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Libération des infirmières bulgares : La diplomatie internationale en panne d’éthique

Publié le mercredi 25 juillet 2007 à 08h32min

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Le dossier des infirmières bulgares le confirme : la diplomatie internationale est sérieusement en panne au plan de l’éthique. Chacun se crée sa propre légitimité et exploite la moindre faille pour parvenir à ses fins. Désormais, exit les Nations unies, place au brigandage d’Etat, vive le troc et le chantage. Mais pendant encore combien de temps ?

Chaque jour, le même spectacle s’offre à nos yeux à travers la planète : francs-tireurs qui prennent leurs semblables pour des lapins égarés ; prises d’otages ; agressions caractérisées ; occupations forcées de bâtiments, de terres, de villes, de territoires, etc. Des plus puissants aux plus petits, des plus décriés aux plus adulés, de plus en plus de pays semblent s’inspirer d’exemples dont l’opinion a pourtant dénoncé la non pertinence : les opérations "Tempête du désert" (Koweït), Guantanamo, la Palestine, le Liban, l’Irak, le Pakistan, l’Afghanistan, la Bosnie, la Somalie, la Tchétchénie, etc.

Certes, dans le récent cas des infirmières bulgares de Benghazi, il est encore difficile de distinguer le vrai du faux dans les accusations. Mais, à y réfléchir, on se dit bien vite : "C’est de bonne guerre." En raison même des tensions récurrentes auxquelles nous ont habitués Libyens et Occidentaux. Directement, par pays ou par personnes interposées ou non. Fort heureusement, les otages ont été libérés et aussitôt graciés une fois de retour en Bulgarie. Mais ne subiront-elles pas des séquelles après ces huit années passées en prison ? Qui a pu réellement se servir de qui, de quoi, quand, comment et pourquoi ? Mais surtout, combien seront-ils encore à vouloir servir ailleurs la cause humaine ?

Pour l’heure, la Libye semble savourer sa victoire. Personne ne paraît s’inquiéter d’une quelconque dégradation d’image, d’une perte de crédibilité après ce qui s’apparente à une prise d’otages sur fond de chantage. Reste que le pays du colonel libyen a constamment été harcelé par les Occidentaux. On oublie bien vite que ses résidences ont été bombardées, son enfant adoptif tué à cette occasion, que l’un de ses proches, qualifié d’agent terroriste, a été écroué en Europe suite à l’explosion d’un avion. On se rappelle que la Libye a dû débourser des sommes colossales pour se faire réadmettre dans le concert des nations.

Toutefois, du chemin reste à parcourir, que les accords récents vont baliser. Des doutes sont permis, les signatures ayant été obtenues dans des conditions non orthodoxes, sous pression. Mais la balle est surtout dans le camp de l’Union européenne qui promet de relancer prochainement sa coopération avec la Libye. Parce que l’Europe a besoin de la Libye pour contrer la vague des immigrants illégaux.

La France, elle, rayonne aujourd’hui pour avoir su prendre les devants. En dépêchant son épouse Cécilia et l’un de ses bras droits, le secrétaire général de l’Elysée, le président Sarkozy a incontestablement marqué des points. C’est le grand retour de la France sur l’échiquier international. Cette implication s’explique par les bonnes relations que celle-ci a su tisser avec la Libye à des moments difficiles avec l’Occident. Des dividendes, le gouvernement français en tirera surtout à un moment où le président Sarkozy tente d’asseoir son ambitieuse politique de regroupement et de développement des pays bordant la Méditerranée. En outre, les Bulgares n’oublieront pas de sitôt ce coup de main, eux qui sont ardemment courtisés par la grande famille de la Francophonie.

Une nouvelle fois, Khaddafi sort gagnant du combat. Au plan national, le guide voit se renforcer son autorité. Tout au long du dossier, on a peu fait cas des opposants, de leur appréciation du dossier. Par contre, beaucoup d’attention a été accordé aux proches du colonel, dont ses fils.

Les Libyens sont parvenus à faire passer le message consistant à faire endosser à des étrangers la responsabilité de la présence et de la propagation du VIH-Sida chez eux. Le dossier a été suffisamment bien monté pour occulter les éventuelles défaillances du système national de santé.

En parvenant à tenir tête aux Occidentaux durant huit longues années, Khadaffi confirme auprès des masses arabes sa crédibilité de leader et de justicier intrépide. Usant de l’arme bien connue de la carotte et du bâton, il aura su tantôt aiguiser l’appétit des Occidentaux vis-à-vis des riches gisements de pétrole qui innervent le sous-sol libyen, tantôt brandir le dossier des infirmières pour parvenir à ses fins. Les Libyens se sont encore révélés fins diplomates. Ayant une bonne connaissance de l’autre, ils ont fait la preuve de leur capacité à négocier, à défendre leurs intérêts face à des Occidentaux qui aiment à donner la leçon aux autres, mais qui ne reculent devant rien pour satisfaire des intérêts égoïstes.

Le chantage, arme des faibles ? Tripoli l’a bien compris, qui était en quête de monnaie d’échange à l’image de l’Iran, de la Corée du Nord, lesquels usent régulièrement du péril nucléaire pour contraindre les puissants de la planète à cesser de les harceler et à considérer leurs problèmes. Plus près de nous, maquisards nigérians, combattants touaregs usent du même stratagème : enlèvements de personnalités ou de ressortissants étrangers permettent toujours d’atteindre des objectifs insoupçonnés.

Ces faits montrent que la morale agonise sur la planète.

La page est peut-être tournée pour le dossier des infirmières bulgares. Mais pour le grand livre de l’humanité, c’est un nouveau chapitre qui s’ouvre. Saurons-nous, en ce début du troisième millénaire, faire réellement de l’humain l’objet central de nos préoccupations ? Le défi est là, qui s’impose à nous. A chacun d’y réfléchir.

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 25 juillet 2007 à 11:18, par Gorba En réponse à : > Libération des infirmières bulgares : La diplomatie internationale en panne d’éthique

    Avez-vous tous constaté comment les européens sont hypocrites ? A peine descendu de l’avion que ces gens ont bénéficié d’une grâce alors qu’ils étaient des condamnés à mort en Afrique.

    Le sens de celà, c’est que un jugement rendu en Afrique n’a pas de valeur en Europe, mais un jugement rendu en Europe a une grande valeur en Afrique. Ne voilà-t-il pas qu’on préfère juger les anciens chef d’Etat africain en Europe ? Qui a déjà entendu qu’un simple DG d’une société européenne a été jugé en Afrique ? Toujours on dit expulsé, persona non grata, etc. Et le problème judiciaire de Bolloré au Togo, au Cameroun, où en est la suite ? Il est temps que nous tapons des poings sur la table, quitte à tout renverser !!!!!

    • Le 25 juillet 2007 à 13:46 En réponse à : > Libération des infirmières bulgares : La diplomatie internationale en panne d’éthique

      Oh oui nous sommes dans un monde en agonie !la justice est rendue en tenant compte des intérêts des plus riches et des puissants.Il n ’y a plus de crainte de Dieu. seul l’argent compte. et portant l’amour de l’argent est la racine de tous les maux. Dieu sonde les coeurs et rendra à chacun selon ses actes (en bien ou en mal). c’est un fait certain:l’orgueil précède la chute. L’amiral

    • Le 4 octobre 2007 à 12:24, par caillou En réponse à : > Libération des infirmières bulgares : La diplomatie internationale en panne d’éthique

      d’accord avec gorba de façon.. générale, mais pas sur le cas précis des infirmières bulgares.
      que vaut un jugement rendu dans une dictature ?
      et accusation cyniquement établie pour faire pression, négocier et obtenir de l’argent, des centrales nucléaires...
      le débat n’est pas là, mais dans l’utilisation que sarkozy a fait de cet évenement, de sa femme, la façon dont il occulte, et les médias, honteusement, avec lui, le rôle prépondérant des associations, et des autres diplomaties européennes...

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