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Femmes députées : Carrière politique et vie de foyer

Publié le mercredi 25 juillet 2007 à 09h05min

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Gisèle Guigma

Pour la deuxième partie de notre dossier sur la participation politique des femmes, nous sommes allés à la rencontre des femmes députées avec qui nous avons échangé autour de leur carrière politique, de leur vie de foyer en tant que femmes politiques, de leur positionnement aux législatives, et du projet de loi sur le quota.

Parmi les 17 femmes qui siègent, nous avons porté notre choix sur neuf d’entre elles en fonction des responsabilités qu’elles occupent à l’Assemblée, et de leur parcours politique tout en espérant toucher les huit autres dans nos prochaines éditions. Bonne lecture.

Gisèle GUIGMA, CDP : « Ce n’est pas parce qu’on est femme qu’on doit exiger des postes »

Elle a été pendant 7 ans au cœur de l’action de la promotion de la femme dans notre pays. Gisèle GUIGMA, qu’on ne présente plus, défendra désormais la cause de la femme à l’hémicycle. Très au parfum de la situation de la femme, celle qui était jusqu’au 10 juin ministre de la Promotion de la femme est déterminée à apporter sa pierre au sein de l’hémicycle.

Sans conteste GG, comme l’appelle affectueusement ses proches, a apporté sa pierre à l’édification et à l’enracinement de la promotion de la femme. Pour elle, « La promotion de la femme a connu des avancées significatives. Elle est une réalité. Pour preuve, si vous faites un recul d’il y a 10 ans la présence et la place de la femme à cette époque et comparées à aujourd’hui c’est sans commune mesure. Aujourd’hui vous avez des femmes qui acceptent s’engager en politique et à des divers postes administratifs.

Et mieux les femmes rurales, elles acceptent aujourd’hui participer à des réunions et c’est un grand pas. » Sans verser dans un optimisme béat, la député reconnaît que malgré les efforts qui sont faits, des tares existent encore : « Il y a un fossé entre la scolarisation des filles et celle des garçons. Le taux de scolarisation des filles comme vous le savez était l’un des plus bas dans la sous-région et peut être même en Afrique. Ce qui est une conséquence de cette insuffisance de la présence de la femme dans les sphères de décision que l’on observe aujourd’hui. Le fait qu’il n’y avait pas du tout ou très peu de scolarisation des filles, ne favorise pas l’éclosion de cette participation de la femme parce que les compétences manquent.

A cela il faut ajouter les tumultes politiques qu’a connus notre pays qui ne permettaient pas d’avoir un État de droit démocratique qui favoriserait la participation de la femme. Elle a toujours été mise à l’écart dans les prises de décisions. Les préjugés sexistes négatifs font que les femmes ne sont pas encouragées. Lorsque vous êtes femme vous avez plusieurs défis à relever, plusieurs fronts de combats et je pense qu’il y a beaucoup de femmes qui n’ont pas le courage d’affronter cette adversité.

Au CDP on a ouvert la participation de la femme à 25% aux législatives de 2007 mais malheureusement il y a eu des hésitations et on a eu que 18% de participation de femmes.
Certaines d’entre nous ont eu le privilège de conduire des listes provinciales. Peu importe notre nombre à l’Assemblée, l’important ce sont les compétences et la capacité à pouvoir défendre la cause de la femme », a soutenu Gisèle GUIGMA. Malgré les tares relevées, force est de constater qu’il y a une évolution positive de la situation.

En effet, au plan politique, les femmes ne sont plus de simples électrices dans la mesure où elles s’engagent. Peut être timidement on peut le dire, mais on constate qu’il y a des femmes qui ont le courage de s’engager sur la scène politique et de briguer des postes électifs. Mais pour la quatrième secrétaire parlementaire, les femmes se doivent de continuer à travailler par des plaidoyers, des sensibilisations pour que le positionnement soit favorable sur les listes.

Comme beaucoup d’autres de ses consoeurs elle veut se battre pour que l’Assemblée nationale vote un texte de loi qui est à même de garantir aux femmes, un accès équitable aux postes de décisions publics mais avec des réserves : « Nous ne disons pas qu’il faut développer ce qui est médiocre. Si une femme n’est pas politiquement armée, si elle ne peut pas prendre part à des débats, si elle a peur d’affronter les critiques, je pense en ce moment que ce n’est pas parce qu’on est femme qu’on doit obligatoirement exiger un poste.

Si la femme n’a pas les compétences nécessaires pour assumer un poste, ce n’est pas parce qu’elle est femme qu’on doit lui donner le poste. Mais à compétence égale, il faut donner la place qui lui revient ».

Frédéric ILBOUDO


Aline Koala

Aline KOALA, CDP : "Il faut travailler à la formation des femmes"

En une vingtaine d’années de carrière professionnelle, Aline KOALA a déjà occupé d’importants postes de responsabilités. Successivement directrice de la Télévision nationale, Secrétaire générale du Conseil supérieur de la Communication, et puis ministre de la Culture, des Arts et du Tourisme en 2006, elle siège depuis juin 2007 à l’Assemblée nationale à l’issue des législatives du 6 mai dernier qui ont été en quelque sorte son baptême de feu politique.

A son premier mandat électif, elle dit aborder ainsi cette nouvelle carrière politique sans ambages car "en tant qu’agent de l’Etat, dit-elle, j’ai occupé des responsabilités diverses qui m’ont conduit à me frotter au milieu politique".
Comme plusieurs d’autres femmes, elle n’était pas en pôle position sur la liste des candidats de son parti, le (CDP), dans le Boulkiemdé aux législatives. Classée 3ème sur quatre, unique femme titulaire, elle ne s’en est pourtant pas plaint.

L’essentiel pour elle était « de saisir l’opportunité pour valoriser les candidatures féminines encouragées par le parti et souhaitées également par les différentes organisations féminines. Maintenant que je suis une élue, s’émeut-elle, je prends mon mandat comme une école de la vie". Une marque de détermination qui se justifie d’autant qu’elle fait partie de ces 17 femmes élues sur les 111 députés qui auront au cours de cette quatrième législature un double défi à relever. Celui d’abord de l’image de femmes battantes et celui ensuite de gagner ce combat pour une meilleure représentativité des femmes dans les sphères de décision.
Contrairement à ce que l’on peut croire, le foyer peut être une source d’énergie pour un bon parcours politique.

De l’avis de Mme Aline KOALA, lorsqu’une femme décide de faire la politique, elle a besoin d’une certaine complicité de son conjoint. "Si mon époux avait été d’une manière ou d’une autre une force réductrice, je ne serais pas là où je suis" affirme-t-elle. Puis elle ajoute qu’il ne lui fait pas obstacle "bien au contraire, il m’éclaire sur beaucoup de points. Pendant la campagne, il a été d’un appui sans faille sinon ça ne serait pas facile pour moi". Pour ce qui est de cette autre contrainte à laquelle les femmes politiques sont généralement confrontées, à savoir la vie de ménage, Mme KOALA avoue tout d’abord que la société est beaucoup plus tolérante quand c’est l’homme qui est lancé dans une carrière politique ou professionnelle contraignante.

Par-contre quand c’est la femme, il faut qu’elle sache gérer sa vie de famille. Cela consiste à aménager chaque fois son temps pour être efficace dans son travail et à la maison. Ce qui requiert pour elle, un niveau d’efficacité maximum. Ensuite, elle pense qu’ "on ne peut être fière en tant que femme politique que si dans les responsabilités qu’on lui confie, elle s’en acquitte très consciencieusement, tout en veillant à l’équilibre du ménage et à la sécurité des enfants surtout dans leur suivi scolaire ».

De son point de vue, le dévouement et l’efficacité doivent être le principal credo d’une femme à qui on confie des responsabilités d’autant qu’ "on attend toujours d’elle des résultats tout de suite. Dès qu’elle manifeste la moindre faiblesse, la critique ne se fait pas attendre. C’est pourquoi je pense personnellement que les femmes réussissent beaucoup plus qu’on ne le croit. Quand il y a échec, ce qui est humain, ce n’est pas parce que c’est une femme, mais probablement que les mêmes causes auraient produit les mêmes effets si c’était un homme » Aussi quand les femmes sont responsabilisées, sont-elles tenues de se surpasser pour produire des résultats et maintenir le cap.

Quant aux obstacles à la participation politique des femmes, la députée du Boulkiemdé trouve qu’il y a d’abord un travail de sensibilisation à faire, avant de se désoler du fait qu’il n’y avait que 18% de candidatures féminines, alors que les femmes avaient parié à 30% de femmes à l’hémicycle. Voilà le hic ! L’offre était en deçà de la demande. Le véritable problème est, selon elle, entre autres pesanteurs, la sous-scolarisation des filles, des effets rétrogrades de certains aspects de nos cultures endogènes, et aussi du fait de la nature.

Et quand on consulte les taux de déperditions scolaires le nombre des filles rejetées avant l’âge de 16 ans est le plus élevé de l’école. « Alors, il apparaît évident que cela traîne l’essor de femmes intellectuelles. Cependant, il faut rester optimiste car le gouvernement, depuis plus d’une décennie a enclenché la politique de la discrimination positive qui est en train d’équilibrer les taux de scolarisation garçon/fille. Cela nous laisse espérer ».

Dans sa conviction, il faut donc travailler à la formation des femmes pour en avoir en nombre respectable au niveau des postes de responsabilités. A propos du projet de loi sur le quota, Aline KOALA remercie toutes celles qui ont contribué à son élaboration. Elle invite toutes ses sœurs à s’armer de courage et surtout de patience car dit-elle, « nous semons aujourd’hui pour que nos enfants récoltent demain, et l’adage dit que la patience est un chemin d’or ».

Drissa TRAORE


Maria Goretti DICKO / AGALEOUE, 2e Vice-présidente de l’Assemblée nationale « Au-delà de ma personne, c’est un honneur fait à la femme burkinabè »

Maria Goretti DICKO

C’est la première fois dans l’histoire du parlement burkinabè, qu’une femme accède à un tel poste de responsabilité dans le bureau. La promue, c’est une qui connaît les moindres arcanes du parlement. A l’aube de l’instauration de l’État de droit dans notre pays, dans les années 91 elle fit son baptême de feu en remportant avec succès son siège de député dans son NAHOURI natal devenant ainsi l’une des quatre premières femmes député de cette démocratie naissante. Elle est reconnue pour son acharnement au travail, mais surtout son efficacité dans la discrétion. Maria Goretti DICKO / AGALEOUE, puisse que c’est d’elle qu’il s’agit, incarne aujourd’hui, au sein du parlement, l’exception d’une réussite de femme. Nous l’avons rencontrée, elle nous parle de son parcours politique, de ses convictions, de la promotion de la femme.

Comment êtes-vous arrivée en politique ?

M.G.D.A : C’est parti de la famille, parce que mes parents ont été très actifs dans la vie politique nationale. Mon papa était RDA. Très tôt j’ai été initiée à la chose politique. Surtout par mon père qui souhaitait voir parmi ses enfants au moins un d’entre eux prendre la relève. Il a réussi à me convaincre et cela ajouté au dynamisme de ma mère qui était une femme battante, très engagée en politique aux côtés de son mari m’a inspirée et surtout soutenue. La politique est donc quelque part chez moi, un héritage familial. Pour vous dire à quel point c’est un héritage, j’ai eu un oncle, en la personne de feu Omar SONGOTI qui a été député, avec qui j’ai beaucoup appris. J’ai vu comment il travaillait avec mon père, le vieux KIBORA, le vieux BOGAYIRI. Ce sont des gens qui travaillaient de façon très soudée. Ce sont des gens qui savaient taire leurs velléités pour soutenir sans réserve par exemple une seule candidature, pour avoir des chances de réussir.

C’est vous dire que c’est dans cette moule que je suis sortie et j’en suis fière. Lorsque l’occasion s’est présentée à moi en 1990 pour m’engager dans un parti politique, je me suis demandée d’abord à quoi je pouvais servir. En intégrant l’ODP/MT à sa création, je me suis demandée comment je pouvais être utile à ma province. Dès lors je me suis mis au travail et nous avons battu campagne pour la présidentielle de 91. Aux élections législatives de 92 nous nous sommes portée candidate et à l’issue du scrutin nous avons été élue avec 3 autres femmes et ainsi nous ouvrions la nouvelle ère démocratique dans notre pays en tant que femmes élues. C’est un chemin qui n’a pas été que rose.

A certains moments il a été semé d’embûches au regard de notre condition de femme. Il est arrivé que dans le parti, au niveau local on se demande si j’allais, parce que je suis femme, pouvoir battre tel leader de l’opposition. A certains moments on a pensé même me remplacer sur la liste des candidats par un homme parce qu’on doutait de ma capacité à assurer la victoire du parti. Ce sont des considérations subjectives qui diminuent la femme, mais ça ne nous a pas empêché de nous battre sur le terrain pour prouver le contraire.

Comment voyez-vous la promotion de la femme dans notre pays actuellement ?

M.G.D.A : Je dois dire qu’en matière de promotion de la femme dans notre pays des efforts sont faits. Pour preuve, nous avons un ministère plein rien que pour nous, et mieux, de plus en plus des femmes accèdent à des postes de responsabilités aussi bien au niveau politique que administratif. Cela dit, c’est bien mais beaucoup reste à faire. Notamment dans la scolarisation des filles et dans bien d’autres domaines. Comme vous le savez également, la pauvreté a un visage de femme et il faut qu’on travaille à ce que cela baisse.

La promotion de la femme vient aussi et surtout d’abord de chaque femme. C’est dire que sur le plan scolaire, les filles doivent prendre conscience de leurs conditions et mettre tout en œuvre pour réussir leur cursus scolaire et même universitaire. Il n’y a rien qui soit réservé qu’aux hommes. Ce qu’ils peuvent faire, nous femmes, nous pouvons le faire c’est pourquoi je dis qu’il faut avoir de l’ambition. Car avec un minimum de volonté les filles peuvent aussi réussir que les garçons, il ne faut pas avoir peur de l’échec. Il faut toujours oser, parce que l’échec n’est pas propre à la femme, il y a des hommes aussi qui échouent. Ce qui manque souvent à nous femmes, c’est une vraie cohésion. Nous devons éviter les mesquineries qui ne nous font pas honneur. Savoir se surpasser et reconnaître que, par rapport à tel poste par exemple, une telle sera meilleure que moi.

Au lieu de se jeter des peaux de bananes, au lieu de courir pour les postes, nous devons travailler main dans la main pour la cause de la femme. Je suis convaincue que s’il y a un minimum de loyauté entre nous femmes, on doit pouvoir bénéficier de certaines promotions, qui nous sont données pour le moment, car on ne les arrache pas, parce que pour l’heure, ce sont les hommes qui gèrent les différents postes stratégiques et qui nous les donnent. A chaque fois qu’une femme accède à une haute fonction, toutes les autres doivent se sentir honorées parce que, à travers celle qui est promue, c’est toute la gente féminine qui est honorée. C’est pourquoi je dis qu’il faut un minimum de loyauté en notre sein.

Quels sont selon vous les obstacles qui freinent l’accession des femmes dans les sphères de décision malgré le combat de la société civile et des femmes leaders ?

M.G.D.A : Il ne faut pas aller chercher loin, ce sont les pesanteurs socioculturelles qui sont malheureusement encore vivaces dans nos sociétés. Je veux aller encore plus loin pour dire que c’est aussi quelque fois la peur. La peur de certaines femmes d’être critiquées donc de s’engager, la peur aussi de certains hommes de voir les femmes détenir des parcelles de pouvoir. A cela il faut aussi ajouter les pressions que nous vivons dans les foyers. Si vous n’avez pas un époux qui a une certaine hauteur de vue, vous aurez des difficultés de tous ordres si vous êtes femme engagée politiquement.

L’engagement politique vous appelle à être très souvent absente de la maison, et de fait il y a des obligations familiales que vous ne serez plus à même de remplir. Notamment s’occuper de la cuisine, des enfants, du mari. Si vous avez un mari difficile, ça vous complique alors la tâche. Mais si vous avez un mari qui même s’il n’est pas engagé politiquement vous comprend, il peut vous encourager, il peut vous accompagner. Mais c’est encore mieux si vous avez un mari qui fait la politique. Si fait que vous verrez des femmes engagées ou bien intéressées par la chose politique, mais qui sont obligées de faire profil bas parce qu’elles ont à choisir entre leur foyer et la politique. Quand on vient à te demander de choisir entre ton parti et lui ?

Le choix est vite fait par les femmes. Nous restons malgré tout africains. Pour vous dire que, quel que soit le niveau intellectuel, la force physique ou financière d’une femme, si elle n’est pas mariée, elle n’est pas acceptée, elle n’est pas considérée. La société trouvera que tu es une femme légère, et par conséquent tu n’as pas de poids social. Ce sont donc autant d’obstacles qui font ombrage à l’accession de la femme dans les sphères de décisions. En plus de ces pesanteurs, il y a d’autres aspects que je qualifierai de secondaire, mais qui sont importants, voire primordiaux.

Ce sont les moyens financiers et matériels. Vous savez bien que sous nos tropiques, la pauvreté de la femme est de notoriété publique. Ce qui fait que, bien de femmes veulent s’engager, mais le manque de moyen freinent leurs ardeurs même si elles sont volontaires et déterminées. On ne peut pas faire la politique si les moyens font défaut. Ce qui fait qu’aujourd’hui la promotion de la femme à des postes de responsabilités est lente parce que très souvent les compétences manquent.

De plus en plus des voix s’élèvent pour dire qu’il est temps de légiférer sur la question de la représentativité de la femme dans les sphères de décisions. Votre avis ?

M.G.D.A : Je pense que cela sera une bonne chose si une loi était votée dans ce sens. Non seulement ça donnera encore à notre pays une forte image, ça sera une grande avancée dans le processus de la promotion de la femme, mais aussi et surtout ça donnera à la femme une plus grande place dans la société burkinabè. Cela ne veut pas dire qu’on ne travaille pas.

Je crois qu’on travaille et c’est reconnu, mais je pense que nous méritons d’être épaulées. Ce n’est pas des places gratuites qu’on nous donne. Il faut que nous travaillons davantage pour mériter ces places. Ces quotas qui seront donnés par cette loi ne seront pas des places de « djandjoba », mais des postes de combats. Il faut donc que nous femmes nous soyons capables et compétentes pour que si cette loi est votée qu’on soit à mesure de pouvoir satisfaire la demande. Pourquoi je dis cela ?

Rien que l’ouverture des 25% pour les femmes au scrutin des législatives si je prends l’exemple de mon parti on a pu réunir que 18% de candidates à la candidature. Donc quelque part il y a problème. Manque-t-il des compétences ? Où c’est l’engagement des femmes qui fait défaut ? Ce sont des questions auxquelles nous femmes, toutes tendances confondues nous avons obligation d’y apporter des réponses.

Première femme à accéder à un aussi important poste au sein du parlement, que pensez-vous pouvoir faire pour une meilleure représentativité des femmes ?

M.G.D.A : Je voudrais d’abord remercier les autorités politiques, qui ont accepté et estimé qu’il fallait une femme à ce poste-là, c’est une première et c’est un honneur qui est fait aux femmes et c’est en même temps une invite à l’excellence. Je pense que dans un premier temps nous allons travailler à fédérer toutes les énergies féminines que nous avons au sein du parlement.

Nous sommes 17 dans cette législature et il est important que nous créons une cohésion entre nous et cela quel que soit le bord dans lequel nous sommes. C’est à mon avis la principale chose d’où va découler la suite de nos combats futurs. En tant que vice-présidente, j’estime que ce n’est plus un poste donné au CDP, mais c’est un poste donné aux femmes, et à toutes les femmes sans exclusive. Au-delà du travail de cohésion que je m’attellerai à faire, je veillerai à ce que mon bureau soit ouvert à toutes les femmes car je dois être à leur écoute.

Il y aura certainement des questions, des interpellations, et je tâcherai d’être la coordonnatrice de toutes ces attentes. Nous allons, en tant que femmes parlementaires travailler à être utiles à celles qui sont en dehors du parlement tel est mon souhait. Je sais que c’est un défi, mais nous avons cas même une certaine tradition parlementaire, et je pense que chacune de nous a pris la mesure de la situation et chacune de nous se rend compte du poids des responsabilités et je puis vous affirmer qu’elles sont toutes prêtes à travailler main dans la main pour qu’on puisse répondre aux attentes de la femme burkinabè.

Vous qui êtes aujourd’hui un exemple de réussite pour bien de femmes et de jeunes filles, si vous avez un conseil à donner à celles qui veulent suivre vos pas, qui veulent s’engager, qui hésitent, qui ont peur, que leur direz-vous ?

M.G.D.A : Pour s’engager en politique, je demande à mes sœurs de s’armer de courage. D’être volontaires, déterminées et surtout persévérer quel que soit les obstacles qu’elles rencontreront sur leur chemin. Dans leur engagement elles n’ont qu’à savoir s’entourer de bons conseillères et se départir des préjugés des que dira-t-on. Je pense également qu’il est très important de s’intéresser à sa base notamment les parents restés au village au niveau de la province. Il ne faut jamais se lasser d’aller vers eux, de discuter avec eux, on n’est pas toujours obligé de leur donner quelque chose, le simple fait de penser à eux, de participer à leurs activités (funérailles, baptême, mariage, etc.), sont autant de considérations que vous leur témoignez.

Frédéric ILBOUDO


Aïssata SIDIBE, députée ADF/RDA
"Je me suis engagée en politique pour pouvoir aider les miens"

Aissata Sidibé

Dans la société, il y a parfois des sobriquets qui traduisent tout un trait leur caractère. Sommes-nous tentés de le penser pour l’unique élue de l’ADF/RDA, Mme Aïssata SIDIBE, surnommée Maman gentille pour ses multiples soutiens aux couches sociales les plus vulnérables. Tout en soutenant que les populations sont généralement reconnaissantes aux âmes sensibles, Aïssata SIDIBE a dû s’intéresser à la vie politique pour pouvoir contribuer au développement de sa région voire du pays. Ainsi elle affirme que « la politique comme bien d’autres activités de la société est un tremplin pour soutenir sa population ».

Même si tout n’est pas allé comme sur des roulettes quand elle a débuté la politique, ses gestes de bienfaisance lui ont quand même valu une certaine popularité. Sa réélection serait en partie liée au fait que pendant son premier mandat, elle s’est beaucoup investie à aider les populations rurales en mettant à leur disposition un fonds de microcrédit pour permettre la création des activités génératrices de revenus.
Au-delà de cette expérience, Aïssata SIDIBE pense que la politique au féminin ne devrait pas être une exception dans la société car « la femme, mère de l’humanité, et au centre de la gestion de la cité, se doit d’être un acteur privilégié dans l’atteinte des objectifs du développement ».

Cependant, elle reconnaît qu’en Afrique, en général, ce n’est pas chose facile pour une femme de faire la politique, parce que tout simplement, « certains pensent que c’est un domaine réservé aux hommes du fait que des grandes décisions s’y prennent le plus souvent ». En effet, dans la société africaine la femme est souvent reléguée au second plan et doit obéir sans avoir son mot à dire. Selon elle, ce sont autant d’obstacles que les femmes ne peuvent combattre que par leur abnégation et en s’impliquant fortement dans la vie politique.

Quant au positionnement des femmes dans les instances des partis politiques tout comme au niveau des listes des candidatures, Mme Aïssata SIDIBE pense que tout est une question de confiance. En prenant l’exemple sur son propre parcours, elle soutient que c’est par sa pugnacité qu’elle a pu se positionner non seulement comme la secrétaire générale adjointe de l’ADF/RDA, mais aussi comme tête de liste aux législatives et elle est actuellement la vice-présidente de son groupe parlementaire. Par ailleurs, elle ne tarit pas d’éloges pour son parti qui a déjà pris cette habitude d’établir ses listes en tenant compte du genre. C’est en cela qu’elle souhaiterait l’adoption de la loi sur le quota qui sera un déclic dans nombre de partis mais qu’il faut veiller à ce que cela ne soit que des positionnements fictifs.

A son avis, une des solutions les plus pertinentes est l’engagement de la femme elle-même. De ce fait, elle invite les femmes à faire fi de tous les préjugés socio-culturels pour affronter le combat politique. Pour Mme Aïssata SIDIBE donc, la gent féminine doit se battre à fond pour récupérer la place qui est la sienne en affrontant les difficultés « car les peaux de bananes, dit-elle, ce n’est pas seulement en politique mais toute personne émergente dans la société les rencontre sur sa route. Je dirai même qu’on doit s’inquiéter quand on ne dit que du bien de toi ». Toutefois, elle pense que « les femmes ont besoin de se sentir en confiance et cela ne peut se faire qu’en leur confiant des responsabilités ».

Drissa TRAORE


Mme NIKIEMA née BESSIN Edwige Valentine, député UNIR/MS
« Je vous dis, à nous 16 femmes, nous pouvons faire trembler l’Assemblée »

Edwige Valentine NIKIEMA

La situation des femmes en politique demeure un débat d’actualité à tous les niveaux de la société africaine. Pour ce qui nous concerne, au Burkina Faso à l’instar des autres pays, l’épanouissement de la femme au plan politique rencontre toujours des obstacles tant au niveau des hommes que des préjugés socioculturels. Une telle situation interpelle et commande une réflexion approfondie en vue d’une meilleure représentativité de la gent féminine. Pour comprendre les raisons profondes nous nous sommes entretenu avec celles qui malgré toutes les difficultés ont pu franchir les marches de l’hémicycle pour la 4e législature. Parmi elles, Madame Edwige NIKIEMA / BESSIN élue député sous la bannière de l’Union pour la renaissance / Mouvement Sankariste.

Cette femme au courage exemplaire, convaincue de l’idéologie sankariste a fait ses armes au sein des mouvements associatifs féminins dont elle est la présidente. Résidante au secteur 29 dans une zone non lotie, elle intègre son parti en 2000. En 2002, candidate malheureuse à la 3e législature, elle postule pour les municipales d’avril 2006 et est élue conseillère dans l’arrondissement de Bogodogo.

Cette promotion fut un tremplin qui finit par la convaincre qu’une femme peut réussir en politique pourvu qu’elle y croit. C’est de là qu’elle postule dans le Kadiogo et fut élue député pour le compte de l’UNIR/MS à cette 4e législature. C’est une femme qui vient de loin qui nous livre son parcours qui n’a point été non sans difficulté. Femme modeste, secrétaire de formation, elle a touché à tout. Coiffeuse, commerçante et son dernier emploi fut gérante de la pharmacie d’une clinique de la place.

Sans moyen de déplacement, c’est grâce à une tontine qu’elle s’offre un vélo dame pour se rendre aux réunions politiques. A la question de la faible représentativité dans les instances de décision, Mme NIKIEMA accuse les hommes et les préjugés. « Vous les hommes, vous n’aimez pas faire la place aux femmes parce que tout simplement vous n’avez pas une idée de la valeur d’une femme. Il y a des femmes responsables pourquoi c’est en politique que nous sommes marginalisées », a-t-elle martelé avant d’ajouter : « croyez-vous qu’un jour il n’y aura pas de femme qui briguerait la magistrature suprême dans ce pays ? C’est peut-être moi-même ». Pour remédier à ce tare, elle invite les décideurs à favoriser les femmes, notamment au Kadiogo, comme têtes de liste.

Au sein de son parti, selon elle, la femme mérite toute l’attention. Surtout étant de l’opposition, elle dit combattre l’idée selon laquelle une femme en politique serait une femme libertine et de lancer en mooré : « ya pagb n so minga » (ndlr une femme suffisante). Quant à la promotion de ses sœurs, la difficulté réside là aussi. De l’exemple de leur adversaire du CDP, elle souligne : « Quand j’ai vu la liste du CDP/Kadiogo, la femme venait en quatrième position. C’est vraiment un problème.

Mais le combat continue et je suis certaine qu’à la longue quand on dira à un homme, c’est une femme qui suit et pourquoi pas une femme et un homme va seconder ». Interrogée sur ses relations avec ses consœurs élues de la 4e législature, Madame le député a relevé qu’avant d’entrer à l’hémicycle, elle entretenait de bons rapports entre elles.
Prenant l’exemple de Mme Zénabo DRABO, élue du CDP, elle dit travailler à ses côtés au sein de la mairie de Bogodogo où elle n’hésitait pas de lui venir en aide quand elle en avait besoin et qu’elle était toujours à son écoute.

Pour elle, ce n’est pas l’Assemblée qui les divisera. C’est ainsi qu’elle soutient : « Et de toute façon nous avons un adversaire commun... les hommes. Je suis l’unique femme de l’opposition mais je ne me sens pas seule. Peut-être que ma petite touche pourrait concilier des positions ». Parlant du groupe de concertation des femmes élues à l’Assemblée nationale, le député Edwige BESSIN pense que ce cadre va constituer un groupe de pression pour peu que l’attente et la solidarité l’animent.

« Si une femme peut gérer un foyer, ce n’est pas la société qui est une géographie élargie du foyer qu’elle en sera incapable », a indiqué BESSIN avant de lever le ton : « Je vous dis qu’à nous 16 femmes, nous pouvons faire trembler l’Assemblée nationale ». Car pour elle, la femme est la seule qui supporte tous les avatars de la société et « Dieu seul sait comment. « Nous ne sommes pas là pour nous amuser et notre réussite est celle de la population parce que nous avons un cœur sensible ce qui manque aujourd’hui à la politique sous nos cieux », a-t-elle renchéri. En tout cas de la volonté, il n’en manque pas pour faire plier les hommes.


Mme Saran SERE / SEREME, vice-présidente caucus genre
“Il faut que la femme puisse se défaire des préjugés socioculturels”

Saran Sérémé

Elue député du Sourou sous la bannière du CDP, Mme Sara SERE/SEREME est à son deuxième mandat. Elle est au premier plan du combat pour une meilleure représentativité des femmes dans les sphères de décision en tant que vice-présidente du caucus genre. Présidente de la commission Agriculture, Environnement, Ressources en eau et du Développement durable (AERD), de l’Assemblée Nationale, elle est également membre de Parlement CEDEAO et du réseau parlementaire de la Banque mondiale. A travers cet entretien, elle démontre en quoi la politique se conjugue au féminin.

Pouvez-vous nous parler du début de votre carrière politique ?

Sara SERE / SEREME (SSS) : Je peux dire que j’ai débuté la politique depuis les premières années de la Révolution en 1983 à travers les mouvements de jeunesse scolaire et estudiantine. J’y éprouvais déjà de la joie parce que les jeunes se voyaient impliqués dans cette optique de changement qualitatif au niveau de la gestion de notre cité au sein des structures CDR. Je me suis par la suite beaucoup impliquée dans le fonctionnement des associations et le parrainage des activités. J’ai dû renforcer mon assise politique sans l’avoir calculée à travers des actions directes de développement au profit des populations que ce soit au niveau des jeunes ou des femmes.

Vous êtes donc dans la politique depuis plus de 20 ans. Comment arrivez-vous à concilier cette carrière politique avec votre vie de foyer ? Quel rôle joue votre époux dans cette carrière ?

SSS : Parlant d’abord de mon conjoint, je l’ai connu depuis justement cette période révolutionnaire en 1985.
Il était également dans la politique. Il savait donc que j’étais une militante depuis le lycée. Il a vraiment contribué à mon assise politique. C’est vrai qu’on s’est séparés pendant un bout de temps avant de se retrouver. Nous sommes aujourd’hui tous membres du parti majoritaire. En tout cas, il me soutient tant bien que mal. Mais cela n’est pas évident pour toutes les femmes. Il y a des femmes qui n’ont pas cette chance d’être écoutées par leurs conjoints au plan politique. C’est ce qui est déplorable. Même moi avant d’en arriver là, j’ai dû traverser des moments éprouvants.

Quant à la vie du foyer, il y a souvent des cas de conscience qui se posent compte tenu du bas âge de mes enfants. Il m’est difficile de passer un bout de temps sans les voir. Ce qui fait que je ne voyage jamais surtout à l’extérieur sans le plus petit. Je tiens à jouer aussi bien mon rôle de mère que d’épouse. J’estime d’une manière générale qu’une femme qu’elle soit député, haut cadre de l’Etat, du secteur informel ou ménagère doit pouvoir assumer ses tâches de foyer quelles que soient ses occupations. C’est une question d’organisation. Donc l’un dans l’autre, en tant que femme politique on peut bien assumer son rôle de femme mère et de foyer.
Il y en a qui diront que c’est difficile, mais il faut aussi reconnaître qu’il n’y a rien de facile dans la vie. La vie est d’ailleurs un choix. Si on reste à ne rien faire et on attend que le mari satisfasse à tous les besoins, on ne peut que subir des aléas de la vie. Il est préférable de se battre pour être considérée même par l’époux.

Selon vous en tant que femme qu’est-ce qui a prévalu au choix de votre candidature comme titulaire aux législatives récentes ?

SSS : Je viens de vous dire qu’il n’y a rien de facile dans la vie surtout quand il s’agit de la conquête du pouvoir qu’il soit financier ou politique. Il faut toujours s’attendre à des peaux de bananes ou à des concurrents sérieux. Et c’est bien normal que les gens développent les initiatives pour aller de l’avant.
J’ai déposé ma candidature comme les autres et je crois que ma capacité de mobilisation a été un grand facteur favorisant mon bon positionnement sur la liste. Mais cela n’a pas été aussi facile. D’ailleurs, c’est partout pareil pour tous ceux qui se sont retrouvés sur les listes.

Mais est-ce que le facteur genre a été déterminant pendant la campagne électorale ?.

SSS : Ce que je peux dire, c’est à fond que j’ai battu la campagne. Parce qu’étant deuxième sur la liste et avec le système du plus fort reste, il fallait faire le maximum, ne négliger aucune case ou concession.

De toute façon, il a fallu tenir le défi avec la population qui était déterminée à ce que le CDP remporte les deux sièges de ma circonscription électorale. En réalité, ce qui compte dans une élection c’est l’appréciation des populations par rapport à ce que les candidats ont déjà fait pour elles.
Quant à moi, j’ai toujours, à la limite de mes moyens, apporté ma pierre de contribution pour le développement de ma région. Et les populations ne sont pas dupes, elles savent faire la part des choses.

En tant que député, au-delà de notre rôle qui consiste à voter la loi, à consentir l’impôt et à contrôler l’action gouvernementale, nous avons beaucoup plus un rôle social. Parce que nos populations ont des besoins primaires auxquels il faut faire face. En ne vous contentant qu’à vos missions parlementaires, le paysan du village vous dira qu’il ne vous a pas élu pour ça. Il aimerait plutôt que vous l’aidez à avoir son petit mil quand il n’a pas à manger, de l’aider à scolariser ses enfants ou à honorer certaines de ses ordonnances médicales. Ce sont des réalités qu’il ne faut pas banaliser parce qu’elles sont propres à tout pays en développement. Nous avons donc ce devoir d’aider socialement nos populations.

A votre avis, quels sont les obstacles à la participation politique des femmes ?

SSS : Les obstacles sont nombreux et majeurs. Je représente cela comme si les femmes étaient encerclées par un béton et que seules, elles ne peuvent pas du tout se l’enlever. Il y a tout d’abord l’obstacle social, qui est cette idée selon laquelle les femmes qui font la politique ont une vie déplorable. C’est pour dire que les gens ont une mauvaise image de la femme politique. Il y a des sociétés également où on n’imagine pas voir une femme être leader. Cela est beaucoup exacerbé par exemple chez mes « esclaves » les Mossi.

Mais il y a maintenant une évolution et on constate de plus en plus que le problème ne se pose plus au niveau des populations qui n’ont aucune gêne de voir une fille ou un garçon devenir leur leader ou les représenter. En réalité, c’est entre nous-mêmes hommes politiques qui utilisons parfois les arguments d’une autre société pour dire qu’une femme ne doit pas être chef. Alors qu’il est avéré que la femme est beaucoup plus attachée à sa population que l’homme.

Il y a aussi l’analphabétisme des femmes qui constitue un véritable frein pour leur participation à la politique. Elles sont souvent complexées par leur niveau d’instruction et n’hésitent pas à laisser les hommes prendre les devants quand bien même ce sont elles qui mobilisent l’électorat. Il y a aussi le copinage qui est un des obstacles majeurs.
Les femmes sont par ailleurs confrontées à des problèmes financiers. Il faut le reconnaître, aujourd’hui pour faire la politique, il faut avoir un minimum.

Alors quelles sont les solutions que vous préconisez ?

SSS : Je crois avant tout qu’il faut renforcer les capacités de la femme sur plusieurs points.
Je dois dire qu’au-delà du projet de loi en cours, il faut, en amont, accroître le taux d’alphabétisation des femmes, encourager l’éducation des filles parce qu’étant instruites, elles sauront davantage leur droit et c’est à ce prix qu’elles pourront briser leur complexe. Il faut que la femme puisse se défaire des préjugés socioculturels qui portent sur elles. Ces préjugés qui donnent l’impression que c’est l’homme qui représente la force et la femme doit être toujours derrière. Ce sont autant de barrières qu’il faut transcender. L’on doit reconnaître que l’homme seul ne gère pas la famille qui est une cellule à l’image de la société. C’est en complémentarité qu’on le fait.

Aujourd’hui, les obstacles se trouvent même au sein des partis politiques dont les instances de décision sont occupées par les hommes pour la plupart.
Dans ces conditions, il est généralement difficile pour une femme même si elle mobilise de se positionner tant qu’elle n’a pas de relations. Certes, les décisions sont prises en tenant compte du terrain, mais il y a des copinages qui demeurent une triste réalité. Comme personne ne veut se faire hara-kiri pour permettre aux femmes d’être bien positionnées, il faut donc une loi contraignante.

Parce qu’il y a des textes de sensibilisation concernant les partis politiques qui ne sont pas appliqués. On trouve toujours des arguments pour les contourner.

Justement parlons-en ; pouvez-vous nous expliquer les fondements de cette loi ?

SSS : D’abord, il y a un caucus genre installé à l’Assemblée nationale qui est composé de 27 députés de toutes les tendances parce que le problème de la femme est transversal, il intéresse tout le monde. C’est un problème de démocratie, de bonne gouvernance, de lutte contre la pauvreté. C’est donc un problème de développement. Le caucus genre a été chargé de faire des propositions pour une meilleure implication des femmes dans les postes de responsabilité. Dans ce sens, nous avons organisé un forum qui a regroupé les partis politiques, les chefs coutumiers et religieux, les partenaires techniques, les organisations de la société civile qui ont été premières à commencer le combat.

Les participants au forum ont tous reconnu qu’il faut travailler à un meilleur positionnement des femmes et ils ont ainsi donné quitus au caucus genre de réfléchir autour d’une loi permettant un quota d’au moins 30% de l’un ou l’autre sexe dans les postes de responsabilité. C’est donc une loi qui est de l’émanation de toute la société burkinabè. Mais c’est toujours au stade de projet de loi qui d’ailleurs a suscité beaucoup de controverses car pour certains, cette loi serait anti-constitutionnelle et pour d’autres, elle empiète sur les prérogatives du chef de l’Etat. Il se trouve heureusement que ce projet de loi aurait été déjà examiné en Conseil des ministres et serait actuellement à l’Assemblée nationale.

Je dois souligner que le projet de loi fait état de 30% de l’un ou l’autre sexe. Ce n’est pas seulement les femmes parce que la constitution prône l’égalité. Cette loi s’applique aux postes électifs tout comme aux postes nominatifs. Il faut le dire, il s’agit d’une loi volontariste parce qu’il est temps d’avoir une loi qui amène les gens à changer les mentalités pour atteindre un objectif du développement bien précis. Il est également important de préciser que cette loi sur le quota est pour une période déterminée. Elle n’est pas éternelle parce qu’on aimerait que quand les mentalités vont changer, on puisse se passer du quota et c’est ce que nous souhaitons.

On peut prendre la loi juste pour 10 ou 20 ans et l’abroger lorsqu’il y aura une prise de conscience générale brisant ainsi toutes les barrières faites aux femmes. Vous savez, il fut un moment où pendant qu’on disait que les femmes n’étaient pas alphabétisées pour être responsabilisées, on a vu des bouchers, des vendeurs de pneus qui sont devenus députés et personne n’a trouvé à redire. Pourquoi pas les femmes ? Une femme qu’elle soit vendeuse de pagnes ou de légumes, si elle est mobilisatrice qu’on lui permette aussi d’accéder aux postes électifs.

Celui qui s’estime trop intellectuel qu’il aille se retrouver au niveau des postes nominatifs. C’est vrai qu’il faut souvent en partie faire le parallèle entre le niveau intellectuel et le poste électif pour pouvoir traiter certains projets de loi, mais il est préférable de faire avec. On constate à l’Assemblée nationale même qu’il y a une certaine décantation naturelle au fil du temps. C’est pareil pour les postes de maire qui au fur et à mesure sont convoités par les intellectuels. Il y a aussi des femmes intellectuelles qui ne voudraient pas faire la politique mais toujours est-il que nous avons notre place dans la société.

Mais à quand l’examen de ce projet de loi par l’Assemblée ?

SSS : Le président de l’Assemblée nationale avait déjà dit que c’est cette législature qui va l’examiner. Il ne reste qu’au bureau de l’Assemblée de la programmer lors d’une session et on verra le sort que les députés vont lui réserver. Tous les députés sont conscients qu’il est nécessaire qu’on tienne compte des femmes dans les sphères de décision et qu’ils adoptent cette loi ou ils voudraient qu’on fasse fi des femmes et ne les considérer comme du bétail électoral en la rejetant.

Par Drissa TRAORE


Zénabo DRABO/OUEDRAOGO, Député de la 4e législature
"La présence d’une femme est une touche de sensibilité à tout problème"

Zénabo Drabo

Zénabo DRABO née OUEDRAOGO est une femme au parcours politique des plus riches. Née d’une famille nombreuse, très tôt elle prit conscience qu’elle seule pouvait forger son destin. Infirmière anesthésiste de formation et animatrice d’une association dont l’ardeur au travail lui consacre un tremplin dans sa vie politique dès la période révolutionnaire à l’entame du processus démocratique. Militante très engagée, Zénabo DRABO fait partie des exceptions de femmes en politique dans une société où les pesanteurs socio-culturelles et autres préjugés finissent toujours par prendre le dessus.

Après avoir été élue conseillère municipale du secteur 30 de la ville de Ouagadougou en 1995, Zénabo DRABO occupa la mairie de Bogodogo en qualité de maire en 2000 et en 2006 sous la bannière du Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP) sous l’égide de ses frères et sœurs du Sanmentanga elle fut candidate aux élections législatives du 6 mai 2007 et élue député de la quatrième législature. C’est un autre combat qu’elle vient d’entamer, celle de la promotion de la femme en politique et la lutte pour une grande représentativité de la gente féminine dans les sphères de décisions.

Mme DRABO fait partie des 17 autres femmes élues pour cette législature dont par ailleurs elle est la représentante de leur structure. De cette position, elle entend constituer un Cadre de concertation avec ses consœurs de tout bord politique pour donner la place qu’il faut à la femme. Sur la question du quota de la femme en politique, elle préfère être réaliste. "Je pense que des efforts ont été faits. Nous avons un ministère plein (ministère de la Promotion de la femme) mais il reste beaucoup à faire. Prenons l’exemple du gouvernement, nous n’avons pas avancé", a soutenu Mme DRABO. Pour elle, même si les hommes sont pour beaucoup par rapport à cette situation, la femme même combat la femme.

Pour peu qu’elle n’épouse pas l’idée de la majorité, elle est prête à trahir la cause. Prenant l’exemple de son parti le CDP, elle a signifié que sur proposition volontaire de 25% de femmes sur les listes électorales, elles n’ont pu occuper que 18%. Pour elle cela est dû non seulement à la jalousie et la mesquinerie des femmes mais aussi à la volonté des hommes de toujours exploiter cette faiblesse.

A la question sur la nécessité de légiférer, Mme la député répond en ces termes : "C’est bien d’avoir une loi. Mais une chose est de l’avoir et une autre de l’appliquer, je pense plutôt qu’il faut travailler à ce que les hommes prennent conscience que la présence de la femme est une touche de sensibilité à tout problème". Elle pense que cette question ne sera une réalité que par un combat collégial et soutenu par les hommes.

Déjà l’existence de la commission cocus genre est un bon début pour elles et elles donneront le meilleur d’elles-mêmes pour faire aboutir leur projet. Quant aux conseils à donner aux jeunes filles et femmes qui voudront suivre son exemple, Hadja se “dévoile” : "Moi, j’ai vu du tout. On ne parle de nous que dans le mauvais sens. Alors que Dieu seul sait. On est même allé voir mon mari pour raconter du n’importe quoi. En politique ce n’est pas du tout facile, "les peaux de bananes" ne manqueront jamais.

Pour mes sœurs, il faut qu’elles se préparent psychologiquement parce qu’elles vont entendre du tout. Il faut travailler honnêtement à démontrer le contraire, ne jamais tenir compte des on dit. Pour les jeunes filles, si elles ne sont pas encore mariées il leur sera difficile de fonder un foyer. Si vous êtes une femme mariée c’est encore pire. Mais il faut être toujours loyal envers son mari.

Lui dire tout pour qu’il vous fasse confiance afin de vous permettre de travailler". Pour Hadja Mariam, on colle à la femme politique l’étiquette d’une femme libre, sans foyer. Pourtant, selon elle, il n’en est rien, peut être que cette situation n’a rien à voir avec cela mais on accuse la politique. Mme la député ne se leurre pas sur les hommes. Pour elle, il faut se battre, écouter beaucoup et parler peu. "Il y a un moment où il faut parler et un autre où il faut savoir se taire", comme quoi en politique il n’y a pas de cadeau et rien n’est gagné d’avance et le combat continue pour une plus grande représentativité des femmes.

Par Issoufou MAIGA


Mme Korotimi KOTE/ABOU : « C’est à la femme de prendre conscience que ce n’est pas l’homme qui va et qui doit faire sa promotion »

Korotimi Koté

Elle fait partie des nouvelles femmes élues du parlement. Comme elles donc, elle fait ses premiers pas de députée. Mais ne vous y trompez pas, nouvelle à l’hémicycle ne signifie pas nouvelle en politique. Et pour cause, Mme KOTE/ABOU a une longue carrière politique derrière elle. Après le mouvement estudiantin où elle a fait ses premières preuves, sa carrière politique prendra son envol dans les années 96 dans son Dédougou natal. Carrière qu’elle a dû suspendre pour des raisons professionnelles.

Mais, comme aux âmes biens nées la valeur n’attend point le nombre d’années, elle repend sa course politique à une période bénie des dieux, où, l’abondance des opportunités lui souriait à bras ouverts, faisant d’elle une leader sur laquelle son parti va s’appuyer pour les victoires.

Ce qui ne veut pas dire que tout était gagné d’avance : « j’ai eu des opportunités pour avancer, mais cela ne veut dire que je suis arrivée sur un terrain conquis ou sur un terrain vierge. Loin de là. Je suis venue trouver des gens, certains ont jeté l’éponge d’autres continuent encore. Ça n’a pas été du tout facile mais, j’avais un avantage comparatif qui était que, en tant que fille de la province j’arrivais à un moment où bon nombre d’acteurs politiques avaient déçu les populations. Nous avons su également nous entourer de bons conseils pour avancer ».

Très active dans sa province, sa brillante victoire au poste de député elle le doit à son engagement, sa détermination mais aussi et surtout aux populations qui sans réserve lui ont accordé leur confiance. Une victoire qui vient comme un couronnement d’une lutte politique faite de haut et des bas. « Pour vous dire à quel point ça n’a pas été facile, nous avons été candidate aux municipales de 2006, ça n’a pas marché, cela ne nous a découragée outre mesure ».

Deuxième secrétaire parlementaire dans le bureau du parlement, cette spécialiste en élevage reconnaît qu’un travail est fait pour la promotion de la femme, mais beaucoup reste à faire. Sa conviction reste que la femme est seule maîtresse de son destin : « Il y a énormément de travail à faire sur le plan politique. Pour l’heure, on parle beaucoup plus qu’on ne travaille pour la femme. Mais je pense que c’est à la femme de prendre conscience que ce n’est pas l’homme qui va et qui doit faire sa promotion.

C’est à la femme elle-même qui doit s’autopromouvoir. Nous avons un ministère, mais cela est insuffisant. J’ai l’intime conviction que le salut de la femme, sa promotion, son épanouissement, dépendront de son engagement politique et dans la politique. Même si je reconnais que actuellement sans l’appui de certains hommes à nos côtés la lutte serait vaine. Il nous appartient de montrer nos preuves sur le terrain, de montrer ce dont nous sommes capables, afin d’être à même d’arracher des postes de responsabilités. Toute chose qui pourra nous permettre de faire un travail considérable à la base ».

A l’heure où des voix s’élèvent pour demander de légiférer pour donner plus de places à la gent féminine, Mme KOTE est sans équivoque : « Le tout n’est pas de légiférer, il faut être sûr qu’au sein des femmes il y a des compétences qui seront à même de satisfaire aux nouvelles donnes de la loi. Je pense qu’on doit travailler d’abord à ce que les femmes s’intéressent à la politique, qu’elles comprennent pourquoi elles doivent s’engager en politique. Légiférer c’est bien, mais ça restera encore insuffisant s’il n’y a pas de matière première. Ça restera un élément parmi tant d’autres ».

Frédéric ILBOUDO

L’Opinion

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