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Association de soutien aux chefs d’Etat africains : Jeunesse instrumentalisée, alternance piégée

Publié le vendredi 10 août 2007 à 07h25min

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Les associations créées ou qui naissent de manière spontanée à l’occasion d’un événement ou d’une crise sont un phénomène typiquement africain. Ailleurs, comme on l’a vu en Ukraine, c’est l’ensemble du peuple, ce qu’on appelle là-bas la rue, qui s’est mise debout pour dire non à la violation de ses droits, à la mal gouvernance et à la confiscation de sa victoire à l’issue d’un scrutin.

Les associations dont il est question ici sont le plus souvent suscitées par des "snippers", des tireurs embusqués pour les besoins de la cause. Car ces associations sont, dans la plupart des cas, un cheval de Troie pour des hommes et des femmes qui ambitionnent de faire une carrière politique. Mais ils n’ont pas encore le courage de leurs actes ou ne veulent, pour l’heure, affronter d’autres hommes dont ils savent qu’ils seront les grands perdants au bout du compte. Aujourd’hui, au Burkina, ces genres d’associations sont souvent composées par une jeunesse qui demande au président Blaise Compaoré de rester encore au pouvoir pendant 20 ans parce que le président leur assure café, thé, sucre, gadgets, parfois des postes, etc.

Toutes les associations de ce genre ont pour mission essentielle le soutien de l’action des chefs d’État qui les ont suscitées. Rarement, on a vu des associations se créer pour soutenir une personnalité en disgrâce, pour soutenir un opposant ou l’oeuvre d’un ancien chef d’État.

Dans le paysage des associations, l’association des Jeunes patriotes, la jeunesse du Front populaire ivoirien (FPI), parti du président Laurent Gbagbo, est un cas isolé. Les associations de soutien aux chefs d’État évoluent le plus souvent vers des formations de milices. Dans ces cas, elles deviennent un épouvantail entre les mains des présidents en place contre l’opposition politique que les milices répriment en toute impunité ; mais aussi contre certains membres du parti et le parti au pouvoir.

Les associations de soutien à l’action des chefs d’État seraient-elles une version modernisée, intellectualisée des troupes d’animation chantant à longueur de journée les louanges du président et de son régime lors de la visite de personnalités étrangères ou pendant les nombreux anniversaires des dictateurs ? Ce fut exactement le cas avec l’ancien président Étienne Eyadéma au Togo que les troupes d’animation ont déifié, et du maréchal Mobutu au Zaïre.

Les associations de soutien à X et Y ont un point commun : elles sont des structures prédatrices. Alors qu’elles devraient se cotiser pour soutenir l’action de leur mentor, ou au moins financer leurs activités, elles vivent exclusivement aux crochets de ce dernier. Le deuxième lien commun qu’on pourrait trouver entre elles, c’est qu’elles ont servi ou servent de refuge dans un premier temps à des jeunes quasiment désoeuvrés-s’ils ne le sont pas totalements- qui, par la suite deviennent des personnages influents et craints à cause de basses besognes dont on leur confie souvent l’exécution. Par leurs actions souterraines, elles brouillent énormément le jeu politique, créent des conflits entre des hommes du même parti dans le dessein de les opposer, parfois sous l’instigation d’un "attentiste". Elles échappent au contrôle du parti majoritaire, ne répondant seulement que du chef de l’État et de personne d’autre.

Que peuvent faire, que deviennent les partis de l’opposition ? Que deviennent leurs mouvements devant le "dynamisme" de ces thuriféraires du régime et son chef dont ils reçoivent les mots d’ordre ? Peu de choses, parce que disposant de peu de moyens ou pas du tout. Dans de nombreux cas, il n’est pas seulement question de moyens, mais d’engagement politique, de foi en la cause qu’on défend. Généralement, devant les méthodes barbares des associations qui se réclament du pouvoir, les autres mouvements baissent les bras. L’illustration a été donnée à l’issue des affrontements parfois rudes entre ces associations et le mouvement qui défendait le respect de la Constitution à quelques mois de l’élection présidentielle du 13 novembre 2005.

Un dernier point commun entre les diverses associations de soutien, c’est qu’elles ont toutes plus de visibilité que les véritables associations qui oeuvrent sur le terrain, même s’ils n’évoluent pas dans le même régistre. Parce que disposant de moyens financiers sans commune mesure avec les autres associations, elles recrutent à tour de bras. Et ces associations fonctionnent comme des clubs dans lesquels toute critique de la gestion du pouvoir est une hérésie, une faute qui est sanctionnée comme telle. Ces associations sont des structures d’endormissement de la conscience des jeunes. Parce que sans véritables problèmes existentiels, en termes de besoins matériels, toute discussion sur la vie chère n’est pas possible.

C’est en cela que les associations qui se donnent pour seul but de soutenir l’action d’un chef d’État ou d’un parti sont des structures d’instrumentalisation de la jeunesse. Avec de telles associations, l’alternance n’est pas pour demain en Afrique. Ceci est grave ! Très grave !

Le Fou

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 10 août 2007 à 18:23, par Ib En réponse à : > Association de soutien aux chefs d’Etat africains : Jeunesse instrumentalisée, alternance piégée

    Il faut des fous comme "Le Fou" pour voir aussi claire et exposer une analyse de façon si juste. Il y a toutefois lieu d’encourager le réveil des consciences politiques de l’autre jeunesse Burkinabé, celle qui peut critiquer, dénoncer, s’opposer et même soutenir, une action gouvernementale. Faire le parallèle de la forme de soutien des "ABC" au Président Compaoré avec celle aux Mobutu, Eyadéma, Bongo est tout à fait à propos ; cette action relève d’une aliénation, d’un culte de la personalité. Soulignons d’ailleurs au passage que les ABC s’associent avant de devenir les amis du Président ; ils ne sont pas ses "amis" avant de s’associer. C’est tendancieux !
    Lorsqu’on prétend développer une jeune "démocratie" comme celle du Burkina (il y a espoir même avec les écarts que l’on connaît), les pouvoirs, à commencer par le législatif, doit savoir garantir cette élan par des lois ; par exemple interdire ou à tout le moins disuader la création d’associations telles les ABC ou encore le militantisme des gestionaires ou autres responsables de sociétés d’état pendant toute la période de leur exercice. Dans la dynamique des démocraties vers lesquels tend celle du Burkina, il n’y a pas de jeunesse s’associant pour devenir les amis de tel président ou tel premier ministre. Il y a une jeunesse ayant une conscience sociale qui peut se politiser au sein des "ailes jeunes" des partis politiques (si elle ne choisit pas d’autres formes d’association pour militer). Parfois, ses "ailes jeunes" peuvent rejeter une vision des "séniors" et faire passer leurs opinions au sein du partie. On ne s’étonnera alors pas de voir ses jeunes arriver au pouvoir bien préparés, sans donc qu’il n’ y ait bouleversement ; c’est ça assurer une relève.Blaise Compaoré ne gagne pas les élections du fait des ABC ; les 3 élections qu’il a remportées jusque là participent plus d’une bonne organisation du CDP (moyens financiers inclus, questionable) que du fait de la grande gueule de griots que sont les ABC.
    Mais bon sang où se trouvent les autres Sankara que prédisait le PF en 1987 lorsqu’il se prononçait sur une éventuelle hypothèse de son élimination ???

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