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Situation nationale : "Ainsi donc, sans pudeur, se sont rejoints les extrêmes"

Publié le vendredi 21 mai 2004 à 09h49min

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Des élus ADF-RDA

Lors de la rencontre des partis politiques d’opposition le 13 mai 2004 au siège du PAI pour la mise en place des représentants de l’opposition au sein des démembrements de la CENI, l’ADF-RDA avait claqué la porte.

Selon les partis qui y sont restés, le parti de Me Gilbert Ouédraogo voulait que l’on procède par consensus au choix des représentants, et lorsque cela s’avérait impossible, par tirage au sort. Pour l’ADF-RDA, le problème est tout autre : tout a été fait pour l’écarter des démembrements de la CENI. C’est ce qu’affirme Ousséni Tamboura, député dudit parti, dans l’écrit qui suit.

Fait très banal que ce qui s’est passé la semaine dernière et qui a été relaté dans la presse quotidienne, que ce communiqué signé de Sawadogo Yamba Malick, et faisant état d’une large concertation de l’opposition (sic !), qui a permis de désigner des représentants à la CENI : l’ADF-RDA, premier parti de l’opposition, car le plus représentatif de tous, est écartée des démembrements de la CENI par une orgie de partis qui, tous réunis, ne peuvent ni comptabiliser les élus nationaux et locaux du parti de l’éléphant ni avoir son implantation sur le territoire national.

Après seulement cinq (5) meetings et surtout celui de Ouahigouya, qui a battu tous les records de mobilisation, l’ADF-RDA a montré le chemin d’un travail d’animation politique conséquent. Au cours de ces meetings (Bobo, Ouahigouya, Dori, Gaoua et Banfora), le parti de l’éléphant n’a pas eu recours à un seul parti pour compter ses militants ; il les a mobilisés sur la base de l’espoir d’une alternance véritable au Burkina Faso, sans démagogie. Quinze partis pour remplir une « maison du Peuple » devenue exiguë même pour la fête de la bière !

C’est même à se demander si les partis qui se sont autodésignés pourront pourvoir les places qu’ils se sont attribuées, tellement on chercherait leurs militants dans les secteurs ! Il est à espérer et nous devons être convaincus que beaucoup d’entre ces partis sont de bonne foi et que la raison triomphera sauf pour les meneurs dont on aura décelé les véritables intentions : éviter à tout prix de travailler avec les véritables démocrates. En somme la dimension politique de cet épiphénomène nous pose à tous la question suivante : dans quelle démocratie sommes-nous ?

Sommes-nous dans cette démocratie où comme le disait Chamfort de la France qu’"on laisse en repos ceux qui mettent le feu et que l’on persécute ceux qui sonnent le Tocsin !" ou bien dans cette démocratie représentative où ceux qui ne représentent rien se muent en faux-prophètes excellant dans le maniement des angoisses du peuple et s’arc-boutant sur un passé plus ou moins glorieux dont on n’a pas encore fini de faire les comptes !

On ne peut vivre la démocratie sans la République

Alors que l’avancée démocratique dans notre pays a ouvert des perspectives et un espoir insoupçonnés pour notre peuple depuis le 5 mai 2002, la classe politique (en tous cas ceux qui font assez de bruit pour qu’on les désigne comme telle) entretient une morosité qui tient véritablement d’un paradoxe : des résultats concrets obtenus aux législatives grâce à une large participation d’une opposition responsable, on en est arrivé ces derniers jours à des périodes d’agitations fébriles débouchant sur des résultats qui ne sont pas propres à remédier aux difficultés dénoncées.

L’opposition « vraie » ou encore l’opposition « fâchée » depuis 1991 a fragilisé le « pôle opposition » à travers un infantilisme qui frise la complicité tant ses actes tendent à renforcer le parti au pouvoir. A intervalles réguliers, déclarations, marches avec écharpes, désertion des lieux de débats parlementaires, meetings vaseux et discours creux pleins de haine à l’endroit de ceux qui voient et font autrement l’opposition, captivité du citoyen et du peuple burkinabè par une ambiance surchauffée tout en oubliant que « l’avenir ne peut se nourrir d’un état d’esprit de fin de règne » (et on oublie souvent que c’est ainsi que naquit le fascisme).

Certains ont donc choisi de vivre la démocratie sans la République tout en oubliant que celle-ci est l’association des hommes, certes différents, mais guidés par une seule foi traduite dans un droit positif et naturel à travers un pays, le Burkina Faso, un écrit, la Constitution, un vouloir-vivre en commun, la devise et l’hymne national. On ne peut donc être en dehors de cette communauté de Droit et parler au nom de la démocratie, car cette dernière n’est qu’un mode de vie de la maison commune.

Vouloir opposer le droit positif au droit naturel comme on est en train de le faire à propos de la candidature de Blaise Compaoré en 2005, c’est faire le lit des faux prophètes, c’est-à-dire l’anéantissement du Droit, summum de toute existence (même la matière est définie par des lois). Les deux camps, positivistes et naturalistes, doivent savoir respecter la ligne de non-rupture sous peine de plonger notre pays dans une situation de chaos où la mort et la violence frapperont le peuple et toutes les institutions dans une logique bien décrite par Patrick de FONTBRESSIN (in « LA DEMOCRATIE-DEPASSEMENT ») : « Alibi de l’agression injuste, désormais idéalisée en une agression justifiée ou en autodéfense au nom du sentiment du droit lésé, l’instinct de droit devient l’instrument du glaive fou. Incontrôlé, il n’est plus le garant de la conservation du groupe, mais tend vers sa destruction sous l’effet d’une sorte de réflexe collectif animal.

Lorsque la prolifération textuelle revêt l’allure d’une guerre bactériologique où la capacité de résistance humaine se trouve confrontée à l’artifice du règlement, et que l’instinct de Droit se pose comme champion du rejet du droit positif, deux morales s’affrontent : celle de la citadelle et celle de la Cité, dans une violence fratricide. Ici l’on prétendra faire régner le Droit ; là-bas, l’on prétendra lutter pour la Justice ». Il faut donc se garder d’opposer la règle de droit et celui dont elle a pour mission de régler la conduite, « au gré d’une vision éphémère ou ponctuelle du Bien et du Mal ».

Quid de la vraie opposition ?

La vraie opposition, c’est celle qui n’expose pas le peuple, tout en lui offrant une véritable alternative à la mauvaise gouvernance du parti au pouvoir et en faisant preuve d’une réelle capacité de vision et d’action pour le bien-être des populations burkinabé ; l’alternance ne saurait se résumer à des dénonciations ni encore à des comptes à rendre par un parti au pouvoir rattrapé par ses erreurs et ses scandales. L’alternance, ce n’est pas qui doit remplacer le président actuel, mais plutôt quoi faire du pouvoir qu’on met autant d’énergie et de vigueur à vouloir conquérir et qu’est-ce qui va changer dans la manière de gouverner et de servir la Nation.

Au lieu de poser le véritable enjeu de l’alternance, comment sortir notre peuple de la pauvreté, comment arrimer le Burkina à la chaîne des Nations qui avancent et non qui reculent, comment réinventer le développement et l’espoir des Burkinabé quand, au même moment et au même lieu le cadre supérieur ne peut plus vivre avec son salaire, l’ouvrier licencié n’a plus d’espoir de retrouver un emploi, l’étudiant est malmené socialement, de nombreux jeunes abandonnent la campagne pour une émigration en Afrique et en Occident, de plus en plus perçue comme une invasion ou comme une atteinte à la sécurité du territoire (cette perception est encore l’œuvre des faux prophètes) ?

La vraie opposition est celle qui, dans son discours politique, stigmatise la politique de développement actuel, mais aussi et surtout propose des solutions aux problèmes posés. L’action de l’opposition doit se justifier dans la vision d’un devenir radieux possible. La vraie opposition est celle qui est républicaine et qui, à travers les élections libres et transparentes, représente le peuple par ses élus. La légitimité de tout parti se trouve dans sa capacité à être choisi par le peuple, et ce choix du peuple n’est autrement vrai que par le nombre de ses élus. La photographie des partis politiques après les élections nationales de mai 2002 permet de désigner en réalité 3 partis à vocation nationale et non régionale.

Les 3 partis représentatifs du Burkina

Il s’agit du CDP (parti au pouvoir), de l’ADF-RDA et du PDP/PS, qui totalisent plus de 75% de l’électorat national. Les autres partis, aussi longue que soit leur liste, ne dépassent guère les 25% de ce même électorat. Le constat qui s’impose, c’est que le peuple burkinabè se retrouve représenté principalement dans trois partis et subsidiairement dans une trentaine d’autres partis. Notre démocratie se trouve donc travestie lorsque le subsidiaire supplante le principal sans que personne ne crie au scandale d’une telle ineptie politique et juridique !

Au Parlement, des partis politiques de trois députés, représentés dans deux provinces, parlent au nom du Burkina, d’autres n’ayant aucun député ni conseiller municipal et toujours en procès judiciaire se donnent l’honneur d’organiser et d’abriter l’opposition pour la conduire à la victoire en 2005, d’autres enfin, ne sachant à quelle sauce ils seront assaisonnés à l’occasion du renouvellement des instances de l’Assemblée nationale, font des alliances contre nature. Ainsi donc se rejoignent sans pudeur les extrêmes dans une démocratie qui cherche ses marques. Le Burkina serait-il un zoo politique en expérimentation où des chèvres veulent prendre la part du lion ?

Nous sommes dans une vaste confusion d’actions et de discours politiques qui, si on n’y prend garde, engendrera une rupture de communication ; celle-ci, ne l’oublions pas, « est l’épreuve suprême des hommes. Ses échecs engendrent la guerre. Sa réussite crée l’harmonie ». La tâche revient aux hommes des médias pour que cette rupture ne survienne pas. Ils ont le devoir démocratique de civiliser le discours politique et d’interpeller l’homme politique sur son action, ses ambitions pour le peuple, ainsi que les réponses qu’il entend apporter aux problèmes de développement de notre pays, notre continent, notre monde et non de faire droit aux shows politiques, dont on sait que la principale caractéristique réside « ...dans la magie de l’apparente transformation d’une tare individuelle en une fierté collective ».

Il faut agir ensemble, véritable opposition républicaine et hommes des médias, à exclure des mœurs politiques les discours creux, vaseux, arme favorite des démagogues afin que nos peuples s’écartent des aventures périlleuses, car comme l’a affirmé Héraclite longtemps auparavant : « la plupart ne réfléchissent pas sur les faits qu’ils rencontrent. Ils ne comprennent même pas, après avoir été instruits, mais ils se l’imaginent. Ils ne savent ni écouter, ni parler. Quel est donc leur esprit et leur intelligence ? Ils se laissent persuader par les chanteurs de rues et ils ont la foule pour maître, ne sachant pas que la plupart sont mauvais, et qu’il n’y en a que peu qui soient bons.

Aucun de ceux dont j’ai entendu le discours n’arrive à comprendre que la sagesse se distingue de tout le reste.. ». A la vérité, il faut restaurer la démocratie dans notre pays, que chacun prenne la place qui lui revient et les vaches seront bien gardées ! Que dire de cet empressement à désigner les membres des démembrements de la CENI conformément à la nouvelle loi électorale, alors que celle-ci n’est pas encore promulguée et qu’on a même refusé de participer aux débats de fond sur cette loi ? La CENI serait-elle pressée par le temps au point d’autoriser des dénis de droit et de légitimité ? Que signifie la loi sur le statut de l’opposition, instituant le chef de file de l’opposition ? Si ce n’est pas l’ADF-RDA, que nos princes nous désignent qui c’est ! Il revient au chef de file de l’opposition de servir d’interface à qui veut saisir et dialoguer avec l’opposition. Alors que la loi et la sagesse s’appliquent...

Ousséni Tamboura,
Secrétaire politique de l’ADF-RDA Député à l’Assemblée nationale 01 BP 2518 Ouagadougou 01

(1) Les intertitres sont du journal

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