LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Luc Adolphe TIAO, président du Conseil Supérieur de l’Information

Publié le mercredi 19 mai 2004 à 10h40min

PARTAGER :                          

" Nous avons pu consolider l’assise du CSI". Ainsi peut-on
résumer l’action de Luc Adolpphe Tiao à la tête du CSI (Conseil
supérieur de l’information) après un mandat de trois ans.
L’homme, bien apprécié des professionnels de l’information, dit,
dans cet entretien exclusif, ce qui a fait son succès à la tête
d’une institution dont les débats furent pourtant très difficiles.

Vous êtes à la fin de votre mandat, quel bilan en faites-vous ?

Faire un bilan n’est pas toujours facile. Parce qu’il y a souvent
soit le risque de tomber dans une autosatisfaction béate ou
bien de céder à une certaine forme de pessimisme ; donc c’est
toujours délicat de faire un bilan. Par contre, ce que je peux
essayer de dire c’est que j’ai vécu une expérience très
intéressante durant ces trois dernières années à la tête du CSI ;
compte tenu du fait que cela a été différent de ce que j’ai fait
jusque là.

En fait, je suis journaliste de formation, j’ai travaillé
pendant longtemps dans la presse écrite, ensuite je me suis
occupé de la communication institutionnelle. Alors, lorsque
nous sommes arrivés, je veux parler de notre collège de conseil,
nous avons quand même eu la chance de trouver une institution
bien organisée et qui fonctionnait très bien. Maintenant, il nous
revenait de continuer le travail entrepris par mon prédécesseur
et son équipe et d’apporter notre touche.

Trois ans après, je
peux affirmer de façon globale que l’institution se porte bien. Je
constate également qu’il y a une confiance réellement retrouvée
entre l’institution et le monde de la presse, la classe politique et
la société civile.

En fait, au début, vous savez très bien que l’institution a été fort
contestée ; mais ceci n’est pas spécifique au Burkina Faso,
parce que partout où les instances de régulation ont été créées,
au départ elles ont eu des problèmes pour se faire accepter à
cause des débats plus ou moins fondés qui ont été souvent
menés autour d’elles.

Aujourd’hui, l’institution est acceptée par
les différents acteurs ... et son action s’inscrit dans l’affirmation
du processus démocratique. Cependant, on note naturellement
des insuffisances ; il y a des activités que nous n’avons pas pu
mener, mais qui ne sont pas toujours de notre faute. De toute
façon, je pense que dans l’ensemble, l’essentiel a été fait , nous
avons pu consolider l’assise de cette institution, je crois que
c’est le plus grand acquis.

Justement, à propos d’insuffisances, y a-t-il des choses que
vous auriez voulu faire et que vous n’avez pas pu, par manque
de temps ou de moyens ?

Les deux à la fois. D’abord, lorsque nous avons pris fonction,
nous avons essayé d’élaborer un plan d’action qui couvre la
période 2001-2004. Il y a un certain nombre d’activités qui nous
tenaient à coeur et qui, malheureusement n’ont pas pu être
menées. Je crois que c’est par manque de temps, et aussi, pour
un certain nombre de considérations qui ne relèvent pas de
nous. J’aurais souhaité que trois ans après, l’une des
préoccupations essentielles du Conseil supérieur de
l’information toujours exprimée, du reste par mon prédécesseur,
qu’il y ait une législation spéciale pour le secteur de la
communication audiovisuelle, soit une réalité
malheureusement ; des propositions ont été faites mais n’ont
pas été prises en compte.

Nous nous sommes également
attelés à ce que les médias publics puissent disposer de
cahier des charges et de mission comme cela se fait pour les
médias privés. Là encore, nous n’avons pas pu concrétiser ce
rêve parce que l’institution de cahier des charges et de mission
des médias publics s’inscrit même dans la ligne voulue par les
textes réglementaires en la matière à savoir, faire de telle sorte
que l’ensemble des acteurs politiques et sociaux puissent
accéder de façon équitable aux médias publics.

Pour cela, il
faut un texte de base qui permette à l’instance de régulation de
pouvoir effectivement interpeller quand cela se doit et lorsqu’elle
constate qu’il y a un déséquilibre sur les médias publics.

Donc
c’est une des activités qui n’a pas été menée, mais le ministère
est dans une phase où il est en train de revoir l’ensemble des
textes qui régissent le domaine de l’information et de la
communication. Nous sommes confiants que notre
préoccupation sera prise en compte dans le cadre de cette
refondation des textes. Une autre activité que nous aurions
également souhaiter mener et qui, malheureusement n’a pas
pu être réalisée par manque de moyens, est la tenue d’un
certain nombre de séminaires de formation à l’intention des
journalistes.

Mais pour des questions d’ordre budgétaire, nous
avons pu, entre 2002 et aujourd’hui, tenir aux moins trois
séminaires qui ont réuni à la fois des journalistes et des acteurs
politiques. Enfin, l’un des projets qui nous tenait à coeur, c’était
de voir les conditions matérielles de cette institution s’améliorer,
notamment que nous puissions disposer d’un siège
conséquent. Actuellement, nous sommes près d’une
cinquantaine d’agents, et nous sommes véritablement à l’étroit.

A vous entendre, vous n’avez pas fini de cultiver le champ ;
souhaitez-vous être reconduit à la tête du CSI ?

Il ne m’appartient pas de dire si je souhaite ou non être
reconduit. Je pense qu’il y a une autorité qui m’a fait confiance
en me portant à la tête de cette institution et il revient donc à
cette autorité en l’occurrence le président du Faso de juger de
mon action et de voir s’il faut me maintenir ou me rappeler
ailleurs.

Je crois que je l’ai dit une fois à l’un de vos confrères,
depuis que je travaille, je n’ai pas en tant que tel un plan de
carrière. C’est-à-dire que je fais l’effort de m’acquitter de la tâche
qu’on me confie à un temps donné et j’y mets toute mon énergie,
toute ma conviction, toute ma sincérité ; et lorsque les résultats
sont bons ou pas, j’en assume l’entière responsabilité.

Mais
cela étant dit, je crois que c’était une expérience très
intéressante que j’ai vécue. Je pense qu’il appartient à vous
les journalistes de juger de mon action.

Le fait d’être nommé ne vous rend pas dépendant de l’autorité
compétente en la matière ?

Non, absolument pas du tout !... C’est vrai que c’est une
inquiétude que l’on exprime souvent dans les milieux de la
presse et ceux politiques. Mais, je vous rappelle que les
institutions administratives indépendantes ont cette forme de
nomination. C’est dire que leurs responsables sont nommés
par les chefs d’Etat. C’est ce qui se passe au Conseil supérieur
de l’audiovisuel en France et dans la plupart des instances de
régulation. Rares sont celles où le premier responsable est élu.

Pour la simple raison que l’on estime que le chef de l’Etat étant
garant du bon fonctionnement de toutes les institutions et de
leur indépendance, il lui revient de mettre à la tête de ces
institutions, des personnes capables d’exercer leur fonction
conformément à la loi. Comme je l’ai réaffirmé à plusieurs
reprises, durant les trois années que j’ai passées à la tête de
cette institution, je n’ai jamais subi la moindre pression de la
part du chef de l’Etat ou d’une quelconque autorité.

J’ai pu
travailler en toute indépendance et en toute liberté ; toutes les
actions qui ont été entreprises ici l’ont été en concertation avec
mes collègues du conseil et les collaborateurs de
l’administration. Donc, il y a une volonté nettement affichée pour
le pouvoir, de ne pas interférer dans les affaires du Conseil
supérieur de l’information. La nomination est une marque de
confiance qui est faite, pour assurer une mission bien donnée.

Ce n’est donc pas parce que le chef de l’Etat me reconduira ou
pas qu’il y a un problème de confiance ou de soumission. Je
voudrais vraiment rassurer vos lecteurs que durant ces trois
années, j’ai travaillé dans une totale indépendance.

Beaucoup de bruit courent autour de la convention collective ;
dans quelle mesure vous sentez-vous concerné par cette affaire

 ?

Je me sens concerné au plus haut point et je me félicite du
reste, que ce débat ait pris une très grande ampleur ces
dernières années, parce que cette question a été l’une de mes
préoccupations. Nous en avons fait un plaidoyer auprès des
responsables des médias publics, auprès des responsables
des médias privés et auprès des plus hautes autorités.

Nous
avons dit qu’il est temps qu’il y ait une convention collective pour
deux raisons : la convention collective permet d’abord de
sécuriser les journalistes dont la plupart travaillent dans la
précarité dans notre pays, ensuite la convention collective
permet de mettre les patrons à l’abri de certains comportements
des journalistes et les protège.

Donc, c’est un partenariat utile et
indispensable et certains médias burkinabè ont atteint un
certain niveau de développement qu’il n’est pas normal que les
journalistes ne soient pas régis par une règle de droit qui les
protège et leur permet d’être dans une situation de sécurité.

Ceci étant dit, la convention collective est une affaire des
journalistes et des patrons de presse. Je ne pense pas qu’il
appartient à l’Etat d’imposer une convention collective aux
journalistes. Il faut que les journalistes et leurs patrons puissent
s’entendre et j’appelle de tout mon coeur les patrons à faire
violence sur eux-mêmes pour que cette convention soit signée
le plus tôt possible, en tenant compte des réalités aussi.

Le
Conseil supérieur de l’information est toujours disposé à
apporter sa contribution à la matérialisation rapide de cette
convention.

Et la carte professionnelle ?

La carte professionnelle est également utile parce qu’elle
permet d’abord de mettre un peu d’ordre dans cette profession
que nous exerçons tous. Le fait de ne pas avoir de carte de
presse spécifique au journaliste fait que n’importe qui
aujourd’hui peut devenir journaliste sans aucun critère.
Initialement, le Conseil supérieur de l’information était chargé de
délivrer ces cartes, mais je crois qu’il faut créer une structure
autonome, chargée de la délivrance de ces cartes pour des
raisons d’ordre pratique.

L’idée est assez avancée au niveau du
ministère de l’Information et j’espère que très prochainement,
nous aurons des cartes professionnelles de journalistes. Nous
souhaitons, du reste, être associés à cette opération.

Le CSI ne se montre-t-il pas discriminatoire en tolérant que la
télévision diffuse certaines images jugées choquantes et en les
interdisant à la presse ?

Oui, ça c’est vrai, c’est une question qui est très délicate et pose
le problème de la mondialisation, le problème de la régulation
interne face à la mondialisation, la régulation de l’internet.

Au
moment même où nous souhaitons, protéger nos citoyens, nos
compatriotes de certaines images pas seulement choquantes,
mais aussi dégradantes pour les personnes victimes de
certaines situations, on est en face effectivement de la question
de la circulation des images qui se passe sur d’autres fronts
et dans d’autres pays.

Notre conception cependant est la
suivante : lorsque nous interdisons l’exploitation de certaines
images dans nos médias nationaux, nous pensons en premier
lieu, aux événements qui se passent dans notre pays. Quand on
passe à la une d’un journal, la photo d’un compatriote qui a été
mutilé, c’est quand même choquant pour sa famille.

Peut-être
encore on tolérerait une image choquante venue de Liberia ou
de la Sierra Leone. Mais lorsque quelqu’un, un Burkinabè, peut
se reconnaître dans cette image vous imaginez que c’est
choquant. Donc, c’est cette philosophie qui, en réalité, motive
notre démarche.

Maintenant, nous ne pouvons pas non plus
interdire l’exploitation des images, je veux dire les images qui
nous viennent des conflits qui se passent sur le plan
international. Il est difficile de les interdire au niveau de
l’audiovisuel. Mais par rapport à cette disposition, nous voulons
davantage souhaiter que les journaux nous comprennent et que
le fait que nous ayons imposé une réglementation par rapport à
ces images vise d’abord à sauvegarder les droits des uns et
des autres à l’image.

Vous savez tous que le code de
l’information prévoit le droit de protection à l’image. Au niveau de
la télévision, personnellement je constate que nous avons une
petite faiblesse. C’est une de nos insuffisances dans le
domaine de la réglementation sur les médias audiovisuels,
notamment la télévision et je pense que cela fait partie de nos
préoccupations à savoir, comment travailler avec la télévision
pour diminuer les images violentes qui passent soit à travers
des films, soit à travers les journaux d’informations.

Vous avez
constaté que lors, malheureusement, de cette exécution
vraiment barbare du jeune américain en Irak même les médias
occidentaux, qui sont prompts à diffuser des images
choquantes en provenance de la Palestine, se sont abstenus. Il
faut que cette conscience s’installe également au niveau de nos
responsables des chaînes de télévision. Je pense que si les
images sont trop choquantes, il faut prendre sur soi de ne pas
les diffuser parce que cela ne rend pas service aux différents
publics qui les regardent.

Donc, c’est une préoccupation
essentielle aujourd’hui et je crois que cela fera partie des
actions futures du Conseil supérieur de l’information de veiller à
la protection du citoyen contre les images dégradantes et
violentes qui passent sur nos écrans.

Monsieur le président, vos rapports avec le monde de la
communication ont-ils été toujours sereins durant ce mandat ?

Je me félicite honnêtement d’avoir eu les rapports les plus
cordiaux et les plus respectueux avec le monde de la presse. Je
voudrais profiter de vos colonnes pour remercier sincèrement
les médias, d’avoir été compréhensifs, d’avoir été tolérants
vis-à-vis du président du Conseil supérieur de l’information que
je suis ; parce que je sais que tout n’a pas été parfait, dans ce
que j’ai fait.

Donc, je dois d’abord les remercier d’avoir été
attentifs à mon action et d’avoir également mis en exergue le
travail que j’ai fait, et le travail que l’ensemble du collège a fait
sous ma direction. Je crois que c’est une chance, je ne dis pas
que j’ai été un excellent président, mais je dirais que les
médias ont été compréhensifs, tolérants et ont accompagné
notre action. Même lorsque nous avons eu à interpeller des
organes de presse, à prendre des sanctions contre des
médias, nous avons été compris. Quand il y a des problèmes,
on se rencontre et on s’explique dans un respect mutuel. Nous
privilégions les actions de pédagogie.

Monsieur le président, le domaine publicitaire connaît de plus
en plus une ampleur au Burkina ; ne trouvez-vous pas qu’il serait
intéressant de créer une institution supérieure chargée de la
régulation dans ce domaine ?

Oui, je pense que la loi sur la publicité est assez étoffée.
Malheureusement, elle n’a pas fait l’objet de beaucoup
d’information. Je crois qu’il faut effectivement que les textes
d’application de la mise en oeuvre de cette loi soient adoptés,
parce que, comme vous l’avez dit, la publicité a pris une grande
ampleur. Nous devons veiller, en tant qu’organe de régulation, à
ce que certains aspects de cette publicité qui peuvent porter
atteinte aux citoyens, ne le soient pas.

La publicité doit être une
publicité saine. De même, nous pouvons intervenir en matière
de concurrence sur la publicité. Maintenant, pour ce que vous
dites, je crois qu’il faut un organe indépendant chargé de la
régulation de la publicité. Je crois que la loi l’a prévu et j’espère
que cette instance pourra être mise en place. C’est une instance
qui sera totalement indépendante et gérée à la fois par les
responsables des agences de publicité et aussi par les
autorités politiques et administratives.

Quel est votre livre de chevet ? On remarque que vous aimez
citer Daniel Cornu.

Bon ! disons que ! ... (rires) un livre de chevet, je n’en ai pas en
tant que tel mais j’aime lire. C’est-à-dire que, lorsque le temps
me le permet, j’aime lire toutes sortes d’histoires. Je vous dirai
d’ailleurs qu’actuellement, je suis en train de lire le Coran parce
que je veux approfondir davantage ma culture sur l’islam.

En fait,
aujourd’hui, il y a beaucoup de débats dans le monde entier sur
la question de l’islam. En tant qu’intellectuel, avant de se
prononcer sur les questions de l’intégrisme, de l’islamisme, il
faut connaître les fondements élémentaires de cette religion.
C’est pourquoi, aujourd’hui, je lis le saint Coran, pour mieux
comprendre sa philosophie. Ceci me permettra de pouvoir
porter mon jugement quand il le faut sur les différentes
questions ayant trait à l’islam.

Nous comptons aujourd’hui des
radios confessionnelles (catholiques, protestantes et
islamiques). Je sais qu’il y a eu beaucoup d’inquiétudes, mais
je constate avec beaucoup de satisfaction que nous n’avons pas
eu le moindre problème avec la première radio islamique qui
fonctionne à Bobo, quant au contenu de ses messages.

Comment voyez-vous l’avenir de la presse écrite au Burkina

Je trouve l’expérience du journal "Le Pays" intéressante, parce
que je connais très bien le directeur, parce qu’aussi, je suis de
près l’évolution de cet organe de presse. Aujourd’hui, je constate
que ce journal, parti de rien, est devenu une très grande
entreprise. Sur la gestion, je ne vais pas trop m’aventurer mais
je peux sans risque de me tromper affirmer que les Editions "Le
Pays" sont une entreprise florissante, gérées avec rigueur et
professionnalisme.

De même, je constate qu’au niveau de
"l’Observateur Paalga", il y a eu la même évolution et c’est deux
entreprises qui fonctionnent bien. Donc, cela m’a amené
souvent à réfléchir, étant moi-même de la presse écrite, en me
disant que l’entreprise de presse ne peut pas se développer de
façon spontanée. Il ne s’agit pas d’avoir au départ quelques
petits millions et de créer un journal tout en croyant qu’il va
fonctionner. Il y a des règles de gestion qu’il faut appliquer, des
règles de gestion rigoureuses auxquelles il faut combiner un
choix éditorial qui épouse l’intérêt des publics. Ces deux
facteurs réunis, il y a de fortes chances qu’une entreprise de
presse soit viable.

Il faut de vraies entreprises, biens gérées et
rentables. C’est par là que nous pourrons affirmer la liberté de la
presse. Les entreprises comme "Le Pays" sont dotées des
moyens nécessaires pour affirmer cette liberté, cette
indépendance. J’encourage vivement les autres journaux à aller
vers là.

Peut-être faut-il imaginer que dans les années à venir
des journaux se retrouvent pour créer des entreprises de
presse. Parce que, honnêtement dit, c’est un peu comme les
partis politiques, il n’y a pas beaucoup d’espace pour une
multitude de titres. Il n’est pas certain que la multitude de titres
soit l’expression également de la liberté de la presse, ni
également un moyen pour toucher le maximum de personnes.

Donc, la gestion combinée à une ligne éditoriale qui épouse les
entendements des populations me paraissent les fondements
essentiels. Cela me paraît important, mais malheureusement, il
arrive que beaucoup de confrères se lancent, sans une étude
préalable, sans préparation.

L’une de mes préoccupations a été de voir comment l’Etat
devrait contribuer à alléger les charges des organes de presse
privée. Parce que, à l’étape actuelle de notre évolution, l’apport
des médias est très important pour le renforcement de la
démocratie et le développement, alors que dans la plupart des
cas, les médias ne sont pas rentables.

Donc, on ne peut pas
soumettre les entreprises de presse à la même règle de
fiscalité que les entreprises ordinaires. L’année dernière, nous
avons, avec l’aide de la FAO, fait une enquête bilan sur les dix
ans de fonctionnement des radios privées au Burkina. A l’issue
de l’ensemble des concertations, nous nous sommes rendus
compte que la fiscalité posait problème pour l’ensemble de la
presse, qu’elle soit écrite ou audiovisuelle.

Aussi, avons-nous
fait des recommandations, pour qu’il y ait une fiscalité spécifique
pour l’ensemble des médias, une fiscalité assez souple, qui
permette aux médias, de faire face à leurs charges qui sont
importantes ; que ce soit au niveau des journaux ou des médias
audiovisuels, les matières premières coûtent énormément
cher. Prenez les médias audiovisuels qui sont soumis à des
taxes, ... qui se justifient sur le plan économique, mais qui sur le
plan politique, pourraient être réellement revus. Prenez le cas
des radios communautaires qui sont dans les provinces, qui
font beaucoup de sensibilisation sur le développement : leur
imposer un certain taux fiscal me paraît assez difficile.

Nous
avons fait des recommandations dans ce sens au niveau du
gouvernement. La question est à l’étude et j’espère vivement
que le conseil qui sera en place mènera cette bataille pour qu’il
y ait une fiscalité particulière à l’endroit des médias et
également, que l’Etat puisse renforcer son appui financier aux
médias qui sont les mieux organisés. C’est discriminatoire,
mais il faut aider ceux qui font un effort de professionnalisation
et un effort important de soutien à la démocratie et au
développement. Cela me paraît donc important, à l’étape
actuelle.

Que pensez-vous d’une organisation créée par les
professionnels de la presse comme l’ONAP ?

J’en suis très heureux, car j’ai soutenu l’ONAP dès sa création.
J’ai également apprécié la grandeur d’esprit du président
fondateur, Monsieur Sigué, qui, à un moment où l’ONAP était
remis en cause, a accepté de remettre la structure sur le tapis.
Nous avons remarqué qu’aujourd’hui, cette structure remaniée
semble être comprise et légitimée, par la plupart des organes
de presse et des journalistes burkinabè. Je pense qu’il faut
continuer à soutenir l’ONAP. Il faut que les journalistes se
reconnaissent dans l’autorégulation. Le Conseil supérieur de
l’information doit veiller, comme le dit la loi, au respect de
l’éthique et de la déontologie. C’est tout à fait normal.

Mais, le
respect de ces principes sont d’abord du ressort des
journalistes eux-mêmes et comme les journalistes le disent ils
acceptent beaucoup plus la sanction de leurs pairs, et
reconnaissent davantage le tribunal de leurs pairs. C’est-à-dire
que, lorsque c’est une association de journalistes qui remet en
cause des écrits dans la presse, cela a beaucoup plus de
crédibilité qu’une instance extérieure ; que ce soit la justice ou
une autorité de régulation comme la nôtre.

C’est pourquoi
j’estime qu’il faut travailler à renforcer l’ONAP, parce que l’ONAP
et le Conseil supérieur de l’information sont des structures
complémentaires, en matière d’encadrement de l’exercice de la
liberté de la presse au Burkina Faso. Je me félicite que cette
structure puisse renaître avec un consensus et je souhaite que
cela se poursuive. C’est ce que l’ONAP peut faire pour la presse
et le Conseil supérieur de l’information est tout à fait disposé à
oeuvrer avec elle.

Le Pays

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique