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Information : Le viol du public

Publié le jeudi 19 juillet 2007 à 07h35min

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Le journaliste burkinabé ; en général, semble ne plus être capable de choisir son information. Le public aussi. Ce sont des fabricateurs d’informations qui mènent tout le monde en bateau. Comme les journalistes américains, ils sont noyés dans la pression financière mais aussi institutionnelle.

Le Centre culturel Américain a organisé une conférence le 21 juin dernier autour d’une œuvre consacrée au domaine des journalistes : « Principe du journalisme ; ce que les journalistes doivent savoir, ce que le public doit exiger ». Les auteurs de cet ouvrage s’appellent Bill Kovach et Tom Rosenstiel. Ils partent d’un constat : aux Etats Unis, comme le dit un des intervenants dans le livre, « nous sommes totalement soumis à la pression commerciale et aux impératifs de rentabilité financière ». Il s’en suit que le métier de journaliste, celui de porter l’information aux citoyens constitue une menace pour la démocratie.

Or, dans les principes, le journalisme- on ne cessera de le dire- est le souffle de la démocratie. Si donc, ce souffle venait à se couper, il ne restera qu’à acheter un cercueil pour dame démocratie.

En lisant entre les lignes et faisant un discernement honnête, le journalisme ou du moins une certaine pratique du journalisme est aussi, sinon plus dangereuse pour la démocratie que la dictature, les fraudes et les révisions constitutionnelles au moment des élections. Il y a de ce point de vue, une nécessité à porter un regard critique de la pratique journalistique dans notre pays quand bien même l’habitude de refuser la critique se collerait aux hommes de médias.

En passant en revue la presse nationale, qu’elle soit écrite ou audiovisuelle, la remarque première est que l’information journalistique se noie dans le vaste océan de la communication. Cette crise de notre profession n’est d’ailleurs pas l’apanage de la presse burkinabé.
En ce qui concerne, les journalistes burkinabé, le premier reproche qu’on leur fait : C’est d’être en général porté vers les séminaires, les colloques, les ateliers...
Loin de nous l’idée de jeter l’anathème sur ces manifestations. Il demeure néanmoins une question de fond. Le citoyen a-t-il besoin de ces informations distillées dans les colonnes et antennes ?

Oui, peut-être ! Mais dans un pays où se posent de véritables problèmes de pauvreté, de mal être, de mal gouvernance, il y a de quoi s’interroger sur l’utilité de ces ateliers et colloques.

Le journaliste burkinabé ; en général, semble ne plus être capable de choisir son information. Le public aussi. Ce sont des fabricateurs d’informations qui mènent tout le monde en bateau. Comme les journalistes américains, ils sont noyés dans la pression financière mais aussi institutionnelle.

Sur le terrain du reportage, on demandera au journaliste d’interviewer telle personnalité dont les propos ne constituent que du remplissage pour un journal télé, radio ou écrit. Dans certaines stations télé ou radio, un haut responsable peut interpeller par téléphone, un journaliste qui n’a extrait qu’une minute de son intervention pour passer au journal. Pour lui, pourquoi ne pas lui consacrer cinq minutes ou plus !

Dans cette situation, le journaliste, le financier et l’homme politique causent du tort au public. Quand on a les moyens financiers, quand on a le pouvoir politique, on peut se faire filmer par une caméra de télévision, photographier par les gens de la presse écrite, enregistrer par la radio. Tous les citoyens regarderont, liront, écouteront, même si en réalité, ce verbiage n’apporte rien à leur vécu quotidien, ou n’attire l’attention sur leur sort.

La responsabilité des journalistes est grandement engagée car, ils se font complices d’un système qui détruit la démocratie dont ils sont censés être la sentinelle.

Outre cette complicité nocive, il y a que le financier et l’homme politique, apprennent à se moquer du journaliste ou à le ridiculiser. Pour ces derniers, il suffit de lui donner des billets craquants pour qu’il suive malheureusement comme un mouton. Car dans ce milieu journalistique, il y en a qui ne disent pas le contraire. Lorsqu’une institution, une entreprise, une association organisent une rencontre et invitent les journalistes, si elles ne prévoient pas « leur part » de « gombo », leur plume ou leur micro risquent d’être stériles.

D’aucuns diront que les conditions de vie sont difficiles pour les Burkinabé et que par conséquent, les journalistes sont portés à accepter les avances qui leur sont faites. Mais peut-on invoquer cet argumentaire en dévoyant les missions de service public, de défenseur de la démocratie, de chien de garde assignées au journaliste ?
Il y a manifestement un choix à faire quant à la nature et au rôle qu’on veut attribuer à la presse. Et ce choix ,seuls les journalistes doivent le faire et le faire admettre par tous. Il y va de la crédibilité de leur profession et de la sauvegarde de la démocratie.

Bendré

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Vos commentaires

  • Le 20 juillet 2007 à 19:11, par internaute anonyme En réponse à : > Information : Le viol du public

    Belle analyse des conditions d’exercice du journalisme en général, et du journalisme dans les pays pauvres en particulier ! Votre article pose ainsi le problème du rapport ( de force, cela s’entend ! ) du journalisme au nerf de toute guerre, j’ai nommé : L’ARGENT ! Autrement dit, est-il, de nos jours, face au pouvoir grandissant de l’argent, possible d’exercer le journalisme en toute indépendence, selon les règles déontologiques de cette profession ? Le journalisme n’est-il pas en train de devenir dans ces conditions le pantin du pouvoir financier ? Si non, jusqu’à quand le journalisme pourra-t-il résister aux assauts de l’argent-roi ? Bien malin, celui qui pourra répondre à toutes ces interrogations ! Pour ma part, je pense que seul le journaliste par vocation réelle - et non celui qui a embrassé cette profession par appât du gain ou pour tous motifs autres que l’appel de la vocation - peut, quelle que soit la précarité de ses conditions de vie et de travail, résister à l’influence incidieuse et néfaste de l’argent ! Ce genre de journalistes existent certes, mais c’est une espèce de plus en plus rare qu’elle est, pour ainsi dire, en voie de disparition ! D’où viendra alors le salut de cette noble profession ? C’est à cette question que nous nous devons tous de trouver une réponse. Merci de votre attention.

  • Le 23 juillet 2007 à 00:55, par KgB En réponse à : > Information : Le viol du public

    C’est la catastrophe. Pourtant dans tous nos medias, vous avez de tres grands journalistes qui peuvent tenir dans n’importe quel media du monde. Malheureusement au fil des ans, beaucoup ont ete demotives par les bas salaires, le manque de moyens et surtout par la politisation a outrance de nos redactions. Il n’est plus rare de trouver dans chaque Redaction quelqu’un pret a aller raconter au siege du CDP, la position des uns et des autres. Dans un tel climat, les vrais professionnels n’ont plus la cote et preferent laisser la place. Avec une telle situation on ne peut que tomber de tres haut.

    Le ver est sans doute deja dans le fruit. Pour ce qui est du Burkina, le probleme n’est pas de couvrir les seminaires. Le probleme reside dans la facon de Selectionner, de Traiter et de Diffuser l’information ( en fait c’est ca la definition meme du journalisme) et si on regarde bien le travail des uns et des autres, on saura que beaucoup ne font plus du journalisme. Tous les medias du monde ( de CNN a France2) traitent de seminaires a longueur de journee. Mais si la facon d’en parler dans nos medias, semble plus degoutant, c’est bien parce que beaucoup de nos journalistes ne savent meme pas ce que c’est que l’INFORMATION. S’ils le savaient ils ne repeteraient pas les memes choses tous les jours, tous les ans, tout le temps du genre :

    " Cloture dans la salle Kanti Zoebre de Ouaga 2000 de la 15eme session des inspecteurs generaux des budgets locaux. Pendant 6 jours 84 participants venus des 45 provinces du Burkina ont debattu... Dans don discours preleminaire, ...".

    Je vous le jure. Le jour de Noel ou de Tabaski, ecoutez la radio nationale et vous entendrez a peu pres ceci " Les Musulmans (ou Chretiens) du Burkina Faso a l’instar de leurs homologues du monde entier ont celebre aujourd’hui l’Ahir el Kebir. Chez nous la fete a eu lieu a la place de la Revolution en presence des membres du Gouvernement...bla bla bla...C’est l’Imam X de la mosquee Centrale...qui a dirige la priere". Meme un eleve qui sort du C.E. pourrait pratiquer "ce journalisme" a merveilles.

    On peut diminuer les effets de la corruption des journalistes par de vraies formations ( je ne parle pas du CFPI) mais aussi en ayant une hierarchie solide et responsable qui veille sur le travail de chacun. Si un reporter revient a la redaction avec une histoire desequilibree, on peut lui demander de reprendre le papier en y incluant de nouvelles sources que la hierarchie trouve plus credibles. Dans ce cas le journaliste sait que meme s’il prend l’argent dehors, ca ne compte pas vraiment puisqu’il ya d’autres personnes plus averties qui vont scruter son travail et qui ont le dernier mot. C’est a dire que pour corrompre la presse, il ne suffira plus de corrompre un Reporter, mais il faudra desormais pousser plus loin et arriver corrompre aussi bien toute la hierarchie ( chef de Desk, Redacteur en chef, Directeur des Redactions, Directeur general...).

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