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Outrage à chefs d’Etat africains : Un boulevard pour la répression

Publié le vendredi 13 juillet 2007 à 06h25min

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En Afrique où prospèrent les dictatures les plus dures et les plus longues, deux fléaux guettent les journalistes et les opposants. Il s’agit des accusations de délit de diffamation et de délit d’outrage à chef de l’État. Les médias du Mali en savent quelque chose.

Récemment, ils se sont battus dans le cadre de la célèbre affaire dite affaire de la "Maîtresse du président de la République" qui a pour origine un devoir de français donné par un professeur à des élèves d’un lycée de la capitale malienne. Le devoir qui a pour titre " La maîtresse du président de la République" a inspiré un journaliste du nom de Diarra du journal "Info matin" qui a publié le texte dans son journal. L’affaire s’est terminée devant le Tribunal correctionnel qui a condamné le professeur, le journaliste et tous ses confrères qui l’ont soutenu en publiant à leur tour le texte incriminé. Ils furent condamnés à des peines de prison et au paiement de lourdes amendes.

Aujourd’hui, un journaliste gabonais, Guy-Christian Mavioga, est dans le collimateur de la justice de son pays. Il a écrit et publié un éditorial titré " Les derniers temps de Bongo". Dans cet éditorial, l’auteur critique, dans des termes acerbes, le régime de Omar Bongo Odimba, à la tête du Gabon depuis quarante années. Il appelle les Gabonais à " barrer la route à tous ceux qui se moquent de nous". Il n’en fallait pas plus pour que Guy-Christian Mavioga soit interpellé et son organe "L’Espoir" suspendu par le Conseil national de la communication (CNC), l’équivalent gabonais de notre Conseil supérieur de la communication ( CSC). Les autorités l’accusent des délits d’"outrage au chef de l’État" et de "déclarations tendant à troubler la paix publique". Dèjà peu reluisante en termes d’équilibre financier, la situation des organes de presse est davantage fragilisée chaque jour par les répressions que les autorités ne cessent de faire pleuvoir sur ceux-ci.

On se rappelle qu’au Cameroun voisin, un autre journaliste avait été emprisonné et son journal interdit de parution parce qu’il avait "osé" parler de la maladie du président camerounais Paul Bya. Il a été accusé d’outrage au chef de l’État.

Le délit d’outrage ou d’offense au chef de l’Etat comme celui de la diffamation sont des pièges bien dissimulés qui sont autant de boulevards pour la répression des journalistes, et de dangers pour la liberté de la presse et celle d’expression. Les délits de diffamation et d’outrage au chef de l’Etat sont des sanctions qui planent sur les journalistes et leurs organes telles une épée de Damoclès. Le délit d’atteinte à la sécurité de l’Etat est de la même essence. Si en cas d’accusation de diffamation la victime apporte la preuve - même si cela est parfois contestable - des faits qui la diffament, l’accusation d’outrage à chef d’Etat est toujours floue. Elle gagnerait à être davantage clarifiée. Sinon, ce sont des portes ouvertes à l’arbitraire, à des accusations qu’on peut à tout moment brandir devant des journalistes peu accommodants avec des régimes.

Les procès pour diffamation et outrage au chef de l’État sont légion en Afrique francophone. La cause se trouve dans la nature des régimes politiques en place. Ici, on se trouve en face de pouvoirs personnalisés, voire dictatoriaux. On a affaire à des régimes où le chef de l’État est craint, vénéré, voire déifié. Il est un dieu, et un dieu est infaillible. On ne peut pas remettre en cause ce qu’il dit ou fait. Tout ce qui touche de près ou de loin au président, à sa famille, à son entourage immédiat, est tabou. On peut même dire qu’en parler, c’est violer un secret d’État. Toute personne, journaliste ou opposant politique, qui veut remettre en cause ces attributs divins, est à combattre.

C’est à ce moment qu’entrent en scène les bourreaux de la liberté de la presse et de la liberté d’expression. Et bonjour l’antidémocratisme ! Dans les Etats qui ont une vieille tradition démocratique, ces problèmes sont laissés aux porte-parole, qui organisent des conférences de presse pour les évacuer. Mais rarement, un responsable politique est allé jusqu’à envoyer un journaliste ou une publication devant un tribunal.

La majorité des procès intentés contre des journalistes pour délit d’outrage au chef de l’État le sont très souvent à l’initiative de collaborateurs zélés et de procureurs qui brûlent de montrer au chef de l’État qu’ils le défendent et se préoccupent de l’image de son régime. Tant que le zéle de ses collaborateurs sert ses intérêts, le chef de l’État se tait. Il arrive même qu’il encourage en sous-main des entreprises dont le but avoué est d’étouffer la presse indépendante.

S’il est vrai que les journalistes et les responsables d’organe doivent plus que jamais être vigilants sur ce qu’ils publient, s’ils doivent chaque jour prendre davantage conscience de leurs responsabilités sociales, il n’en demeure pas moins que les délits pour diffamation et pour outrage au chef de l’État ne doivent pas servir de prétexte pour mettre la liberté de la presse ni celle d’expression sous l’éteignoir.

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