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Culture maraîchère dans le Nord du Burkina : L’écoulement des produits, un cauchemar pour les producteurs

Publié le mercredi 29 août 2007 à 07h45min

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Les producteurs-maraîchers de la région du Nord n’ont plus le sommeil tranquille. Sur 63 producteurs rencontrés sur les différents sites maraîchers de la région, ils sont nombreux à se plaindre de difficultés d’écoulement. Certains menacent d’abandonner pioches, arrosoirs, motopompes, champs, si une solution adéquate n’est pas trouvée à leur problème.

L’écoulement des produits maraîchers est un véritable casse-tête chinois pour l’ensemble des producteurs de la région du Nord.

Aujourd’hui, la question n’est plus de savoir comment produire la pomme de terre et la tomate mais comment les écouler. De Ouahigouya à Yako en passant par Titao, les producteurs ne veulent plus s’adonner à une activité qui ne leur rapporte que des ennuis.
"Je suis convaincu d’une chose : personne n’osera l’année prochaine, produire de la tomate si le problème d’écoulement ne trouve pas une solution", a laissé entendre Daouda Kaboré, un producteur de tomate. La mévente des produits maraîchers a fait "crouler" de nombreux producteurs qui ne savent pas comment faire pour rembourser leurs crédits. Une surproduction qui fait l’affaire des acheteurs ghanéens.

En effet, les acheteurs ghanéens ont acheté la caisse de tomate de 120 kg à 2 000 F CFA alors qu’en temps normal, la même caisse est vendue à 60 000 F CFA. Djenné est une acheteuse ghanéenne. Elle est une habituée des sites maraîchers de la région. Selon les explications de Djenné, relatives à la baisse des prix, ce sont les tracasseries routières et les pourrissements des tomates en cours de route qui font qu’ils ne peuvent pas proposer mieux que cela. Suite à la surproduction et les grognes des producteurs, le gouverneur de la région du Nord a initié une tournée régionale les 27 et 28 mars 2007.

La tournée l’a conduit sur les différents sites maraîchers de la région. Sur les sites visités, le gouverneur Henry Marie Dieudonné Yaméogo était désappointé : "Quand j’ai visité la production des tomates au niveau du barrage de Kanazoé, je n’étais pas du tout à l’aise parce que les producteurs connaissent un sérieux problème d’écoulement". Selon toujours le gouverneur, "la situation s’explique par le fait que l’offre est très forte et la demande est faible. Ce qui permet aux acheteurs véreux de venir brader la production des pauvres paysans Burkinabè. 120 kg pour 2 500 F.

A ce prix, le kg ne s’achète même pas à 25 F CFA", a conclu Henry Marie Dieudonné Yaméogo. Lors de la 2e assemblée régionale des chefs de projets et programmes de développement de la région du Nord tenue les 29 et 30 juin 2006, les statistiques disponibles indiquaient que la région fournit 48% de la production nationale de pomme de terre, 20% de carottes, 12% de choux et 8% de tomate. La région détient 46,9% du chiffre d’affaires national issu de la commercialisation de la pomme de terre. Dans la région du Nord, les activités agricoles de contre-saison, occupent près de 40 000 personnes pour une production annuelle de plus de 100 000 tonnes. Dans la province du Loroum, bastion par excellence de la pomme de terre, les producteurs sont désorientés par le problème d’écoulement de leurs produits.

Des producteurs ont franchi le rubicon en mettant en doute la fiabilité de certaines sociétés d’appui au secteur de la production. "La Société burkinabè des fruits et légumes (SOBFEL) est un obstacle pour les producteurs. La société nous paye le kg de la pomme de terre à 150 F et elle pille les producteurs", a laissé entendre un producteur sous couvert de l’anonymat.
A Titao, la plupart des producteurs de la pomme de terre ont tiré la sonnette d’alarme sur l’écoulement de leurs produits. "Si le gouvernement burkinabè ne nous vient pas en aide, des commerçants véreux vont toujours nous arnaquer.

Il nous faut des usines de transformation et l’exportation à grande échelle", concluent les producteurs.
Pour pallier un tant soit peu le problème d’écoulement, les producteurs en collaboration avec les services techniques de l’Agriculture ont initié des journées promotionnelles. Si à Ouahigouya on parle de la journée du maraîcher et de l’éleveur, à Titao c’est la fête de la pomme de terre qui a été retenue. Et, selon un rapport de la direction régionale de l’Agriculture du Nord datant de juin 2007, la province du Passoré abritera dans les années à venir, la journée de la tomate.

Ces journées promotionnelles de production agricole témoignent sans nul doute la volonté de promouvoir les productions en rapport avec les besoins. Mais force est de reconnaître qu’elles sont loin de sortir les filières de l’auberge. En 1970, le Burkina Faso était classé au 3e rang des pays exportateurs de fruits et légumes. Depuis 1994, les efforts se sont étiolés, a reconnu le ministre de l’Agriculture Salif Diallo lors de la 4e édition de la Journée du maraîcher le 31 mars 2007.

A la 6e édition de la fête de la pomme de terre à Titao le 31 mars 2007, c’était au tour de l’ambassadeur français, François Goldblatt de rentrer dans la danse en ces termes : "Compte tenu de la forte croissance de la production ainsi générée, il convient d’appeler les productrices et les producteurs de s’organiser au mieux pour optimiser les résultats du cycle de production". Ce qui veut dire que les maraîchers doivent produire non seulement en quantité mais aussi en qualité pour conquérir le marché national, et au-delà, le marché sous régional, voire international. Pour l’ambassadeur de France, cela implique que la question de la transformation des produits en vue d’une meilleure commercialisation soit posée à plus ou moins brève échéance. Son pays, a-t-il rassuré, est prêt à soutenir les producteurs dans ce sens. Le ministre de l’Agriculture, Salif Diallo, affirmait le 31 mars dernier après la cérémonie de la fête de la pomme de terre à Titao, que l’écoulement des produits est une angoisse : "Nous avons une angoisse aujourd’hui.

Comment commercialiser de façon efficace la pomme de terre et la tomate que nous produisons". D’un air visiblement soucieux, le ministre Salif Diallo a interpellé les opérateurs économiques et le ministre du Commerce : "Les paysans ont respecté leur contrat, il appartient désormais aux opérateurs économiques d’honorer le leur pour qu’on puisse écouler les produits agricoles.

Le ministère du Commerce doit sensibiliser et organiser davantage nos opérateurs économiques pour qu’on puisse écouler les produits agricoles". Sur les sites maraîchers de Kalsaka, dans la province du Yatenga et sur ceux du Passoré, le 12 avril 2007, nous avons vécu une scène désolante. La tomate était jetée par terre faute d’acheteurs. Même les animaux qui s’y intéressaient en avaient marre. Selon le ministre Salif Diallo, la tomate jetée dans les champs par manque d’acheteurs est un triste constat dans le Loroum, dans le Namentenga et dans le Passoré.

Peut-être des perspectives à l’horizon

Certains opérateurs économiques semblent préoccupés par les problèmes des producteurs. Sont de ceux-là, le président-directeur général du groupe STMB Hamadé Bangrin : "Nous partageons les soucis de nos producteurs. Seulement, je me pose toujours la question sur la possibilité de la centrale II de la SONABEL de Ouahigouya à pouvoir alimenter une usine. Néanmoins, nous allons nous atteler à trouver une solution idoine, efficace et unanime au problème". Le président-directeur général de la BIB, lors de sa rencontre avec les opérateurs économiques à Ouahigouya le 10 mai 2007 a invité ceux-ci à investir dans le secteur de la culture maraîchère. "Si des opérateurs économiques sont motivés par une usine de transformation ou de conservation pour nos produits, la BIB les accompagnera", a conclu Gaspard Ouédraogo.

A Titao, le maire Jacques Nyampa a confié le 31 mars 2007 que la culture de contre-saison et particulièrement la pomme de terre va engranger cette année, 200 000 000 F CFA de recettes hors taxes. Véritable moyen de lutte contre la pauvreté, le bourgmestre a reconnu que le manque d’eau et d’écoulement constitue une entrave au décollage économique de sa commune. Le ministre Salif Diallo n’est pas resté inerte face aux cris du cœur des producteurs lors de la 6e édition de la fête de la pomme de terre de Titao ; il a promis la construction d’un entrepôt frigorifique pour conserver la pomme de terre et procéder au lancement du Programme d’appui aux filières agricoles (PROFIL).

A entendre le ministre de l’Agriculture, le PROFIL a pour objectif de réduire la pauvreté rurale en améliorant l’accès des populations aux marchés porteurs. Pour le directeur régional de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques du Nord, Sana Seydou, la situation de la pomme de terre et de la tomate est liée à un problème d’organisation des acteurs. A son avis, les producteurs ont du mal à se définir de manière claire et précise des objectifs de production qui tiennent véritablement compte d’un calendrier de production bien étudié et des opportunités de marché.

Ce qui, le plus souvent, les conduit à une production et à une vente groupée, chose qui occasionne la mévente et parfois des conséquences. Ils ne rentabilisent pas leurs activités.
Selon les explications du directeur régional, la politique gouvernementale en matière de développement agricole repose sur la responsabilisation des acteurs à la base et le renforcement de leurs capacités techniques et opérationnelles.

Donc, il revient aux producteurs de s’organiser pour mieux planifier leurs productions, mieux produire afin de mettre à la disposition des consommateurs, des produits de qualité et compétitifs. Des actions d’accompagnement sont entreprises par le gouvernement à travers la formulation de projets et programmes entrant en droite ligne dans ses préoccupations. Il s’agit, entre autres dans la région du Nord, du Programme d’appui aux filières agro-sylvo-pastorales (PAFASP) dont Ouahigouya abrite l’antenne régionale, du Projet de développement des filières agricoles (PROFIL) en cours d’installation.

Selon le dernier rapport du projet de petites irrigations villageoises du Nord, la région a emblavé 3154 hectares en 2007 contre 2804 en 2006, soit une hausse de 12,48% et 57 180 tonnes de céréales produites contre 872 tonnes soit une augmentation de 24,88% et enfin 57 180 tonnes de produits maraîchers (toutes spéculations confondues) contre 49 692 tonnes en 2006 soit une hausse de 15%.

Jean Victor OUEDRAOGO
AIB/Ouahigouya

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 29 août 2007 à 16:09, par Kanzim En réponse à : > Culture maraîchère dans le Nord du Burkina : L’écoulement des produits, un cauchemar pour les producteurs

    Voilà une situation qui devrait réveiller les producyteurs du Burkina, sur leurs problèmes réels. Leurs problèmes ne portent pas sur l’élection coûte que vaille de leurs candidats aux législatives ou aux présidentielles, comme c’est souvent le cas de constater à travers les luttes fratricides, lors des joutes électorales ; et ceci est particulièrement valable pour la Région du Nord. Qu’est ce qui leur coûte par exemple, de se conscientiser autour de la problématique agricole, de se regrouper et d’interpeller les candidats, autour de leurs programmes sur la maraîcheculture ? Qu’il y ait par exemple un vote des maraîchers, et non des votes individuels de frères rendus ennemis par les politiciens, hier adversaires, aujourd’hui co-jouisseurs autour de la manne nationale confisquée ?
    Il faut avouer qu’il n’y a pas une conscience paysanne au Burkina faso : les preuves sont nombreuses, et la plus palpable est fournie par l’affaire des tracteurs. Des tracteurs ont été détournés de leur destinataires que sont les paysans et autres producteurs agricoles ; ces paysans ont surpris plus d’un en dénonçant ceci en présence du président du Faso. Mais hélas ! Au lieu d’engager la dénonciation en présence de celui-ci, ils se sont contentés de bégaiements officiels ; pire, ils n’ont pas revendiqué leurs droits à gérer la prochaine opération sur les tracteurs. Il faut que ce soit les producteurs qui conduisent cette opération. En outre, ils ne devraient pas se contenter d’attendre que le ministre du Commerce s’occupe de l’écoulement de leurs produits, seulement après la production ; l’approche devrait être holistique, de la planification à l’écoulement en passant par la production et le stockage. Les paysans ne devraient pas accepter qu’on leur fasse la proposition de modifier leur calendrier de production pour éviter la surproduction ; ils devraient, mieux que les officiels des minsitères, savoir que le niveau technique de l’agrométéorologie, de la maîtrise de l’eau et de la maîtrise des marchés national et international, que ces différents niveaux ne permettent pas de différer la prodution maraîchère, parce que notre production est d’un type trop primaire ; c’est une production de cueillette ; différer le temps de l’emblavement serait suicidaire, parce que nous ne maîtrisons pas l’eau, et pire, il n’existe pas un système intégré de l’activité agricole ; le maraîcher doit alors terminer le cycle du maraîchage, pour entamer celui de la céréaliculture, dans ses champs. Dommage encore que la dépendance d’avec les officiels et autres politiciens et chefs coutumiers demeure toujours plus forte : les préoccupations ne sont pas les mêmes ; tandisque les paysans souhaitent écouler leur production, le ministère de l’élevage a besoin de statistiques de production élevée pour sa visibilité, et le ministère du commerce lui, ne se réveillera de son sommeil que pour gloser sur des insanités du type " faible demande sous régionale du moment, structures d’écoulement... " etc. espérons qu’ils méditeront ce qu’une productrice a détecté comme cause de la mévente dans le Nord : les tracasseries routières qui rendent le coût de revient de la tomate trop élevée, et qui cause le pourrissemnet de cette tomate. Une solution pourrait être esquissée à partir de la déclaration de cette dame. Un regard pourrait alors être tournée vers le Ministère des transports, celui de la sécurité, et vers l’UEMOA. Mais pourvu qu’à l’UEMOA, on cesse de nous servir des sourires largement béats et angéliques, du captaplasme sur des jambes de bois, et que enfin on travaille à l’intégration, sans oublier l’intégration des systèmes et stratégies économiques. Il n’ y a pas qu’avec la tomate quil y a la pourriture ; on en entrouve de pire, la véritable putréfaction intellectuelle et morale, dans les institutions, ministérielles comme sous régionales. Courage à la paysannerie sous régionale.

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