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Réforme du système éducatif : Des acteurs entre espoir et appréhensions

Publié le jeudi 2 août 2007 à 07h10min

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Tahirou Traoré - SYNATEB

Le Burkina Faso a entrepris la réforme de son système éducatif en vue de corriger les dysfonctionnements constatés par les différents acteurs. En dépit de la campagne d’information entreprise par les autorités en charge de l’éducation, des craintes subsistent.

Réaliser l’éducation pour tous et satisfaire la demande éducative afin de satisfaire les besoins de développement socioéconomique et culturel du Burkina Faso, tel est l’objectif visé par l’Etat burkinabè à travers la réforme du système éducatif.

Fondé sur le principe de l’obligation scolaire, de la gratuité progressive et de la cohérence, le système ambitionne à terme, de scolariser gratuitement tous les enfants burkinabè de 6 à 16 ans. La réforme prévoit de développer l’enseignement technique et professionnel en vue de renforcer l’employabilité des jeunes, d’établir des passerelles entre l’enseignement général et la formation professionnelle Elle envisage enfin, de professionnaliser les filières de formation au supérieur grâce au nouveau cadre de certification qu’est le LMD (Licence-Master-Doctorat.

Lors de la tournée d’information avec les acteurs de l’éducation, le ministre des Enseignements secondaire, supérieur et de la Recherche scientifique, le Professeur Joseph Paré a situé les contextes et les fondements de la réforme. Pour lui, la réforme s’inspire des conclusions et des recommandations des rencontres nationales, notamment les états généraux de l’éducation (1994), les assises nationales sur l’éducation (2002) et les séminaires gouvernementaux (2004). Elle est liée également aux déclarations de Jomtien, de Dakar sur l’Education pour tous (EPT) et les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD).

La réforme est conforme selon le ministre Paré, au contenu du projet de loi d’orientation de l’éducation. Elle s’inscrit en droite ligne de la politique du "Progrès continu pour une société d’espérance" du président du Faso qui prône la refondation du système éducatif autour des valeurs sociales, historiques et culturelles, pour une école nouvelle en phase avec l’évolution du monde.

40 ans après son indépendance et 2 ans après l’échéance de l’Education pour tous (EPT), le pays des Hommes intègres a un taux de scolarisation de 66,6% au primaire, 17,66% au secondaire, 2,22% au supérieur et un taux d’alphabétisation de 32%.

Au-delà de l’échec collectif de l’EPT en 2005, le Burkina Faso a son lot de contraintes et d’obstacles. Aussi, après une autocritique, un diagnostic est établi. L’ensemble des acteurs sociaux constatent qu’aucune des nombreuses réformes initiées dans le pays n’a pu produire une école véritablement adaptée. La réforme s’impose et constitue selon le ministre Paré, "un défi collectif". Raison pour laquelle, l’ensemble des acteurs et partenaires sont appelés à s’impliquer dans sa mise en œuvre.

La réforme sera effective dès la rentrée 2007-2008 avec une phase d’expérimentation de 4 ans dans 45 départements, car l’Etat a opté pour une application progressive.
Cinq ministères, à savoir l’Enseignement de base et de l’Alphabétisation, les Enseignements secondaire, supérieur et de la Recherche scientifique, l’Action sociale et de la Solidarité nationale, les délégués à l’alphabétisation et à l’enseignement technique et professionnel sont concernés par cette réforme.

Ils entendent faire du jeune Burkinabè un citoyen responsable, producteur et créatif dans un monde en perpétuel changement.
La réforme est belle et les objectifs nobles,. Mais des acteurs, surtout des syndicalistes, émettent des craintes par rapport à des points.

Divergences de vue entre syndicats

Cette réforme vient à point nommé pour les syndicalistes car depuis plusieurs années, ils demandaient d’adapter le système éducatif burkinabè jugé trop sélectif, aux réalités du terrain et du moment. Ce souhait, certains syndicats avaient fini par le ranger tant leurs différents appels sont restés sans suite. Pourtant, ils avaient vu l’espoir naître avec les tenues des états généraux de l’éducation (septembre 1994) et les assises nationales de l’éducation (février 2002). Lambert Hien, secrétaire général adjoint du Syndicat national des enseignants africains du Burkina (SNEAB) se demande où sont passées toutes ces belles recommandations formulées à l’issue de ces rencontres. Il affirme avoir l’impression qu’elles ont été "enfermées dans des coffres-forts".

Ce n’est pas la première fois que le système éducatif burkinabè est réformé. Après indépendances, il a fallu rompre avec l’école coloniale et adapter l’enseignement aux réalités africaines et nationales et ainsi, naquit l’école rurale. Dans les années 70, on a tenté l’introduction des langues nationales avec la mutation de l’école rurale au Centre de formation de jeunes agriculteurs (CFJA). Ensuite, ce fut au tour de l’école révolutionnaire de faire son expérience à partir de 1984.

Des tentatives de réforme ont été initiées avant la présente. Que de chemin parcouru pour arriver à la présente réforme. Si les réformes ont été imposées selon Lambert Hien, la présente a essayé de ratisser large en associant au projet, tous les acteurs du système éducatif. En effet, le projet de réforme a été remis aux structures syndicales pour lecture, amendements, critiques et suggestions. Ensuite, des ateliers de réflexion ont réuni les acteurs à Tenkodogo, Kaya et Ouagadougou. Mais des syndicats n’ont pas pu prendre part à ces rencontres. C’est le cas du Syndicat national des travailleurs de l’éducation et de la recherche (SYNTER).

Son secrétaire général adjoint, Souleymane Badiel soutient qu’ils n’ont pas été conviés aux rencontres de Tenkodogo et Kaya. "Nous avons seulement pris part à l’atelier tenu à Ouagadougou sur le cadre juridique et il est difficile pour nous de nous prononcer sur le contenu de la réforme". Le secrétaire général du syndicat national des travailleurs de l’enseignement de base (SYNATEB), Tahirou Traoré, affirme qu’ils ont été royalement ignorés lors de la tenue de l’atelier du 5 juillet 2007 à Ouagadougou.

Cette absence du SYNTER et du SYNATEB est perçue par certains comme une volonté manifeste de ne pas associer les syndicats "contestataires" aux débats sur la réforme.
Le principal grief porté contre la réforme par le SYNTER est qu’elle s’est faite du haut vers le bas. Pour Souleymane Badiel, "on devait tenir compte des observations, critiques des acteurs de terrain afin d’élaborer une réforme. La présente a été parachutée et on voudrait la faire porter aux acteurs du système éducatif comme une camisole".

De possibles difficultés de l’application de la réforme

Les syndicats de l’éducation émettent des craintes sur l’application de certains aspects de la réforme du système éducatif. Selon la nouvelle structuration, l’éducation de base va du préscolaire au premier cycle du secondaire. "Alors, que devient le corps des professeurs de collège ?", se demande Souleymane Badiel. Tahirou Traoré lui, se demande comment cette nouvelle entité sera gérée. Les instituteurs titulaires de diplômes universitaire seront sollicités pour soutenir le post-primaire. Aussi Lambert Hien pense que la formation des enseignants devrait être inscrite en bonne place.

En principe, cela devrait se faire sans difficulté, selon Tahirou Traoré, la création du post- primaire répondant au souci de le faire profiter des financements accordés à l’éducation de base. "Depuis l’avènement des programmes d’ajustement structurels, les bailleurs de fonds investissent plus dans l’enseignement de base, au détriment du secondaire", a-t-il déclaré.

La réforme prévoit la régionalisation de l’entrée en sixième. Cela suppose que le nombre de points à obtenir pour être déclaré admis en 6e sera fixé en fonction des possibilités d’accueil des établissements publics.

Ce nombre de points va varier d’une région à une autre et Lambert Hien pense qu’on ne donne pas les mêmes chances aux élèves du Burkina. La réforme institue la gratuité de l’école. "Il faut s’entendre sur le terme gratuité", selon Saïdou Ouédraogo, inspecteur de l’enseignement primaire. En effet, les frais d’inscription n’existent pas dans les écoles publiques d’enseignement primaire. Seules les cotisations des parents d’élèves sont perçues. Parler de gratuité ne veut pas dire suspension des cotisations des parents d’élèves.

Elles vont demeurer et seront gérées par les comités de gestion. Tahirou Traoré ne voit donc pas la gratuité de l’école car "si les cotisations des parents d’élèves doivent continuer à alimenter les caisses des inspections, payer le matériel didactique, réparer les tables-bancs..., l’école n’est pas gratuite". Selon Souleymane Badiel, cette gratuité va créer une école à double vitesse. "Il y aura des écoles gratuites avec des effectifs pléthoriques qui ne permettent pas la qualité et de l’autre côté, une école payante réservée à une certaine classe de la population".

L’Etat s’engage à doter de manuels scolaires, les élèves du primaire. Mais le hic, c’est que ces différents manuels parviennent aux intéressés aux mois d’avril et mai, pratiquement en fin d’année. Le SNEAB souhaite que les écoles puissent disposer de ces manuels en début d’année.
Qui financera cette réforme ? Les syndicats disent ne pas savoir grand-chose sur cette question.

Pour Souleymane Badiel du SYNTER, si la réforme doit être financée par des fonds venant de l’extérieur, "on ne va pas sortir des difficultés dans lesquelles on se trouve depuis longtemps". Il soutient "qu’on ne peut pas avoir une indépendance dans un secteur si des ressources propres ne sont pas dégagées pour les financements. Les partenaires techniques et financiers doivent venir en appui et non constituer l’ossature du financement de la réforme. Je crains que ces bailleurs ne dictent les grandes orientations de la présente réforme".

Toutes ces inquiétudes ont été soulevées par les syndicats lors de leur rencontre avec la Commission emploi et affaires culturelles et sociales de l’Assemblée nationale. Les élus ont promis d’être leur porte-parole auprès du gouvernement afin que leur voix soit entendue.

C’est aussi la preuve que la réforme a encore besoin d’être comprise et que la communication doit s’étendre à tous les niveaux. "C’est une responsabilité historique que chacun prend et à entendre les uns et les autres, les appréhensions sont surtout liées à la crainte de l’échec".

Assétou BADOH
Romaric DOULKOM

Sidwaya

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