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Repression des opposants en Afrique : L’Ethiopie réinvente la perpétuité

Publié le mercredi 18 juillet 2007 à 06h55min

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Si la répression systématique des opposants fait partie des règles d’or dans certains pays africains, il faut reconnaître que rarement, de mémoire d’Africains, celle-ci n’avait atteint le seuil franchi en Ethiopie ces derniers temps.

35 opposants et des journalistes indésirables condamnés à la prison à perpétuité, voilà la prouesse que vient de réaliser la coalition au pouvoir à Addis-Abeba. Ainsi, jour après jour, ce sont des pages hideuses de la politique qui se succèdent en Afrique. A peine se remettait-on de cette troublante "affaire de la maîtresse du président" au Mali, que le pays qui abrite le siège de l’Union africaine s’illustre tristement à travers ce dégoûtant registre de la négation et du bafouement des libertés politiques.

Pour une tragédie, cette condamnation en est vraiment une, surtout si l’on considère le nombre des prévenus et la gravité de la peine infligée. "A quand l’Afrique ?" Le Professeur Ki-Zerbo ne croyait pas si bien s’interroger, lui qui s’indignait face à l’incurie de certains gouvernants africains, toujours prompts à recourir à l’arme de la répression et à la banalisation de la vie humaine pour pérenniser leur règne. En mettant sous les verrous 35 empêcheurs de régner en despote, le régime éthiopien peut se frotter les mains. Il a désormais le champ libre pour gouverner à sa guise, sans la moindre crainte d’être dérangé ni contrarié.

Mais est-ce la bonne solution ? Certainement pas. Cette condamnation, à y voir de près, résonne plutôt comme une fuite en avant qui laisse des problèmes structurels en souffrance, des défaillances graves qui rejailliront tôt ou tard sous des formes encore plus complexes et difficilement maîtrisables. Or, pour peu que ce régime ait le courage de regarder la réalité en face, il donnera de bonnes réponses aux différents problèmes posés, qui seront plus profitables à tous les Ethiopiens.

C’est donc un précédent grave qui n’épargne guère le pays de lendemains de soubresauts, les rancoeurs ne pouvant que s’accentuer et se renforcer. C’est souvent en Afrique qu’on peut assister à un aussi désolant spectacle en matière de gouvernance politique. Et le plus regrettable, c’est qu’il s’agit de l’Ethiopie ; un pays censé incarner l’idéal démocratique et l’unité du continent. Ce pays qui abrite le siège de l’Union, devait donner l’exemple et indiquer la voie à suivre. En se dérobant à cette mission de haute exigence citoyenne et en s’engageant dans la voie des turpitudes, l’Ethiopie a failli et cela est très dommageable non seulement pour elle-même, mais aussi pour le continent tout entier.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que cette décision de justice est anachronique. Et comme toujours, peu de voix s’élèvent de l’intérieur du continent pour la dénoncer. Il n’y a eu que quelques timides réactions d’organisations de défense des droits de l’homme et des Etats-Unis. Ce pays est un allié historique du régime éthiopien ; on peut donc aisément imaginer qu’il n’ira pas plus loin dans les condamnations.

Pour des manifestations populaires suite à des élections contestées, condamner des opposants à des peines aussi lourdes après les avoir accusés de "complot contre la Constitution", est très grave. Et le procureur qui a poussé l’outrecuidance jusqu’à requérir la peine de mort pour ces prisonniers de conscience qui n’ont eu pour seul péché que leur différence d’opinion, devrait avoir honte de son serment. Face à d’aussi graves manquements, l’accord de siège de l’Union africaine aurait pu être remis en cause par les dirigeants africains.

Les reliques de ce régime issu d’un groupe rebelle ayant combattu la junte militaire du Derg persistent. Il n’a visiblement pas réussi sa mue pour devenir un régime démocratique soucieux de la protection des droits élémentaires des citoyens. Que demandent, en fait, les citoyens africains ? Des élections transparentes et régulières, une justice indépendante et une juste répartition des richesses du pays. Rien de plus. Et c’est cela que nombre de dirigeants sur le continent ne réussissent pas à réaliser. Quand ils échouent et n’ont plus rien à proposer à leurs concitoyens, ils deviennent très frileux et hostiles à toute critique.

L’embastillement des opposants devient la solution ultime à laquelle ils s’accrochent. Ce type d’image, on ne le dira jamais assez, n’honore pas l’Afrique et il est sans doute temps que cela change. Un nouveau vent doit souffler sur le continent. Pour ce faire, il faut absolument civiliser le débat politique. L’action politique doit sortir de l’animalité dans laquelle certains politiciens tentent de la maintenir pour revêtir un visage humain.

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 19 juillet 2007 à 17:04 En réponse à : > Repression des opposants en Afrique : L’Ethiopie réinvente la perpétuité

    Chers amis,
    Ma réaction à cet article est un étonnement sans parler de tristesse qu’envahit mon cœur africain.
    Mon étonnement est du à votre totale ignorance de l’Ethiopie.
    En effet, si vous connaissez l’Ethiopie, vous n’auriez pas écrit cet article de cette façon.
    Depuis Menelik, le pays était dirigé par l’ethinie Amhara : l’éthinie de Menelik, d’Haile selasié et de Mengistu.
    Depuis 1991, le pays est dirigé par Meles qui est Tigréen. Voilà, le seul tore de Meles est de ne pas être Amahara.
    Tous les dirigeants de l’opposition, sont Amhara et chrétiens. Avez-vous vu un seul musulman parmi eux ? Non, ce parti politique est une sorte de Front Libération du peuple Amhara.
    99% des musulmans d’Éthiopie (45 à 55% de la population) sont favorables au gouvernement de Meles.
    En mai 2005, il est impossible pour eux de gagner l’élection. Pour eux, l’élection qui s’est déroulée de façon satisfaisante, était une occasion pour faire chasser les Tigréens d’Addis pour s’accaparer du pouvoir, mais mauvais calcul.
    Les journalistes arrêtés et condamnés sont des Amharas extremistes. Avez-vou lu ce qu’ils écrivaiez ?? C’était la Radio des milles collines !!
    La plupart sont les anciens favorisés du régime de Mengistu. Par miracle, ils se sont transformés en vrais démocrates. Le vrai problème de Meles, c’est un manque de communication. Ceux qui crient au dictateur à l’étranger sont des Amahars bien organisés et déterminés à reprendre le pouvoir. Croyez moi, la majorité de la diaspora éthiopienne est occupé à chercher sa croûte. D’ailleur, elle ne les soutien pas. Mais il est temps qu’elle s’organise car à travers Meles, c’est l’image même du pays qui est en train d’être détruite.
    L’Éthiopie est un pays où les gens sont libres, où le taux de la criminalité est le plus bas de l’Afrique. Un pays, en apprentissage des règles démocratiques. Après tout, la vraie démocratie n’existe nulle part. En France, les français sont appelés à voter une fois chaque 5 ans et le reste du temps ils n’existent même pas pour la classe dirigeante. C’est ça la démocratie ???
    En Éthiopie, la liberté d’aller et de venir est respectée. Moi qui ai connu l’époque de Mengistu, pour aller dans la région de mes parents, il fallait demander une autorisation d’aller ( un laissez-passer) au commissariat de notre quartier. Aujourd’hui ça n’existe pas. Vous voyez tout s’améliore petit à petit.
    Quand j’entends « Meles est un dictateur », je suis révolté. Tout simplement, parce que de part sa croyance et sa conviction, cet homme ne peut pas être un dictateur.
    Tous les condamnés ne sont pas des prisonniers politiques. C’est un fait divers.
    La démocratie doit savoir se défendre !!!
    Enfin la tristesse, parce que Lefasso, un journal Africain devait connaître la réalité de l’Afrique. L’Afrique a besoin la paix et la stabilité. Le probleme que face l’Ethiopie, est un problème qui touche presque tous les pays Africains. Car la démocratie à l’occidentale ne peut pas marcher chez nous en Afrique, car la prise du pouvoir pour les différentes ethnies est devenue une question d’existence. Ce que l’on voit aujourd’hui en Ethiopie, est plus un problème ethnique que démocratique. Les extrémistes Amharas, pas tous les Amharas, ne tolèrent qu’eux même.
    Le plus dangereux dans tout ça, ce que ils savent se faire entendre en parlant de la démocratie.

    Merci Y...

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