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Affaire Carfo : Les inspecteurs d’Etat sont là et fouinent

Publié le samedi 18 août 2007 à 06h30min

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Il faut croire que la situation à la Caisse autonome de retraite des fonctionnaires (CARFO) est suffisamment préoccupante pour que le gouvernement de Tertius Zongo juge nécessaire d’y dépêcher les investigateurs de l’Inspection d’Etat.

Le 4 juillet 2007, le Conseil des ministres a tranché le litige qui avait pendant longtemps opposé le Conseil d’administration au Directeur Général en congédiant purement et simplement ce dernier. En faisant appel à l’Inspection d’Etat, le gouvernement veut sans doute voir clair dans la situation de la boîte pour en tirer les conséquences qui s’imposent.

L’idée n’est pas nouvelle en soi. Le contrôle de l’Inspection d’Etat avait été annoncé pour courant 2006. Il n’a pas eu lieu. Il fut alors reprogrammé pour le premier trimestre 2007. Rien non plus ne s’était passé. En n’intervenant que maintenant, on peut penser que les responsables de la tutelle de l’époque ne voulaient pas que des yeux inquisiteurs se braquent sur ce qui se tramait dans la caverne d’Ali Baba.

C’est bien l’opinion que certains ont en effet de la CARFO, en particulier l’ancien Directeur général (DG), Abel Dabakuyo, qui était apparemment serein sur la question des finances quand d’autres s’interrogeaient sur les capacités réelles de la boîte au regard de la lourdeur des investissements envisagés. C’est notamment l’un des points de friction qui l’ont opposé à André Dembélé, président du Conseil d’administration (PCA)qui s’échinait à demander une étude actuarielle. La dernière étude du genre date de 1995. Or, sans cet exercice qui prend en compte l’ensemble des paramètres endogènes, ainsi que les éléments exogènes susceptibles d’influer sur la situation d’une entreprise, il est hasardeux d’engager des investissements lourds.

En l’absence de cette étude, soutient le PCA, personne ne peut véritablement prétendre connaître la santé de la CARFO. C’est cette prudence de Sioux qui a conduit les administrateurs à exiger qu’à défaut d’une étude actuarielle, on puisse au moins présenter un plan de décaissement pluriannuel, assorti d’un plan d’exécution annuel qui tienne compte des capacités financières de l’institution. Mais pour le DG, soutenu en cela par son ministre de tutelle d’alors, Alassane Sawadogo, il n’y avait aucun problème de trésorerie. Toute cette agitation traduisait à leurs yeux une volonté de blocage. Les deux hommes n’avaient qu’une seule préoccupation : obtenir à tout prix le décaissement de l’avance de démarrage des travaux.

L’assemblée générale des sociétés d’Etat

Les effets de cet empressement sont connus. C’est entre autre la montée au créneau du ministre pour exiger du Conseil d’administration qu’il revienne sur une délibération adoptée le 25 avril qui enjoignait le DG d’arrêter immédiatement de fouler aux pieds les textes et de reprendre la procédure à zéro. Cette délibération se fondait sur la lettre du PCA au DG de la CARFO en date du 5 mars : " Je vous invite ... à prendre les dispositions utiles pour mettre un terme à cette procédure qui ne respecte ni les prérogatives du Conseil d’administration, ni le manuel de procédures administratives et comptables de la CARFO, ni jusqu’à preuve contraire, les procédures de passation des marchés publics... "

Mais au moment où le DG recevait cette lettre, il avait déjà ordonné les décaissements. Trop tard donc ! Devant un Conseil remonté ce 25 avril, le DG dû même battre en retraite en annonçant qu’il n’avait pas encore à ce jour effectué de décaissement. Cela n’avait malheureusement rien changé dans la détermination du Conseil qui exigeât l’arrêt immédiat de la procédure mafieuse. L’intervention du ministre a donc été un coup de force opéré à l’encontre du Conseil d’administration.

Les deux hommes ne se doutaient pas que quelque chose pouvait enrayer cette belle mécanique à casser du Conseil. Mais contre toute attente, le ministre Sawadogo n’est pas reconduit par Tertius. A l’assemblée générale des sociétés d’Etat, les choses s’annonçaient mal pour le DG. Le nouveau PCA, Sandalma Baloma Marcel, appelé à présenter la situation de sa boîte, ne pouvait que balbutier. C’est sous son mandat que la procédure irrégulière a été entérinée. Comment justifie-t-il tous ces impairs procéduraux ?

L’argument du " je suis nouveau " ne pouvait guère prospérer. Les choses n’ont pas commencé avec lui certes, mais il pouvait mettre un terme à cette pagaille. N’était-ce pas à la fois son rôle et son devoir en sa qualité de PCA ? Gilbert Sinaré, commissaire aux comptes de la CARFO, a présenté à l’assemblée un tableau hallucinant de la gestion. La mission du commissaire aux comptes consiste, outre le suivi et la certification des comptes, à apporter l’appui conseil nécessaire. Il aurait dans ce sens pleinement joué son rôle au point de devenir gênant pour la direction générale.

Sur la procédure querellée, il aurait notamment averti la direction générale de ne pas poursuivre dans ce sens : dossiers de marchés traités hors des circuits réglementaires, procédures de traitement des factures biaisées, toutes choses qui dénotent l’existence d’une administration parallèle entièrement acquise aux méthodes subjectives et frauduleuses de la direction générale. Sans compter les procédures irrégulières déjà mentionnées de passation des marchés : viol des dispositions relatives à la publicité sur les marchés publics, composition irrégulière des commissions de dépouillement, engagements sans autorisation de l’instance suprême qu’est le Conseil d’administration.

Concernant les commissions de dépouillement, on note en effet que des agents des services du contrôle (contrôleur général et contrôleur) faisaient partie des commissions, ce qui les mettait dans la position à la fois de juge et partie.
On comprend alors pourquoi le PCA était gêné aux entournures. "Tirez vous-même les conséquences de votre comportement", aurait asséné Tertius au DG. Ainsi prenait fin l’aventure de M. Dabakuyo, l’homme qui avait cru pouvoir défier impunément son Conseil d’administration.

Le mercredi qui a suivi l’AG des sociétés d’Etat, le DG est viré de son poste comme un malpropre avec instruction d’effectuer la passation le vendredi qui suit, soit deux jours seulement après. Seule l’absence du Secrétaire Général ainsi que du Contrôleur général alors en mission n’a pas permis de respecter ce chrono extrêmement serré. Pourtant, le DG ne peut même pas invoquer l’excuse de soumission au ministre. Si le ministre veut quelque chose, il peut écrire au Conseil d’administration, comme le veut la règle en administration.

Personne ne doit se cacher derrière quelqu’un, martèle à ce propos l’ancien PCA, André Dembélé. Chacun doit engager sa responsabilité personnelle. C’est bien ce que certains agents de la CARFO ont fait, qui en refusant, qui en acceptant de signer, quand c’était manifestement irrégulier. De cela chacun doit pouvoir répondre aujourd’hui. Le gouvernement qui a vite fait de prendre une mesure conservatoire en congédiant Dabakuyo doit montrer qu’il a un esprit de suite. Il reste pour le moment dans la ligne de ses premières décisions, ce qui est une bonne chose.

En attendant les conclusions de l’Inspection d’Etat

Si Tertius veut les responsables des lourdes fautes de gestion à la CARFO, il les tient. A commencer par l’ancien ministre de la Fonction publique, Alassane Sawadogo, aujourd’hui député à l’Assemblée nationale. C’est sur lui que s’appuyait le DG. Il a personnellement cautionné la procédure frauduleuse en demandant par écrit au Conseil d’administration de laisser faire son DG.

Vient ensuite l’ancien DG qui a déjà payé de son poste et qui doit répondre encore s’il est établi que sa gestion a causé des préjudices à la CARFO. En cela, les conclusions des inspecteurs sont attendues. Dans la foulée, on ne voit pas comment on peut continuer à faire confiance à tous les membres de l’ancienne équipe directoriale, en particulier tous ceux qui ont agi " ensemble et de concert " avec le DG, selon la formule des juges TPR (Tribunaux populaires de la révolution).

Que dire aussi de l’actuel PCA dont le mandat s’est d’emblée inscrit sous le signe du laxisme, voire de la complicité ? Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne s’est pas montré à la hauteur de sa mission. De la même manière, il importe d’assainir le marché des prestataires de services. On ne peut qu’être dubitatif quand malgré le passé d’échec sur les marchés de la CARFO, des entreprises comme Sol Confort et décor et Echa demeurent les entreprises privilégiées ! On peut en savoir plus si on se donne les moyens.

On l’a vu récemment avec l’homme d’affaires Korgo qui n’avait pas hésité à cracher dans le bassinet quand il a perdu le marché, alors que les deals avaient déjà été conclus et exécutés en partie. Rien n’est de trop quand il s’agit de sauver une institution telle que la CARFO chargée de gérer au mieux nos cotisations pour nous les resservir au moment où nous en avons le plus besoin. L’idée d’une CARFO incapable d’assurer sa mission essentielle suffit à faire frémir. Et quand d’aucuns en viennent à la considérer et à la traiter comme la caverne d’Ali Baba, il devient urgent et légitime de réagir.

En ce qui concerne la procédure de nomination des responsables des sociétés d’Etat, il importe aussi de les revoir si on veut progresser dans le sens de l’efficacité. Pourquoi ne pas recourir à la formule d’appel à candidatures, avec cahiers de charges qui oblige à des résultats. Le candidat retenu n’a aucun devoir de reconnaissance envers qui que ce soit. Ce système a au moins le mérite de minimiser le poids des ministres et des "mogos" dits puissants. Celui qui est là sait qu’il est jugé à ses résultats. Tertius l’américain sait bien ce qui fait l’efficacité et la réussite des Américains. Il doit pouvoir en retenir le meilleur, s’il veut mettre le pays sur les rails

Par Germain B. Nama
L’Evénement

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