nigériens pour la justice) ne peut mener qu’à l’impasse ? En demandant officiellement à la Libye de l’aider à assurer la sécurité dans la zone nord de son pays, le chef de l’Etat nigérien semble revenir à de meilleurs sentiments.

Car la crise s’enlise : des soldats des forces régulières sont toujours détenus par le MNJ, des infrastructures de l’Etat sont attaquées, des civils périssent dans les explosions de mines anti-personnel. Mais Tandja courait surtout un risque politique, celui de se voir de plus en plus désavoué par son propre peuple qui appelle à des négociations avec les rebelles touaregs.

Tandja ne pouvait donc que ranger aux vestiaires cet amour-propre et cet orgueil de mauvais aloi qui lui faisaient nier le caractère politique du mouvement armé mené par le MNJ. Cette évolution de la position nigérienne peut ouvrir donc des perspectives pour un dialogue autour des revendications du MNJ, ce que le pouvoir aurait dû faire dès le premier coup de feu. Mais pourquoi le choix de la Libye alors que ce pays n’est pas en odeur de sainteté avec Niamey qui l’accuse d’attiser la rébellion ?

Ayant certainement constaté que sa méthode musclée d’accusations et même d’expulsion de diplomates est inopérante, Niamey a opté pour la voie de la concertation avec Tripoli. Mais la base de cette cooptation de la Libye est floue : le Niger a-t-il fait son choix en considérant le colonel Kadhafi comme un médiateur indépendant, ou parce qu’il estime qu’en tant que parrain des rebelles, il a une influence sur eux ? Sans doute faudra-t-il clarifier ce postulat de départ. Car le Guide ne supporte pas que dans cette affaire on lui jette l’opprobre. La preuve, et fait rarissime, le dirigeant libyen a décidé d’intenter un procès en diffamation contre trois hebdomadaires nigériens. Ces journaux ont vu la main libyenne dans la rébellion du MNJ. Le colonel Kadhafi n’a pas l’habitude de poursuivre les journaux africains en justice. Dieu seul sait pourtant s’il a reçu une volée de bois vert en 38 ans de règne. Cette réaction signifie-t-elle que la Libye n’a rien à voir avec le MNJ et qu’il tient désormais à prendre ses distances avec les foyers de déstabilisation en Afrique ?

Une chose est sûre, le gouvernement nigérien doit en tenir compte et manipuler avec prudence les mots, au risque de faire capoter la médiation libyenne. La confiance est un facteur déterminant dans ce type de médiation qui, si elle voyait le jour, ressemblerait à celle engagée entre protagonistes de la crise ivoirienne. Kadhafi peut être accusé de tous les maux, du fait de son passé de boutefeu, mais il n’empêche que son apport à la résolution des crises sur le continent est indéniable. Avec ses énormes ressources financières et son penchant quelque peu mégalomaniaque, Kadhafi se dépense sans compter pour le continent.

Enfin, Kadhafi se sent une certaine affinité avec le peuple touareg. A telle enseigne que certains dirigeants le suspectent de susciter secrètement la création d’un Etat appartenant à cette communauté. Idée saugrenue, certes, mais que les pays de la bande sahélo-saharienne prennent au sérieux. On n’a pas oublié les célébrations du Mouloud (fête de l’anniversaire de la naissance du Prophète Mahomet). Comme par hasard, les voies d’Allah ont conduit ces deux dernières années Kadhafi à Tombouctou et à Agadez, en terre touarègue du Mali et du Niger.

Dans un contexte qui se veut apaisé et propice au dialogue, il va de soi que la campane anti-libyenne menée par le pouvoir nigérien doit cesser. Le gouvernement a intérêt à tempérer ses accusations contre la Libye d’autant plus que la société civile vient d’apporter de l’eau au moulin de la rébellion. La plus importante organisation de défense des droits humains du Niger, l’ANDDH (Association nigérienne de défense des droits humains), vient de faire le diagnostic de la crise actuelle en lui donnant des causes internes et légitimes : « La résurgence du conflit armé dans le nord du Niger est l’expression de l’échec de la gestion des Accords de paix de 1995, dans ses aspects militaires, économiques, sociaux et politiques ».

Après ce verdict cinglant de l’ANDDH, le pouvoir nigérien n’a d’autre alternative viable que d’ouvrir un grand débat autour de la question touarègue. N’ayons pas peur des mots, il est temps, une décennie après leur signature, de faire le point des Accords de 1995.

Un deuxième round de négociations n’est pas superflu, si l’on s’en tient au constat d’échec fait par l’ANDDH. En plus donc du dialogue direct qu’il doit instaurer pour éteindre dans l’urgence le feu allumé par le MNJ, le gouvernement nigérien doit avoir le courage d’initier un brainstorming national autour de cette crise qui rejaillit chaque fois qu’on croit l’avoir jugulée.

Si des aspects des Accords de 1995 se sont avérés inopérants compte tenu de certains facteurs, on doit le reconnaître dans une démarche d’honnêteté politique et intellectuelle. Le président Tandja ne peut plus nier l’évidence, et son appel à une médiation libyenne est peut-être le début de la fin de la politique de l’autruche qu’il affectionne tant.

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 5 septembre 2007 à 17:16, par Adam En réponse à : > Problème touarèg au Niger : L’incontournable dialogue direct

    Pour tous ceux qui essaient de donner des lecons au Gouvernement du Niger, nous vous demandons de revoire chez vous d’abord avant de vous occuper des autres. Vous avez la reputation de vous moquer des nigeriens depuis ces evenements du nord Niger et surtout depuis que l’emissaire burkinabe est rentre bredouille de Niamey.

    Merci pour les eloges que vous faites a Kadhafi. Par ailleurs, vous ecrivez "Enfin, Kadhafi se sent une certaine affinité avec le peuple touareg. A telle enseigne que certains dirigeants le suspectent de susciter secrètement la création d’un Etat appartenant à cette communauté. Idée saugrenue, certes, mais que les pays de la bande sahélo-saharienne prennent au sérieux". Je vous demande de lire les posts des toureg et vous comprendrez les intentions des eux et des autres.

    Continue votre campagne de destabilisation car je suis presque certain que chacun a son tour chez le coiffeur.
    Salut

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