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Gouvernance nationale : L’ancrage de l’absentéisme, de l’affairisme et de la corruption

Publié le vendredi 20 juillet 2007 à 08h04min

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Le président du Comité national d’éthique

Suite à la remise de ses rapports 2004, 2005-2006 au Premier ministre, Tertius Zongo, le 13 juillet dernier, le Comité national d’éthique a animé mercredi 18 juillet 2007, une conférence de presse à Ouagadougou.

L’institution a mis à nu de multiples « dysfonctionnements » et « dérives » de la société burkinabè. Elle a formulé des recommandations pour rectifier le tir.

« C’est peut-être vrai ou faux que la morale agonise au Burkina Faso, mais moi, je me réfère à nos rapports ». Cette réponse à une question apparemment embarrassante au président du Comité national d’éthique, le Ouidi Naaba, le 18 juillet 2007 à Ouagadougou, indique les inquiétudes de cette institution sur l’éthique au Burkina Faso. En se référant justement aux deux derniers rapports du Comité national d’éthique (CNE), à savoir ceux de 2004 et de 2005-2006, objets de la conférence de presse, l’état des lieux de la morale au pays des Hommes intègres n’est pas reluisant.

Ainsi dans le rapport 2004 du CNE, « l’on constate encore que les partis politiques, dans leur ensemble, manquent de déontologie, de programmes conséquents et consistants (...) certains même manquent parfois de discernement dans l’analyse des dossiers ». Ce rapport portant sur l’éthique et la politique au Burkina relève chez les hommes politiques, « l’absence d’humilité pour certains, frisant l’arrogance, la primauté de la recherche du profit par rapport à la défense des idéaux du parti. « Les manipulations des populations, les manœuvres de division, le nomadisme, l’inconstance et l’inconséquence des dirigeants des partis politiques aboutissant parfois à des alliances, contre-nature », ont également été stigmatisés.

« L’inexistence d’une culture du mérite »

Que faire pour sauver l’essentiel et ramener la morale dans l’administration burkinabè ? A cette question, le Ouidi Naaba, avec une mine de dédain, a rappelé : « Nous avons demandé que chaque fonctionnaire reçoive un code d’éthique au moment de son engagement dans la fonction publique. Il y a des fonctionnaires qui n’ont aucun repère après leur recrutement et font ce qu’ils veulent à leur poste ».

Et le président du Comité national d’éthique de révéler que l’administration burkinabè reste toujours marquée par la politisation, l’absence de professionalisme (absentéisme, laxisme, affairisme, corruption), l’inexistence d’une culture du mérite (nomination et distinctions honorifiques de complaisance).
Aussi, le rapport 2004 du CNE met à nu la mauvaise gouvernance et la non-application des lois et règlements existants, ce qui aboutit à la culture de l’impunité au sein de l’administration. Pour ce qui est de la Justice burkinabè, le CNE dénonce « la faiblesse de la discipline au sein du corps, la lenteur dans le traitement des dossiers et la non-résolution des dossiers pendants ».

Selon le Comité national d’éthique, le non-respect de la neutralité par l’administration, la corruption et l’impunité ont fini par rendre un grand nombre de Burkinabè sceptiques sur les vertus de la démocratie, de l’Etat de droit et de la séparation des pouvoirs. Ainsi, poursuit le comité, « les structures essentielles comme l’administration générale et la justice sont décrédibilisées et apparaissent si partisanes qu’il existe aujourd’hui une tendance au rejet systématique de leurs décisions ».

Quant aux autorités coutumières et religieuses, le CNE estime que, considérées comme forces sociales, elles contribuent à une vie politique nationale saine, si elles savent garder leur place de personnes-ressources, de personnes garantes de la justice, de l’intégrité, de la cohésion, de personnes qui incarnent les valeurs morales et spirituelles. « Tel n’est pas toujours le cas, ce qui entraîne des crises graves au sein de la société », déplore le Comité national d’éthique.

L’incivisme persiste en 2005-2006

Le rapport 2005-2006 du Comité national d’éthique fait un bilan de ses actions et fait l’état des lieux de l’éthique au Burkina. Dans ce rapport, le comité relève toujours de multiples insuffisances dans la société burkinabè. Au plan politique, le CNE souligne le recul du dialogue politique national, la corruption électorale, les fausses promesses et le nomadisme politique. Dans l’administration, le CNE dénonce le non-respect de la hiérarchie, les nominations ou affectations de complaisance, la tricherie pour accéder à des écoles professionnelles et l’absentéisme dans les services.

L’indiscipline et les descentes musclées des forces de défense et de sécurité dans certains lieux publics et les affrontements entre elles-mêmes a été décrié pour ce qui concerne les forces armées et de sécurité. A propos de la religion et des coutumes, le rapport 2004-2006 du CNE mentionne la forte politisation de la chefferie coutumière, la tendance des autorités coutumières à sortir de leur rôle et la prolifération des sectes et associations religieuses aux prosélytismes agressifs.

Nombre de griefs sont également formulés dans les domaines des médias, de la santé, de l’éducation et de la justice. En dépit de cette situation, le président du Comité national d’éthique a rassuré les journalistes qu’il y a des motifs de satisfaction. En effet, selon le Ouidi Naaba, à l’issue de leur mandat (5 ans), lui et ses huit collègues sentent qu’il y a une prise de conscience de l’éthique au
Burkina.

Réduire le nombre des partis politiques

Au regard de la situation difficile dans laquelle se trouve l’éthique au Burkina Faso, le Comité a formulé des recommandations pour sauver la morale. Ainsi, il suggère à l’Assemblée nationale de mener une réflexion en vue de réduire le nombre des partis politiques en se fondant sur leur représentativité réelle, leur assise nationale et leurs projets de société.

Le CNE recommande également l’élaboration d’un code de bonne conduite de l’homme politique, l’élaboration d’un statut des autorités coutumières et religieuses en vue de leur prise en compte.

L’institution a aussi revendiqué l’élaboration par les opérateurs économiques, d’un code de bonne conduite dans les divers secteurs de leurs activités.

En somme, pour contribuer à la moralisation de la vie publique et à la transformation de l’accalmie que connaît le Burkina Faso en paix sociale durable, le CNE souhaite l’éducation permanente pour l’éveil de la conscience citoyenne, la culture du civisme, l’introduction des questions d’éthique dans les programmes de formation et la promotion de la culture du respect de la personne humaine et des biens, du bien commun et de la chose publique.

La conférence de presse s’est tenue en présence des présidents d’autres institutions comme ceux de la Cour des comptes, Boureima Nébié et de la Haute autorité de la lutte contre la corruption, Malobaly Alphonse Traoré.

Ali TRAORE


Beaux rapports attendent application...

La Haute autorité de lutte contre la corruption, la Cour des comptes , l’Inspection générale d’Etat, le Comité national d’éthique (...), que d’institutions qui fonctionnent au Burkina Faso et produisent tant bien que mal, des rapports sur divers domaines et pans de la société ! L’on assiste régulièrement à la remise de ces rapports aux autorités compétentes en vue de les informer sur l’évolution de la société.

Des suggestions et recommandations sont faites afin de rectifier ce qui peut l’être. Malheureusement, en dehors des rapports comme ceux du Comité national d’éthique, de la Cour des comptes, du Médiateur du Faso (...) apparemment moins sensibles qui sont accessibles, les autres sont confidentiels.

Impossible donc de savoir ce que contiennent les rapports de l’Inspection générale d’Etat, les audits et autres enquêtes parlementaires, les rapports sur la corruption et autres détournements. Rien d’étonnant donc si au fil des années, la situation de la morale semble se dégrader au Faso, si la corruption semble gagner du terrain, si la morale, dit-on, agonise et l’impunité encouragée. Ne serait-ce pas intéressant de divulguer le contenu des différents rapports et enquêtes afin de corriger les défaillances ?

N’est-ce pas ce qui a amené le Comité national d’éthique à demander « de publier les rapports de l’Inspection générale d’Etat, des audits et autres enquêtes parlementaires et l’application des sanctions et des règlements prévus » ? En tous les cas, si nous voulons encourager les présidents de ces institutions qui s’échinent à produire des rapports en prenant des risques, il serait plus utile de travailler à les appliquer et à prendre des mesures allant dans le sens de leurs recommandations afin de sauver ce qui peut encore l’être.

A.T.


Les missions du Comité national d’éthique

Observatoire de la société burkinabè, le Comité national d’éthique est chargé de veiller à la sauvegarde des valeurs laïques et républicaines.

Il a aussi pour mission, de proposer et suggérer toutes mesures tendant à la préservation du civisme et à la moralisation de la vie publique et sociale et d’aider à édicter les codes pertinents de bonne conduite.

Enfin, l’institution ambitionne de contribuer à transformer l’accalmie sociale que connaît le Burkina Faso en paix sociale durable en vue de consolider la cohésion nationale retrouvée. Il est composé de neuf membres venant l’horizons et de domaines divers de la société burkinabè.
A.T.

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 20 juillet 2007 à 10:34, par Modibo TRAORE En réponse à : > Gouvernance nationale : L’ancrage de l’absentéisme, de l’affairisme et de la corruption

    Depuis un certain temps ce comité fait un assez bon travail, mais il se pose toujours la question de la mise en oeuvre des recommandations formulées. Pourquoi ne pas mettre en place un mécanisme de suivi des recommandations ? Je pense que ce comité gagnerait à se rendre plus visible et ne pas attendre la publication d’un rapport pour ameuter la presse. Le RENLAC fait un travail assez intéressant sur la lutte contre la corruption, peut être qu’il y a lieu que ces deux instituions collaborent mieux. Travaillant à l’étranger je sais combien l’intégrité du burkinabè est appréciée à sa juste valeur, donc oeuvrons tous à maintenir le cap.

    • Le 20 juillet 2007 à 10:57, par Lefaso.net En réponse à : > Gouvernance nationale : L’ancrage de l’absentéisme, de l’affairisme et de la corruption

      Je trouve un peu malsain de toujours tout ramener au sommet. Il ne faut pas excuser les fautes des petits délinquants aujourd’hui au motif que l’exemple vient d’en haut. Au contraire, ce sont les petits irresponsables d’aujourd’hui qui deviennent les grands irresponsables de demain. Le proverbe dit bien "qui vole un oeuf volera un boeuf".

      C’est chacun à son niveau le plus petit qui doit se demander ce qu’il fait pour prserver la morale, l’ordre, le bien public. Si votre enfant est en infraction pour avoir "brûlé" un feu de signalisation et qu’au lieu de payer la contravention vous passer par un parent ou un ami pour récupérer sa motocylette, sachez que c’est comme ça que commence l’incivisme.

      Que chacun se deamnde combien de fois il a usé de faveurs, de passe-droit, d’impunité et l’on se rendra compte comment la morale est "entamée" à la base avant d’être assommée par le sommet !!!

      • Le 20 juillet 2007 à 15:45, par KgB En réponse à : > Gouvernance nationale : L’ancrage de l’absentéisme, de l’affairisme et de la corruption

        Non, celui qui est au gouvernement a beaucoup plus de responsabilite que tout le monde. C’est pourquoi on accuse toujours le sommet : que ce soit dans le crash du Jola (au Senegal) ou dans l’incendie de Rood Woko, c’est la faillite des gouvernants qui ont ignore les regles de securite (C’est ridicule d’entendre des responsables de la mairie de Ouaga dire qu’ils ont tout fait en vain et que les commercants n’ont pas voulu ecouter). Il est inutile d’accuser les populations lorque l’autorite publique ne veille pas a l’application stricte des regles communes. C’est triste d’entendre parler uniquement de sensibilisation quant il s’agit de medicaments de la rue, de la corruption...

        On a beaucoup de cas d’individus qui, voulant bien faire leur travail ( selon la loi), ont ete tout simplement dessaisis du dossier par la hierarchie, par le sommet. Si le sommet est propre, rigoureux, on aura moins de probleme a corriger les individus.

        Biensur que tout le monde est responsable, mais il y en a qui sont plus responsables que d’autres. Le gouvernement (donc le sommet) est le premier responsable. C’est eux (les dirigeants) qui sont en charge de la direction du pays, de montrer le bon exemple ( comme un pere a la maison),et plus important de faire appliquer la loi pour decourager tout le monde de violer les regles de la communaute. Apres l’incendie de Rood Woko, j’ai ete surpris de voir les gens expliquer comment c’etait la faute des commercants. Ce marche construit par le gouvernement, a des regles de fonctionnement. Mais malheureusement on a voulu nous faire croire que les commercants etaient libres d’installer la pagaille et que l’autorite publique n’avait pu les

  • Le 21 juillet 2007 à 18:39 En réponse à : > Gouvernance nationale : L’ancrage de l’absentéisme, de l’affairisme et de la corruption

    Ce serait difficile que de bonnes propositions de concernant les questions politiques viennent de l’Assemblée Nationale. C’est trop douloureux de voir de vieilles et honorables personnes faire autant de travail qui va servir à orner les armoires. Je pense que si ce n’est à cause de la peur des réactions cette structure aurait été supprimée depuis.

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