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Accords de partenariat économique : Des préoccupations sur la table

Publié le lundi 3 septembre 2007 à 08h28min

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Maurizio Cellini de l’UE

Pendant 30 ans, les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) ont bénéficié d’un accès préférentiel au marché européen dans le cadre des Accords de Lomé et de Cotonou. Les Accords de partenariat économique en négociation vont modifier cette relation privilégiée.

Les deux parties, à savoir l’Union européenne et les pays ACP, discutent sur des accords de libre-échange sans droits ou quotas de douanes sur tout commerce. Une issue désavantageuse pour les ACP nettement sous-développés (des pays les plus pauvres du monde). Pour eux, le solde est négatif en termes d’impact pour les Etats et les populations.

Les APE font courir plus d’un dans le monde. En juin 2000 à Cotonou, l’UE et les pays ACP ont signé un nouvel accord dit de partenariat économique ACP-UE. A la place des préférences commerciales non réciproques et discriminatoires des conventions de Lomé, cet accord de Cotonou prévoit la négociation et la conclusion au plus tard le 31 décembre 2007, de nouveaux arrangements commerciaux compatibles avec les accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Qu’est-ce qui sous-tend ces nouvelles orientations ?

Maurizio Cellini, chef de section intégration régionale, gouvernance, société civile et culture à la représentation de la commission européenne au Burkina Faso explique les motivations de l’UE. “Le sytème commercial qui était en place avant n’était pas compatible avec les règles de l’OMC parce qu’il favorisait les pays ACP. C’était une forme de discimination vers d’autres pays en voie de developpement qui ne sont pas des pays ACP et qui ne pouvaient pas bénéficier des avantages tarifaires que l’UE accordait aux ACP. Ces pays ont dénoncé cette discimination. Une dérogation a été donnée aux ACP de continuer ce régime préférentiel.

Dans la dernière dérogation donnée aux ACP en 2000, l’UE a envisagé un autre régime qui soit plus compatible avec les règles de l’OMC. Le système préférentiel en vigeur depuis 30 ans n’a pas apporté de bons résultats. Du point de vue commercial, les ACP n’ont pas profité de cet avantage comparatif par rapport à d’autres pays comme le Brésil, l’Inde, la Chine qui ne bénéficient pas de cet avantage.”
La mise en application des APE telle que édictée signifie que les ACP pour maintenir leur accès aux marchés, devront ouvrir leurs propres marchés.

D’où les inquiétudes des producteurs qui se voient en première ligne des victimes. “La plus grande de nos inquiétudes c’est l’ouverture de nos marchés avec comme conséquences la non-protection de nos produits locaux... Nos économies ne sont pas prêtes pour cette libre concurrence que l’on prétend développer en notre faveur...

Du côté de l’UE nous savons que des dispositions sont prises pour qu’un certain nombre de produits ne puissent entrer dans leur espace. Je citerai tout ce qui est lié aux normes. Il y a aussi la traçabilité des produits, les Limites maximales de résidus (LMR) qui sont liées aux pesticides utilisées”, estime Moumouni Ouédraogo secrétaire éxécutif de la Confédération paysanne du Faso (CPF). En sus des barrières douanières que les producteurs perçoivent, il y a d’autres barrières subtiles, difficiles à ceux-ci de franchir à l’étape actuelle.

Personne ne peut garantir la qualité des produits qui vont venir des pays de l’UE . Cela constitue un danger pour les consommateurs, c’est pourquoi le monde doit se sentir interpellé. L’ouverture des marchés impliquerait l’inondation des produits agricoles tels que le lait, la viande, les œufs, la pomme de terre... subventionnés à l’exportation en Europe ils seront vendus à un prix sans commune mesure avec le coût de production. Pour les producteurs africains, produire sans pouvoir vendre, c’est “disparaître”. Pour Moumouni Ouédraogo, “cette agriculture dite toujours arriérée nourrit la majorité de la population burkinabè”.

Pour les Etats, les APE vont entraîner une perte énorme des recettes fiscales avec la suppression des droits de douanes. Un pays enclavé comme le Burkina vit des recettes fiscales. “Nous commerçons essentiellement avec l’Europe, c’est notre plus gros partenaire. Nous allons perdre une bonne partie de tout ce que les douanes collectent aujourd’hui... Le pays sera obligé dans ce cas de penser à d’autres taxes internes pour faire face à ce déficit...” soutient M. Ouédraogo.

Les APE suscitent les mêmes inquiétudes que les Programmes d’ajustement structurel (PAS) lancés dans les années 90.
Tant d’espoirs ont été déçus au bilan de ces programmes. Ils n’ont rien apporté sinon la destruction des industries naissantes et l’accroissement du chômage.
Avec les APE, l’UE s’attache uniquement au volet commercial des Accords de Cotonou. En s’y accrochant, les APE peuvent conduire à ces affres du PAS.

La paupérisation des paysans peut amener un exode massif des jeunes ruraux vers les grandes villes avec les conséquences qui en découlent (chômage, délinquance).
Ces inquiétudes sont connues de l’UE selon Maurizio Cellini de la représentation de la commission de l’UE au Burkina : “Dans les pays africains beaucoup de recettes proviennent du fisc... Nous connaissons également que les entreprises locales vont être exposées à une concurrence plus forte. Cependant les APE se présentent comme une opportunité dont il faut pouvoir profiter”.

L’UE entend également continuer le financement de toutes les six régions de négociation afin qu’elles puissent faire face aux défis des APE. Elle est prête à les aider dans les domaines des infrastructures et améliorer les performances économiques des pays. “Tout ceci est prévu et fait partie des négociations.

C’est un gros paquet qui ne se limite pas à l’élément tarifaire et à l’élimination des droits de douanes”, affirme M. Cellini. Et même que les produits sensibles pourraient être exclus à 100% des négociations et donc pourraient continuer à profiter des protections tarifaires.

A entendre M. Cellini, la libération du marché en Afrique de l’Ouest ne sera pas immédiate. Il est prévu une période de transition de 15 à 20 ans.
Il reste que dans un partenariat “le gagnant-gagnant” doit être perceptible des deux côtés. Pour le moment, les ACP face à l’UE n’ont ni la capacité ni les moyens pour s’affronter dans le principe de la réciprocité. C’est pourquoi ils appellent à la patience.

Marceline ILBOUDO

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 11 septembre 2007 à 10:08, par Lionel Mabanza En réponse à : > Accords de partenariat économique : Des préoccupations sur la table

    Bonjour !

    Je viens par cette présente faire connaître ma préoccupation après lecture de votre commentaire.
    Je suis tout à fait d’avis avec vous ; ma préoccupation ce résume en deux questions :
    - Quels sont les points de chute probables qui pourraient entrainer les relations commerciales entre les pays A.C.P.- U.E. au chaos, si vous me permettez le terme ?

    - Si les dispositions asymétriques à "l’avantage" des pays A.C.P. sont totalement supprimées à l’horizon fin 2008 ; que deviendraient particulièrement les valeurs paritaire des monnaies desdits pays ?

    Très cordial,
    Lionel MABANZA
    Consultant en management des organisations
    et commerce international
    Tél : 665 42 88
    e- mail : lionelliss@yahoo.fr
    Pointe- Noire
    Rép. Congo

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