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Subvention de l’Etat aux partis : L’UDD dénonce une répartition arbitraire

Publié le mardi 26 juin 2007 à 08h27min

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Clément Dakio

Par le biais de cette déclaration, Toubé Clément Dakio, président de l’UDD parti politique de l’opposition, dénonce une "répartition arbitraire du financement public de l’exercice budgétaire 2007"

Comme pour l’exercice 2006, le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation fait une répartition arbitraire de la subvention de l’Etat aux partis pour l’exercice 2007.

Les partis politiques ont la mission constitutionnelle de concourir à l’animation de la vie politique, à l’information et à l’éducation du peuple ainsi qu’à l’expression du suffrage.

Dans l’exécution de leur mission, les partis bénéficient d’un financement public dans les conditions fixées par la loi.

Lors de la remise officielle des chèques aux partis, le jeudi 12 avril 2007, le ministre a tenté de justifier le fait que sur les 500 millions de crédit accordé par l’Etat comme subvention aux partis, il a affecté 400 millions pour le financement de la campagne 2007.

On en déduit qu’il reste seulement 100 millions pour le financement des activités hors campagne des partis.

Or, traditionnellement, la répartition des 500 millions devrait se faire de la façon suivante :

- 250 millions pour le financement de la campagne ;

- 250 millions pour le financement des activités hors campagne.

L’impact de cette répartition est nettement plus favorable pour l’ensemble des partis que celui de la répartition imposée par le ministre, qui ne favorise que quelques partis au détriment des autres. Mais il tente cependant de se justifier.

Pour le ministre, constituer des listes électorales est une activité politique des plus importantes. C’est pour cela qu’il privilégie le financement de la campagne aux activités hors campagne.

Cette justification est fallacieuse. En effet, si l’on considère un parti comme le CDP, la constitution des listes électorales ne demande aucun effort particulier aux responsables de ce parti. Au contraire, ils ont l’embarras du choix.

On sait que pour une raison historique, l’implantation territoriale du CDP couvre tout le pays. Avec une telle implantation, constituer des listes électorales ne mérite pas une attention particulière. Car constituer des listes ne signifie pas forcément obtenir de bons résultats.

Comme un parti se caractérise par une organisation, un projet de société et sa prétention à gérer le pouvoir, l’organisation d’un parti politique est une activité hors campagne qui ne devrait, sous aucun prétexte, être négligée. Or, la répartition de la subvention 2007 relègue au second plan toute activité hors campagne des partis politiques.

La vérité toute nue que le ministre occulte, c’est que le CDP a besoin de sommes considérables pour décider les électeurs. C’est à ce prix qu’il peut gagner et maintenir sa prééminence actuelle sur les autres partis. C’est seulement pour faire bénéficier le CDP de la plus grande partie de la subvention allouée par l’Etat que le ministre a privilégié arbitrairement et injustement le financement de la campagne électorale.

Il jugule ainsi certains partis. On ne doit pas, au nom du renforcement de la démocratie, faire de l’arbitraire et de l’injustice. On n’est plus alors en démocratie. Il s’agit là d’imposture.

Des responsables de partis politiques, dans leur course effrénée à l’argent, auraient constitué beaucoup de listes électorales dans le seul but d’engranger les financements de campagne correspondant à ces listes, sans par la suite concourir à l’animation de la vie politique dans les provinces correspondantes. Si c’était vrai, cela constituerait, à mon sens, un détournement de deniers publics, avec la complicité du ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, puisque c’est lui qui a privilégié le financement de la campagne. Détournement que je condamnerais énergiquement.

Y a-t-il pléthore de partis politiques au Burkina ?

De façon classique, on définit les partis politiques par quatre critères dont :

- une organisation durable, c’est-à-dire une organisation dont l’espérance de vie politique soit supérieure à celle des dirigeants en place. Ce critère devrait conduire à un peu de prudence dans la conduite de la mort programmée de certains partis ;

- le souci de rechercher le soutien populaire à travers les élections ou de tout autre manière ;

- la volonté délibérée des dirigeants de conquérir et d’exercer le pouvoir et non pas seulement d’influencer le pouvoir.

Dès qu’un parti satisfait à deux de ces critères, je pense qu’il peut être légalement autorisé à fonctionner, quelle que soit l’étendue de son implantation territoriale. Car en fonctionnant et en prenant part aux élections, ce parti peut étendre son implantation territoriale.

Je dis que ce qu’il convient d’appeler la pléthore de partis au Burkina est à relativiser parce que le Burkina est un pays sous - développé, et même, à présent, arriéré à certains égards, vu le taux d’analphabètes très élevé dans certaines localités.

Les partis politiques, à l’exception des grands partis bien implantés dans le pays, peuvent contribuer à l’éducation du peuple, car c’est cette éducation qui permettra de parvenir à une démocratie améliorée, ce qui est d’ailleurs dans l’intérêt de ces partis. Or, cette importante mission constitutionnelle est actuellement à peine entamée.

Au contraire, les grands partis ont des préoccupations électorales. Ils n’ont pas intérêt à l’éducation du peuple. C’est le statu quo qui leur assure leur suprématie. Or, la réduction des partis politiques profitera surtout aux grands partis, notamment au CDP, dont les insuffisances en matière de démocratie sont notoirement connues.

Et à quoi bon réduire les partis pour aboutir à une démocratie qui ne garantit ni l’Etat de droit ni les droits de l’homme, encore moins la prospérité économique ?

C’est pourquoi il faut inciter d’Etat à financer correctement les partis comme le font certains pays de la sous-région au profit de leurs partis au lieu de la portion congrue actuellement allouée aux partis burkinabè.

La perspective de limiter le financement public à certains partis remplissant des critères donnés serait un véritable recul démocratique et un frein à l’éducation du peuple et même à la lutte contre la pauvreté si elle se réalisait.

Car les hommes qui animent ces partis ont suffisamment et longuement montré la limite de leur volonté politique quant à la promotion des changements politiques, économiques, sociaux et culturels nécessaires pour que le Burkina change.

En tous cas, ces hommes savent qu’ils sont les premiers responsables des maux auxquels le Burkina est actuellement confronté (chômage des jeunes et chômage tout court, pénurie alimentaire, inflation, taux de couverture scolaire et sanitaire faibles, déficit démocratique, etc.) Ils sont responsables parce qu’ils n’ont pas su prévoir ces maux car, dit-on : ‘’ Gouverner, c’est prévoir’’.

Pour un Occidental, le développement signifie l’élevation du niveau de vie, la suppression de la faim et de la misère.

En ce qui concerne l’Africain, le développement, c’est avant tout la voie d’accès à une véritable indépendance et à la dignité humaine.

L’indépendance politique acquise, les Etats africains ont eu la responsabilité entière du développement de leurs territoires. Si tous les leaders africains ont assigné un même but au développement de leurs pays, l’indépendance économique, sans laquelle l’indépendance politique n’est qu’un leurre, ils ont opté pour des voies différentes pour y parvenir :

- le socialisme scientifique et le socialisme africain, et leurs variantes ;

- le capitalisme d’Etat et le libéralisme, et leurs variantes.

On peut penser qu’au renouveau démocratique des années 1990 toutes ces options ont été prises par des responsables politiques du Faso entraînant ainsi la création de plusieurs partis idéologiquement justifiés.

Mais on peut également penser que compte tenu de l’état de délabrement des économies africaines, l’exercice des responsabilités politiques confère des avantages que ne procurent pas les autres domaines de la vie sociale. D’où l’attrait de l’élite par la politique, suite au renouveau démocratique des années 1990, ce qui se manifeste soit par l’adhésion aux partis au pouvoir, soit par la création de nouveaux partis politiques. D’où la multiplication des partis. C’est à remarquer que l’adhésion de la grande majorité des citoyens d’un pays au parti au pouvoir conduit à l’unaninité propre au parti unique. Donc pour consolider notre démocratie, on pourrait aussi lutter contre la domination du parti au pouvoir. Le Faso, pays africain, n’échappe pas à cette triste réalité. Développer donc l’économie du Faso et il y apparaîtra des opportunités plus intéressantes que l’activité politique. L’élite sera attirée par ces nouvelles opportunités et le nombre de partis politiques ainsi que le nombre d’adhérents au parti au pouvoir chuteront automatiquement.

La pléthore de partis est donc un phénomène généré par le sous-développement de l’économie burkinabè. Autant mettre ces partis à contribution pour combattre ce mal.

Pour une démocratie améliorée

Dans son allocution du jeudi 12 avril 2007, le ministre s’est arrogé le droit de renforcer notre démocratie en spoliant certains partis au profit de quelques autres partis, car aucune analyse conséquente ne permet de privilégier le financement de la campagne par rapport à celui des activités hors campagne.

Est-il plus important de constituer des listes électorales que d’informer et éduquer le peuple ? Seul le ministre a su répondre facilement à cette question.

Cependant les Burkinabè conscients disent :

- non à cette démocratie injuste, non développante et où le pouvoir jugule l’opposition et refuse l’alternance ;

- non à cette démocratie qui concentre la plus grande partie du revenu national entre les mains d’une minorité de privilégiés qui détient également le pouvoir politique. Cette minorité de privilégiés est improductive et rapidement saturée. D’où le blocage de la croissance économique et du développement ;

- non à cette démocratie qui réserve à la jeunesse le thé dans les rues et les cours, le désespoir et la galère tandis qu’aux dignitaires du régime elle réserve les bonnes choses. Une démocratie impuissante à améliorer les conditions de vie de la grande majorité des Burkinabè, notamment des populations des régions délaissées par l’action publique ;

- non enfin à cette démocratie qui voit le développement du pays essentiellement à travers de grands projets financés par l’aide extérieure et qui profitent surtout au pouvoir et à sa clientèle.

Il faut que les Burkinabè conscients s’investissent dans l’édification d’une véritable démocratie :

- De cette démocratie seront proscrites la corruption et la fraude électorales, les élections y seront libres, justes et transparentes, la participation citoyenne à la vie politique encouragée et il y régnera le plein respect de la primauté du droit, appuyée sur des normes transparentes et qui s’appliqueront à tous sans distinction.

- Cette démocratie mobilisera la jeunesse du Burkina :

• en résolvant le problème des débouchés car quelqu’un a dit que « la disponibilité de notre jeunesse a plus de valeur que les milliards de l’étranger ».

• en prenant en compte les revendications de jeunes quant à des conditions de travail convenables ainsi que leurs aspirations politiques.

- Cette démocratie prendra à cœur les défis relatifs aux femmes en s’intéressant non seulement aux places des femmes dans les hautes sphères de décision, mais aussi et surtout en renforçant les capacités de participation des femmes au développement.

- Enfin, cette démocratie considérera le développement comme l’œuvre de toute la population. Une œuvre de tous pour tous. Ce développement devra conduire à un mieux-être également réparti. Il demandera de dépasser le sentiment d’appartenance ethnique pour parvenir à un sentiment plus fort de solidarité nationale.

Le Burkina ne pourra se développer que si tous les citoyens travaillent ensemble. Il sera donc nécessaire de promouvoir non seulement l’égalité de tous devant la loi, mais aussi l’égalité des chances, des progrès économiques : égalité entre les régions, entre les ethnies, entre les différentes catégories de la nation.

Le développement ne sera pas considéré seulement comme les grandes réalisations économiques, mais également comme les petites améliorations que les gens introduisent dans leur vie quotidienne.

Toubé Clément Dakio,
Président de l’UDD

Le Pays

P.-S.

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Clément Dakio

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