LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Encore le Niger

Publié le mercredi 25 juillet 2007 à 08h21min

PARTAGER :                          

En la matière, le Niger a déjà une expérience dont il aurait tort de ne pas s’inspirer. En effet la rebellion des années 90 a débouché sur un accord de paix signé le 24 avril 1995 à Ouagadougou.

Ou cet accord a été mal appliqué, ou il a été incomplet... toujours est-il qu’on pourrait commencer par jeter un coup d’œil de ce côté pour voir si quelque chose ne peut pas être fait. Voilà pourquoi le geste du Burkina Faso qui a offert sa médiation est à saluer. On partira ainsi d’un socle commun à toutes les parties puisqu’aucune d’elles ne l’a dénoncé. Il s’agit d’avoir tout simplement l’intelligence de ne pas perdre le temps à chercher à réinventer la roue.

Depuis le mois de février dernier le Nord du Niger a renoué avec les bruits de bottes. Alors que les observateurs se perdent en conjectures sur les tenants et les aboutissants de cette énième fronde, le gouvernement nigérien lui-même semble ne pas savoir à quel saint se vouer, puisque après avoir imputé le fait à de vulgaires bandits armés et à des trafiquants de drogue, il y verrait maintenant des mains étrangères.

Cela n’est pas pour éclaircir les choses d’autant plus qu’il refuse obstinément de négocier avec les « agresseurs », privilégiant l’option militaire face à un adversaire qui, curieusement multiplie les coups d’audace et continue à faire des dizaines de morts dans les rangs des Forces armées nationales et de ralentir considérablement les activités socio-économiques dans la région. C’est à croire qu’il s’agirait de bandits d’un genre nouveau.

Le MNJ (Mouvement des Nigériens pour la Justice) puisque c’est de lui qu’il s’agit ne réclame ni plus ni moins que d’être reconnu comme le porte-parole des populations du Nord du pays et revendique en leur nom une meilleure répartition des richesses du sous-sol de l’Aïr qui regorge d’uranium, d’or et probablement de pétrole, une meilleure application des Accords de paix du 24 avril 1995 signés à Ouagadougou et un fonctionnement régulier des institutions de la République avec une réelle décentralisation qui accordera une autonomie relative aux régions d’une part et d’autre part une véritable lutte contre la corruption. Le MNJ milite aussi pour une enquête indépendante sur la radioactivité sur les sites d’uranium exploités par AREVA et un réinvestissement d’au moins 50% des retombées financières de cette activité dans la région.

Des revendications qui débordent largement des exigences des rebellions passées dont le centre d’intérêt était principalement une meilleure intégration des touaregs et qui mobilisent bien au-delà de cette communauté. De quoi embarrasser prodigieusement le pouvoir en place, d’autant que les rebelles exigent la vérité sur l’assassinat du défunt président Maïnassara BARE.

De là à les traiter de simples bandits de grand chemin il y a comme une tentative de négation de la réalité pour des raisons purement politiciennes et cela n’est pas pour faciliter le solutionnement du problème. Il en est de même du "tout militaire" que prônent l’Etat et certains acteurs de société civile et de la stratégie de botter en touche qui consiste à rechercher ailleurs les causes du mal en accusant pêle-mêle des puissances étrangères d’être derrière les « bandits » et des pays voisins de leur servir volontairement de base arrière.

C’est vrai que l’armement et la logistique des rebelles intriguent et que certains acteurs de la sous-région ont de bonnes raisons d’en vouloir au pouvoir nigérien. Cela est-il suffisant pour les amener à se lancer dans la création d’une rebellion armée contre lui ? Rien n’est moins sûr puisque le retour de bâton pourrait être désastreux pour tous tant les intérêts dans cette région sont volatiles.

Pour certains observateurs, ce qui se passe n’est que le prolongement d’une série d’actions antérieures de la Libye du Colonel KADHAFI qui serait contre les recherches pétrolifères engagées par le Niger sur les plateaux du Manguéni que les deux pays partagent. Elle aurait donc fourni matériel et formation aux irrédentistes touaregs qui n’en demandaient pas plus.

D’autres analystes voient derrière le MNJ rien moins que les « ex-rebelles » touaregs du Mali. Une sorte de retour d’ascenseur puisque ceux du Niger leur avaient donné un coup de main lorsqu’ils avaient fait le coup de feu contre l’armée malienne. Un juste retour de politesse notamment pour certains ex-rebelles maliens qui ne seraient pas satisfaits de leur situation et se prépareraient à remettre çà.

Les Algériens pourraient eux-aussi être les mentors des rebelles pour faire payer au Niger son alignement derrière le Maroc dans le conflit Saharaoui tout comme ils lorgneraient les immenses ressources énergétiques de la zone. Le pouvoir nigérien aurait donc « tiré à terre » en allant prendre langue avec l’Algérie dans le but d’obtenir de l’aide pour mettre en œuvre son option guerrière.
Certains vont jusqu’à voir derrière la rebellion, la main de la France à travers la société AREVA qui exploite l’uranium du Niger depuis 40 ans. En effet, on prête aux rebelles d’interdire toute autre société minière dans la zone.

Ainsi, donc le MNJ pourrait avoir quatre mentors possibles. Il pourrait même subir des manipulations de tous ces côtés. Toujours est-il que la richesse du sous-sol du Nord nigérien est à l’origine des problèmes. De même personne ne nie qu’il s’agit bien de Nigériens et que pour cette fois-ci le clivage ethnique est largement dépassé. Le problème est donc réel et il n’a rien à voir avec des humeurs d’éventuels bandits armés. Il ne sert à rien de chercher à fermer les yeux sur ces réalités tout comme il est parfaitement irresponsable de chercher à jeter la pierre aux autres. Avant d’avoir des ramifications extérieures, le problème est d’abord nigéro-nigérien et il est concret. Il ne résulte pas d’une construction de l’esprit puisqu’il prend racine dans le vécu quotidien de populations qui, à tort ou à raison, se sentent exclues.

Il est futile de s’en prendre aux médias dont deux ont été suspendus et d’autres mis en garde pour avoir traité du sujet en toute indépendance. Par ailleurs, la solution militaire est des plus illusoires puisque jusqu’à présent c’est l’armée nationale qui trinque le plus et n’a d’autre solution pour maintenir le moral des troupes que de s’en prendre à d’innocentes populations civiles.

On sait aussi que nulle part au monde l’option militaire n’est venue à bout d’une quelconque guérilla. Il n’y a que le dialogue qui puisse permettre des solutions réelles et durables.
En la matière, le Niger a déjà une expérience dont il aurait tort de ne pas s’inspirer. En effet la rebellion des années 90 a débouché sur un accord de paix signé le 24 avril 1995 à Ouagadougou. Ou cet accord a été mal appliqué, ou il a été incomplet... toujours est-il qu’on pourrait commencer par jeter un coup d’œil de ce côté pour voir si quelque chose ne peut pas être fait.

Voilà pourquoi le geste du Burkina Faso qui a offert sa médiation est à saluer. On partira ainsi d’un socle commun à toutes les parties puisqu’aucune d’elles ne l’a dénoncé. Il s’agit d’avoir tout simplement l’intelligence de ne pas perdre le temps à chercher à réinventer la roue.

Par Cheick AHMED

L’Opinion

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Sénégal : Le premier président de la Cour suprême limogé