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Afrique : Economie de marché ou démission des Etats ?

Publié le mercredi 8 août 2007 à 06h25min

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Célestin Tiendrebéogo (milieu) et ses pairs du Tchad et du Cameroun

« J’aimerais souligner que le rôle de l’état dans l’économie de nos pays diffère de l’Occident où l’on voit des chefs d’Etat qui appuient des sociétés de droit privé, interviennent même pour leur trouver des marchés lors de leurs déplacements à l’étranger.

Même dans une économie à 100% privatisée, l’Etat recourt souvent à une fiscalité de faveur pour aider les entreprises dont l’activité a un impact sur la vie économique et sociale du pays. Mais dans nos pays, on a tendance à demander à l’Etat de se tenir très loin des filières privatisées ». Ces propos ont été tenus le 22 juin 2007 à Paris par Célestin Tiendrebéogo, directeur général de la Société des fibres textiles du Burkina (Sofitex) au cours d’une conférence de presse de l’Association cotonnière africaine (ACA).

Il n’a, hélas pas tort. Les contreparties obtenues par la Libye pour libérer les infirmières bulgares et le médecin palestinien, notamment la signature de contrat d’armements et de construction d’une centrale nucléaire civile par des entreprises françaises ne sont que la dernière illustration de ce qui, à l’évidence, apparaît comme une escroquerie intellectuelle : ceux qui célèbrent les vertus du libre marché, qui estiment que toute intervention de l’Etat nuit à l’efficacité économique sont aussi, très paradoxalement les plus interventionnistes.

En apparence, ils vouent l’Etat aux gémonies, le considèrent comme un mal nécessaire dont il faut limiter les pouvoirs. En apparence, ils font croire que le libéralisme est « le point final de l’évolution idéologique de l’humanité » et la « forme finale de tout gouvernement humain » donc, « la fin de l’histoire », mais n’hésitent pas dans le même temps à prendre des libertés avec leurs propres enseignements.

Dans le secteur du coton, la violation systématique par les Etats du Nord des règles élémentaires de la libre concurrence, clairement énoncées par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) est flagrante. Sans les massives subventions, il n’y aurait pas de cotonculteurs aux Etats Unis et en Europe. Avec 4 milliards de dollars de subventions par an, les revenus de quelque 25 000 fermiers américains sont ainsi protégés des fluctuations du cours du coton sur le marché international. « Quand le prix de la livre est à 54 cents, eux sont payés à 72 cents » explique Ibrahim Malloum, vice-président de l’ACA.

Cette concurrence déloyale vient aggraver l’état du secteur cotonnier africain, très mal en point. Alors qu’il y a 25 ans, l’Afrique centrale comptait 4 usines de filature (au Cameroun, Congo, Centrafrique et Tchad), il n’en reste qu’une aujourd’hui, celle du Cameroun, à Garoua, dans le nord du pays et qui transforme 3500 tonnes de coton contre 8500 tonnes vingt ans plus tôt.

L’heure est grave. Face aux subventions occidentales, à la vigueur olympique de l’euro ( 1,38 dollar hier) et la flambée du prix du pétrole, l’avenir de l’or blanc africain dépend des gouvernements. Vont-ils, au nom de la « rationalité économique », sacrifier les 20 millions de personnes qui directement ou indirectement vivent de la culture du coton, ou vont-ils passer outre les oukases du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale (BM) pour assumer leur rôle de garant de l’intérêt général ?

Il faut tordre le coup à une idée reçue : les Etats sont beaucoup plus interventionnistes, protecteurs en Europe et en Amérique qu’en Afrique. Afin de protéger l’industrie sidérurgique américaine en difficultés, George Bush n’avait-il pas augmenté de 8 à 30% les droits de douanes sur l’importation de l’acier violant ainsi allègrement les prescriptions de l’OMC ? Dans quels pays africains les parents isolés, les chômeurs et les handicapés bénéficient-ils d’allocations ? L’économie de marché ne saurait servir de prétexte à la démission des pouvoirs publics au Sud.

Joachim Vokouma
Lefaso.net

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