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Sommet de l’Union africaine : Refonder le projet panafricain

Publié le samedi 30 juin 2007 à 13h35min

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Demain, 1er juillet, s’ouvre à Accra, au Ghana, le 9e sommet ordinaire des chefs d’état de l’Union africaine (UA) avec un seul point inscrit à l’ordre du jour : la création d’un gouvernement des Etats-Unis d’Afrique. La désignation d’un nouveau président de la commission, d’Alpha Oumar Konaré ayant confirmé qu’il ne sollicite pas un nouveau mandat, la réforme des institutions ont été renvoyées à la prochaine session.

Le sujet passionne particulièrement l’élite politique et intellectuelle africaine et les débats entre partisans d’un exécutif continental toute suite et ceux qui préconisent une approche graduée, par la consolidation des ensembles régionaux risquent de déboucher sur une impasse tant les divergences paraissent insurmontables.

Si tout le monde admet que l’intégration totale constitue une alternative viable au développement économique de l’Afrique, en revanche le rythme de la marche vers cet objectif est loin de faire l’unanimité. « Ce sommet doit permettre de progresser vers la concrétisation d’un gouvernement fédéral africain imaginé par Kwamé Nkrumah », déclare le ministre sénégalais des Affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio, qui insistant sur le fait que « l’approche progressive adoptée depuis quatre décennies a échoué, les Africains étant plus que jamais divisés et pauvres ».

En politique plus qu’ailleurs, seule l’audace permet de faire bouger les lignes de front et d’inventer un futur meilleur. On comprend bien l’agacement que la prudence du camp des « gradualistes » incarné par Tabo Mbéki suscite chez les « volontaristes » parmi lesquels on retrouve le sénégalais Abdoulaye Wade, le tunisien Ben Ali et surtout le libyen Mouammar Kadhafi.

Après avoir échoué à unir ses frères Arabes, le numéro un libyen s’est découvert une fibre panafricaniste et se sent comme investi d’une mission presque mystique de conduire le peuple africain à la liberté au bonheur. « Je me suis couché avec 4 millions de Libyens et je me suis réveillé avec 700 millions d’Africains », a t-il confié en 1999 lors du lancement du projet de création de l’Union africaine.

Ces derniers jours, avec le spectaculaire périple de Kadhafi dans plusieurs pays d’Afrique de l’ouest, les « volontaristes » ont incontestablement marqué des points dans l’opinion africaine et réduit pratiquement au silence leurs adversaires. Ont-ils pour autant rallié à leur cause la majorité des chefs d’état ? Le conclave de deux jours le dira mais, si pour des raisons qui leur sont propres, certains se gardent de critiquer publiquement le discours exaltant de leader libyen, ils n’en pensent pas moins, tant le personnage intrigue, voire irrite.

Kadhafi est-il un panafricaniste sincère ou tout simplement, avide de gloire, veut-il imposer son leadership sur le continent ?

Car au regard des dispositions de l’Acte constitutif de l’Union, la pratique politique dans ce pays de près de 6 millions d’habitants est loin des standards démocratiques observés dans de nombreux pays du continent où le pluralisme politique, syndical et médiatique est une réalité. Depuis une quinzaine d’années, l’onction démocratique est devenue la seule source de légitimité politique et par conviction ou par contrainte, les prétendants au pouvoir se soumettent plus ou moins au verdict des urnes.

A quand des manifestations d’opposants et de syndicats dans les rues libyennes ? Le guide libyen daignera t-il un jour solliciter le suffrage de ses compatriotes ? Une chose est sûre, le modèle politique en cours en Libye, la démocratie des masses, inspiré du Livre Vert est aux antipodes des aspirations des africains. Entre la jeunesse africaine et Mouammar Kadhafi il y a manifestement un profond malentendu que la schizophrénie idéologique de ce dernier ne contribue pas à dissiper.

Par ailleurs, les prêches panafricanistes de Mouammar Kadhafi sonnent creux quand au même moment, des milliers d’Africains sont brutalement expulsés de Libye. Ignore t-il les humiliations et le racisme dont sont victimes les ressortissants d’Afrique Noire dans son pays ? Ne sait-il pas que très souvent, des Africains en transit à l’aéroport de Tripoli dorment à même le sol quand les Européens ont droit, eux, à des chambres d’hôtel ?

Au-delà du cas libyen, la frilosité avec laquelle plusieurs dirigeants appliquent les dispositions sur la libre circulation des personnes dans les ensembles régionaux et sous régionaux ne rassure pas sur leur volonté de réaliser l’intégration du continent.

Selon la Commission économique africaine (CEA), le bilan de ces organisations régionales n’est pas à la hauteur des attentes, en raison de la « réticence des pays à adhérer à des programmes d’intégration (suppression des droits de douanes) motivée par des préoccupations concernant le partage inéquitable des avantages et inconvénients de l’intégration ». Sans prendre partie dans le débat entre « volontaristes » et « gradualistes », la CEA n’envisage la mise en place de la banque centrale africaine, de l’union économique et monétaire panafricaine et l’élection des parlementaires au suffrage universel qu’en...2028 !

En réalité, il faut repenser les fondements du projet panafricain si l’on veut lui donner les chances d’aboutir. Pourquoi le simple fait d’être un pays africain conférerait-il le droit d’appartenir à l’Union africaine qui est au fond, un projet politique ?. Qu’y a t-il de commun entre le démocrate Yayi Boni du Bénin et l’autocrate Robert Mugabé du Zimbabwé, dont le pays affiche un taux d’inflation de 2000% quand la moyenne continentale est de 12,7% ?
Le panafricanisme n’est pas le continentalisme.

Joachim Vokouma
Lefaso.net

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