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Détrompez-vous ! L’Afrique s’autocritique et progresse !

Publié le lundi 30 juillet 2007 à 07h42min

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Ceux qui, dans les pays occidentaux, croient que les Africains passent leur temps à pourfendre leurs colonisateurs d’antan au lieu d’envisager avec lucidité leur propre responsabilité dans le retard économique du continent noir se trompent lourdement. Ils en sont restés à l’image que les écrivains de la négritude ont véhiculée de l’Afrique des années 1930 aux indépendances.

Depuis les années 1960, le roman africain - pour ne citer que cet exemple - n’a cessé de fustiger les turpitudes des dirigeants africains et les méfaits des traditions ancestrales. Mais combien de personnes parmi les contempteurs de l’Afrique peuvent citer une ou deux œuvres sérieuses d’auteurs africains qu’ils ont lues ? Et combien ont bénéficié d’une bonne initiation à la littérature africaine sur les bancs de l’école ?

Il y a, certes, les voyages touristiques qui permettent à de nombreuses personnes de combler leur méconnaissance du continent noir. Force est de reconnaître, cependant, que certains restent dans les beaux quartiers pendant leur séjour et repartent sans avoir connu les vraies réalités des pays africains. Car il est tout à fait possible d’y vivre comme en Europe si l’on a un portefeuille garni de bons billets d’euros.

Toutefois, je serais injuste si je ne soulignais au passage qu’il en est de même pour beaucoup d’Africains qui séjournent de nombreuses années dans les villes universitaires occidentales et rentrent chez eux avec une fausse image des pays qui les ont accueillis. Car ils n’ont jamais eu l’opportunité ni la curiosité d’aller dans le village d’à côté pour voir comment vivent les gens en milieu rural.

J’ai quelquefois rencontré des Occidentaux qui ont de l’Afrique une vision formatée : celle qu’en donnent les chaînes de télévision à travers la diffusion régulière d’images de catastrophes. Je ne leur en ai jamais voulu, car je les sais victimes d’un parcours scolaire qui a trop souvent occulté - ou abordé avec un brin de mauvaise conscience - les parties du programme consacrées à l’Afrique.

J’avoue avoir eu quelquefois envie de leur livrer en exclusivité ce scoop : l’Afrique progresse quoi qu’on en dise. Jugeons-en à la situation d’un pays comme le Burkina Faso qui est connu pour être l’un des plus pauvres de la planète. A l’indépendance du pays en 1960, le taux de scolarisation primaire n’était que de 6% d’après une étude de Fernand Sanou, publiée en 1987 dans le volume 1 de Pédagogie pratique pour l’Afrique. Aujourd’hui, il est de 45%.

Si l’on songe au fait que, dans le même temps, la population a quasiment triplé, passant de moins de 5 millions en 1960 à près de 14 millions aujourd’hui, force est de reconnaître qu’il y a eu des avancées depuis la décolonisation. Ce qui n’empêche pas de souligner qu’il y a encore du chemin à faire. Et l’on pourrait en dire autant du taux de mortalité infantile, de l’espérance de vie ou de l’urbanisation.

Denis Dambré

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Vos commentaires

  • Le 30 juillet 2007 à 22:04 En réponse à : > Détrompez-vous ! L’Afrique s’autocritique et progresse !

    Vous avez raison, monsieur Dambré, mais pardonnez tout de même cette éventuelle offense : vous restez tout de même très en surface des choses, et des réalités. Je ne vous apprendrai rien, sans doute, de la fragilité des chiffres, auxquels on peut tout faire dire, et souvent un peu n’importe quoi, qu’ils soient favorables ou plus souvent défavorables. Il est heureux, et normal -je le redis, NORMAL- qu’en près de cinquante années d’indépendances, même cha cha, il y ait eu des progrès, et parfois des progrès certains. Ne faites pas, involontairement, le contraire de votre petite démonstration : prouver par la rhétorique aux Blancs (j’ai envie de vous dire, moi qui suis ’Blanc’ : "on s’en fout des Blancs du village de la Beauce ou du pays varois", et totalement !) que les ’Nègres’ sont ’capables’ ; évidemment, pourquoi diantre voulez-vous que le petit fonctionnaire et l’agriculteur français en sachent un peu plus sur les réalités africaines ? Ca ne les concerne pas, ça ne les intéresse pas forcément, ça aussi c’est normal : il ne s’agit pas pour eux de Corrèze avant le Zambèze, comme disait l’autre françafricain, mais de Pologne, de pourtour méditerranéen, voire de Turquie, et c’est déjà beaucoup. Prouver est un signe de faiblesse, souvent ; on s’impose, on force les portes, on se fait respecter, ça ne s’octroie pas, ça, ce n’est heureusement pas un dû ; vous connaissez cette phrase fameuse de Wole Soyinka : "le tigre ne proclame pas sa tigritude, il bondit sur sa proie" ; croyez que les asiatiques -qui eux ont des tigres...- l’appliquent depuis longtemps, demandez à Mittal l’indien ! Maintenant les sud-américains (voyez le Venézuela ou le Brésil) ; et chez vous, l’Afrique du sud, qui ne palabre pas mais place ses petits pions.
    Quant à la méconnaissance de l’Afrique, je ne suis pas certain que les africains n’aient pas moins de clichés -voire de plus obtus- sur l’Europe et sur leur propre continent que les occidentaux sur l’Afrique ; par contre, malgré l’usine à alphabétiser qui enchante tant la Banque mondiale, vous me voyez très dubitatif sur la question : vos systèmes éducatifs ont loin d’avoir vécu leur mai 68 : bachotage, remplissage de cahiers, du par coeur comme à l’école coranique - j’exagère à peine ; oui, et je le constate souvent, bien des lycéens africains connaissent des dates que les petits européens se sont empressés d’oublier, mais regroupez des jeunes gens "lettrés" ensemble, blancs et noirs, croyez qu’on s’ennuie souvent très vite avec les africains, les conversations tournent vite à vide ; ce n’est évidemment pas de leur faute : où sont les bibliothèques, les ordinateurs, les encadrements para scolaires, les passions et autres hobbies ? Un cerveau, ça se stimule, ça se travaille, on y fait entrer la petite graine de l’imagination, de la reflexion, et excusez pour votre "autocritique", de la rebellion, mère des progrès à venir...Tenez, le jour du décès d’Ousmane Sembene, père du cinéma d’Afrique noire, les élèves sénégalais étudiaient Phèdre, de Racine ; pas question de bousculer le programme, d’innover ! Et qu’on ne me dise pas que c’est la faute des Blancs, par pitié ! Pour cela, plus aujourd’hui. Vacances scolaires interminables (pour oublier tout ce qu’on a ingurgité comme un gavage le reste de l’année ?) : foot, foot et refoot (de rue, encore mieux !) et autres séries TV insipides et abrutissantes : l’opium pour endormir, non ? Je le regrette : celles et ceux qui font l’Afrique de demain ont bougé, voyagé, complété (souvent douloureusement) leurs études en Occident. Lisez par ailleurs les rapports qui s’inquiètent de la baisse vertigineuse du niveau des universités africaines, d’Anta Diop à ’X’ (Ouaga, puisque Ki-Zerbo ne semble pas avoir, pour les Burkinabè, la carrure pour lui donner illico son nom, plus prestigieux au Nord qu’au Sud...). Voyez-vous, si à Nobéré dans le Zoundweogo, en terre moagha, apprendre "la pipe de papa" est la panacée, alors oui, ’notre’ cher continent s’alphabétise ; eurêka ! Dites-moi, si vous le savez, chez nous on l’apprend dès la maternelle, combien de petits burkinabè peuvent nous donner (en mooré par exemple) les noms des 4 saisons (eh oui, 4 saisons : que les colons soient pardonnés, ils pensaient que la saison n’était liée qu’à la pluie ; mais que les soudano-sahéliens ne le sachent pas, en effet il y a du boulot pour s’approprier son ’univers’ immédiat !). Bien à vous.
    Frédéric Bacuez dit Fretback.

  • Le 31 juillet 2007 à 16:01, par internaute anonyme En réponse à : > Détrompez-vous ! L’Afrique s’autocritique et progresse !

    Voyez-vous, Monsieur, les préjugés de l’Occident sur la Chine communiste ne l’ont point empêché de combler son retard vis-à-vis de ces mêmes occidentaux, et mieux, de dépasser nombre de pays occidentaux qui, hier seulement, la traitaient avec condescendence ! Exactement comme ce qui se passe en ce moment avec l’Afrique ! Inspirons-nous de l’exemple chinois, et avançons sans nous soucier le moins du monde de ce que pense ou peut penser l’Occident de nous ! Franchement, on n’en a cure des préjugés de l’Occident sur nous ! Ce qui nous importe vraiment, c’est que nous nous développions à bien des égards ! Parce que, les préjugés ayant "la peau très dure", on ne pourra jamais empêcher Autrui, en l’espèce l’Occident, de penser ce qu’il veut de nous ... jusqu’au jour où, comme la Chine, on leur fermera le clapet de par les avancées concrètes qu’on aura réalisées ! En attendant, cultivons notre jardin ! Car, comme on aime à le dire : "les chiens aboient, mais la caravane passe" ! Ou bien ?

    • Le 3 août 2007 à 10:43 En réponse à : > Détrompez-vous ! L’Afrique s’autocritique et progresse !

      L’exemple de la Chine est pertinent. La seule question que je me pose est de savoir si ce pays ne se serait pas développé plus tôt en l’absence des préjugés qui ont longtemps circulé à son sujet. Mais c’est une question à laquelle il est bien difficile de répondre parce que l’impact des régimes polititiques sur le développement des pays entre aussi en ligne de compte... Une remarque toutefois concernant le dicton que vous citez : "Les chiens aboient, mais la caravane passe". Il arrive que les aboiements de chiens empêchent la caravane de passer, ou du moins ralentissent sa vitesse de progression. Explication : dans un monde de communication où les économies sont interdépendantes (la mondialisation accentue ce fait !), faire circuler des préjugés sur un pays ou un continent empêche ou ralentit son développement. Car les investisseurs renâclent à injecter de l’argent dans des pays qui ont mauvaise réputation. Les détenteurs de capitaux n’ont jamais autant investi en Chine que depuis que ce pays jouit d’une bonne image extérieure. Il en sera de même des pays africains le jour où l’image qu’on se fait d’eux à l’étranger deviendra plus positive que négative. Pour ce faire, il faut, à mon sens, agir dans plusieurs directions : éduquer, travailler, inciter au changement dans la gestion des affaires publiques en Afrique..., mais aussi démentir les propos de certains faux spécialistes de l’Afrique qui, sous prétexte d’analyse, véhiculent des mensonges et des idées reçues. J’ai écrit cet article parce que je commence à en avoir assez d’entendre parler de l’Afrique en des termes pessimistes alors qu’une analyse objective des faits révèle qu’il y a quand même des avancées significatives depuis la décolonisation. De plus, j’entends un nombre sans cesse croissant de personnes en Occident déclarer que les Africains passent leur temps à critiquer leurs anciens colonisateurs au lieu de s’autocritiquer. Ce qui est faux ! La littérature africaine depuis "Les soleils des indépendances" d’Amadou Kourouma ressemble plutôt à un long réquisitoire contre les dirigeants africains...

      D. Dambré

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