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Afrique : Les villes, une chance pour les pauvres ?

Publié le vendredi 6 juillet 2007 à 08h47min

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En 2008, pour la première fois dans l’histoire de l’Humanité, plus de la moitié de la population du globe vivra en ville. Entre 2000 et 2030, la population urbaine de l’Afrique aura plus que doublé. Pas forcément une si mauvaise nouvelle, explique le Fonds des Nations unies pour la population dans un rapport rendu public ce mercredi 27 juin.

La tendance est irréversible. « Le monde est sur le point de tourner le dos à son passé rural », note le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) dans son dernier rapport rendu public ce mercredi 27 juin*. En 2008, pour la première fois dans l’histoire de l’Humanité, plus de la moitié de la population du globe, soit 3,3 milliards d’habitants, vivra en milieu urbain. En 2030, ce chiffre devrait avoisiner les 5 milliards.

D’ici une vingtaine d’années, les villes du monde en développement, grandes et petites, abriteront 81% de la population urbaine de la planète. Selon les projections, en 2030, les nouveaux conflits et catastrophes écologiques, actuels ou à venir, et la persistance voire l’aggravation de la pauvreté et des famines dans les campagnes porteront la population urbaine de l’Afrique à 742 millions contre 294 millions en 2000.

D’après l’ONU, d’ici à 2020, Kinshasa (environ 6 millions d’habitants en 2005), par exemple, devrait en compter près de 10 millions. Lagos, elle, verra sa population quasiment doubler (de quelque 10 à 20 millions d’habitants). Dans ces mégalopoles, les citadins risquent d’être de plus en plus mal lotis et mal logés... En Afrique subsaharienne, 72 % de la population urbaine (près de 200 millions d’habitants en 2005) vit dans des taudis. Une proportion qui a pratiquement doublé en 15 ans.

La croissance des « petites » villes

Le FNUAP n’hésite pas à aller à l’encontre de certaines idées reçues à commencer par l’explosion démographique, censée se produire principalement dans les très grandes villes : « La croissance urbaine aura lieu en majeure partie dans les petites villes (moins de 500 000 habitants, Ndlr) dont les capacités de planification et de mise en œuvre peuvent être des plus faibles ». A l’heure actuelle, les petites villes (voir encadré), en particulier celles de moins de 100 000 habitants, sont sous-desservies, notamment dans les domaines du logement, des transports, de l’eau courante et de l’élimination des déchets. A l’avenir, leurs capacités à attirer des activités économiques devraient cependant être renforcées par la décentralisation politique et administrative en cours.

Le rapport s’applique à montrer que l’urbanisation peut être une chance pour les plus pauvres. « A l’ère industrielle, aucun pays n’a connu de croissance économique significative sans urbanisation (...). Les villes offrent généralement aujourd’hui de plus grandes possibilités de réduction de la pauvreté que les zones rurales », rappelle-t-il. Les villes peuvent, par exemple, garantir à leur population un accès aux infrastructures et aux services de base à des coûts réduits. Globalement, les taux de pauvreté sont inférieurs en ville, si bien que l’exode rural contribue, contrairement à une autre idée reçue, à réduire le taux de pauvreté national.

Les décideurs ont malgré cela tenté jusqu’ici de retenir la population à la campagne et de réglementer l’utilisation de l’espace urbain, via des expulsions ou en privant les nouveaux arrivants, souvent « invisibles » aux yeux des administrations, des services essentiels (alimentation, eau, assainissement, etc.). Autant de stratégies « futiles, improductives et surtout répréhensibles, car portant atteinte aux droits des gens », explique le FNUAP, qui précise que « la croissance démographique est due actuellement pour la plupart à l’accroissement naturel (naissances plus nombreuses que les décès) et non pas à la migration ».

Les citadins pauvres, pour la plupart employés dans un secteur informel « largement compétitif, éminemment dynamique et bien intégré dans l’économie urbaine, voire mondiale », alimenteront à l’avenir « dans une grande mesure la croissance urbaine ». Dans de nombreuses villes africaines, ce secteur fournit déjà les deux tiers des emplois. C’est en particulier l’une des grandes sources de travail et de revenus pour les femmes pauvres.

Impliquer les plus pauvres

Les villes offrent en général aux femmes de « meilleures options d’éducation et des emplois plus divers que les campagnes. Elles leur donnent davantage de possibilités de participation à la vie sociale et politique, ainsi qu’un accès aux médias, à l’information et à la technologie », détaille le rapport. D’un point de vue démographique, l’urbanisation accélère la baisse de la fécondité en facilitant l’exercice des droits des femmes en matière de santé reproductive. En ville, elles sont plus facilement actrices du jeu communautaire et politique, ce qui améliore la fourniture des services essentiels pour l’ensemble de la collectivité.

Impliquer les plus pauvres permet aux pouvoirs publics de mieux cibler les besoins. En Afrique du Sud, la Fédération des sans-abri et le Dialogue populaire sur la terre et le logement, groupements communautaires qui rassemblent plus de 80 000 ménages, recueillent des données locales et mettent en place des systèmes d’épargne et de crédit, des mécanismes d’acquisition de logements et de terrains, ainsi que des programmes de génération de revenus au moyen d’activités de réseau et d’échanges.

Des initiatives de planification participatives à encourager et à développer, d’après le FNUAP. L’enjeu est important. « Les décisions prises aujourd’hui dans les villes de l’ensemble du monde en développement façonneront non seulement leur propre destinée, mais aussi l’avenir social et environnemental de l’humanité entière. Le millénaire urbain qui s’approche peut soit rendre la pauvreté, l’inégalité et la dégradation de l’environnement plus gérables, soit provoquer leur aggravation exponentielle », conclut le rapport.

Emmanuel de Solère Stintzy
(Syfia International

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 8 juillet 2007 à 00:29, par KgB En réponse à : > Afrique : Les villes, une chance pour les pauvres ?

    C’est quand meme surprenant que les villes tel qu’on les connait en Afrique ( je pense a Lagos, aux bidonvilles d’Abidjan, au Township d’Afrique du Sud...) puissent devenir une "chance". D’ou vient cette trouvaille ? En plus le mot chance semble inapproprie ( trop fort). Biensur, la Ville peut presenter plus d’opportunite. Mais dans une situation de precarite generalisee ( c’est ca qui est la verite) on ne peut parler de "chance". Dans 20 ans la misere sera toujours presente des deux cotes et frappera davantage de gens. On a encore la chance de parler d’enfants de la rue, dans 20 ans on parlera de familles de la rue. Quand Ouagadougou ou Bobo dioulasso passeront a 10 ou 15 millions d’habitants, nos rues seront bondees de monde couché a meme le sol ( nowhere to go). La criminalite, la pollution seront des facteurs majeurs qui determineront le niveau de vie en ville. Les services publics ( hopitaux, transport...) deja incapables aujourd’hui de repondre aux normes minimum seront la vitrine de societes deshumanisee qu’aucun systeme de secours d’urgence ne pourra sauver...

    Oui peut-etre la ville sera moins dure economiquement que la campagne, mais elle sera dure : donc elle ne sera pas une chance. En presentant les choses de cette facon, on sous-entend que les Africains sont condamnes pour de bon et que des situations a peu pres chaotiques sont bien acceptables. On ne peut pas rester indefiniment dans la fatalite. Il faut prendre les choses en main et decider nous meme ce que seront nos villes dans 20, 30 ou 50 ans. Et non laisser nos bidonvilles definir nos chances pour demain.

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