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De l’OUA au gouvernement de l’Union : vers les Etats Unis d’Afrique (Fin)

Publié le jeudi 28 juin 2007 à 07h48min

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III. LE GOUVERNEMENT DE L’UNION

L’Assemblée des Chefs d’Etat et de gouvernement a décidé, lors de sa huitième session tenue à Addis Abeba les 29 et 30 janvier 2007, que sa prochaine session qui devrait avoir lieu en début juillet 2007 à Accra, sera consacrée à un « grand débat sur le gouvernement de l’Union africaine ».

On se rappellera que cette question tire son origine d’une proposition du Président Muhammar Ghadafi de la Grande Jamahiriya Arabe Libyenne visant à accélérer l’intégration politique et économique du continent, notamment par la mise sur pied d’un gouvernement de l’Union pour gérer des secteurs dont la problématique est commune au continent africain : infrastructures, négociations commerciales internationales, les affaires étrangères (diplomatie), défense, etc. L’idée a abouti à une proposition, discutée à la quatrième session de l’Assemblée à Abuja en janvier 2005, tendant à la création de certains postes ministériels pour gérer ces questions au niveau continental. Un Comité de sept (7) Chefs d’Etat, présidé par le Président Yoweri Musseveni d’Ouganda fut mis sur pied pour examiner la proposition sous tous ses aspects.

Le rapport de ce Comité fut soumis à l’Assemblée lors de sa cinquième session, tenue à Syrte, en Libye, en juillet 2005. Celle-ci conclut que l’esprit de la proposition allait bien au-delà de la création de quelques portefeuilles ministériels, mais renfermait en filigrane un débat plus important : celui d’un gouvernement continental. Aussi, l’Assemblée, après avoir étudié le rapport a conclu que le but ultime de l’Union africaine étant l’intégration politique et économique devant conduire aux Etats-Unis d’Afrique, il fallait pousser plus avant la réflexion.

Un nouveau Comité a donc été mis sur pied sous la présidence du Président en exercice de l’époque, M. Olesegun Obassanjo du Nigeria afin d’examiner plus en profondeur toutes les idées exprimées sur le sujet durant le sommet. En novembre 2005, celui-ci convoqua à Abuja une grande conférence de réflexion sur la « bien-fondé d’un gouvernement de l’Union africaine ». Tous les secteurs d’activité y participèrent. La conférence conclut que :

-  il n’y avait aucun doute sur la nécessité d’un gouvernement de l’Union africaine ;
-  ce gouvernement devra être plus une union des peuples africains qu’une union des Etats et des gouvernements ;
-  la formation de ce gouvernement doit être basée sur une « approche multicouche » et prendre en compte le principe d’une « évolution graduelle » ;
-  le rôle des Communautés économiques devra être mis en exergue en tant que piliers d’un cadre continental.

A partir des conclusions de la conférence, le Comité a demandé à la Commission de l’UA de soumettre à son Septième Sommet ordinaire de Banjul, en juillet 2006, un document consolidé sur la question. Ce document, intitulé « Etude sur un gouvernement de l’Union africaine : vers les Etats-Unis d’Afrique » a été présenté par le Président Olessegun Obassanjo. Dans sa Décision Assembly/AU/Dec.123(vii), l’Assemblée a réaffirmé « que l’objectif ultime de l’Union africaine est l’intégration politique et économique totale devant conduire aux Etats-Unis d’Afrique » et a demandé qu’un Conseil Extraordinaire des Ministres soit convoqué pour « examiner le rapport et proposer un cadre d’action approprié ».

En effet, la neuvième session extraordinaire du Conseil Exécutif examina le document à Addis Abeba les 17 et 18 novembre 2006. Les conclusions principales de la réunion sont :
-  tous les Etats membres acceptent les Etats-Unis d’Afrique en tant qu’objectif commun désirable, mais des différences existent quant aux modalités, aux délais et au rythme approprié pour atteindre l’objectif de l’intégration ;
-  il y a consensus sur la nécessité d’une revue de l’état de l’Union afin de déterminer les domaines où des progrès doivent encore être fait afin d’accélérer le processus d’intégration.

Le rapport du Conseil a été soumis à l’Assemblée à sa huitième (8eme) session ordinaire en janvier 2007 à Addis Abeba. Compte tenu des propositions contenues dans l’Etude et leurs implications aux niveaux national, régional et continental, l’Assemblée a pris la décision (Conférence/UA/Déc. 156(viii)) d’avoir un grand débat sur le sujet. Ce débat examinera entre autres les sujets suivants :
-  une compréhension commune de l’intégration au niveau continental ;
-  évaluation des performances de l’Union africaine au regard de la commune compréhension de la nature de l’Union ;
-  les contraintes qui retardent le processus d’intégration ;
-  la marche à suivre pour l’UA quant à la nature, l’ampleur et les délais des arrangements à faire au niveau continental ;
-  les implications, pour les Etats membres, d’un nouvel arrangement continental.

Etant donné le désir fort, maintes fois exprimé par les populations africaines, pour le panafricanisme et le désir intrinsèque d’unité à travers le continent, le rapport de Banjul a conclu, entre autres, qu’un Gouvernement d’Union était faisable. Indiquant les éléments constitutifs d’un tel gouvernement, le Rapport propose une feuille de route vers la réalisation de cet objectif et recommande 2015 comme date de son aboutissement.

La feuille de route proposée à cet égard se divise en trois phases d’égale durée :
-  la phase initiale qui commencerait dès la décision de l’Assemblée sera consacrée à la mise en place du gouvernement de l’Union (c’est-à-dire les étapes et processus nécessaires pour que le gouvernement de l’Union puisse fonctionner) ;
-  la seconde phase se consacrera à rendre pleinement opérationnel le gouvernement de l’Union et à mettre en place les fondements constitutionnels des Etats-Unis d’Afrique ;
-  la troisième et dernière phase visera à mettre en place tous les attributs nécessaires des Etats-Unis d’Afrique au niveau national, régional et continental.

Lors de sa Huitième session, la Conférence des Chefs d’état et de gouvernement a approuvé la proposition du Conseil exécutif d’organiser une retraite à l’intention des Ministres des Affaires étrangères en vue d’examiner la situation de l’Union. Elle a également invité les Etats membres, les Communautés Economiques Régionales (CER) et la Commission de l’Union africaine, à organiser des consultations respectivement au niveau national, régional et continental en vue de mieux préparer le « Grand débat ».

C’est ainsi qu’au mois de mai, les Ministres des Affaires étrangères de l’Union africaine se sont retrouvés à Durban (Afrique du Sud) pour échanger sur la structure et le fonctionnement de l’Union et sur les perspectives d’intégration politique et économique en Afrique. Alors que l’ensemble des participants considère l’intégration au niveau continental comme le moyen de réduire le sous-développement de l’Afrique et de la prévenir contre des tentatives de recolonisation, des divergences existent quant à la réalisation de cet objectif au moyen d’un Gouvernement de l’Union.

Pour certains, il paraît prématuré de penser mettre en place un gouvernement au niveau continental alors que les fondations (les Etats membres et les Communautés économiques régionales) sont encore fragiles. Pour eux, l’accent devrait être mis sur les CER. Mais la multiplicité des CER et l’appartenance de certains Etats à plus d’une CER constituent une contrainte majeure à la réalisation de l’intégration régionale. Il y a donc un besoin évident de rationalisation des CER.

Par ailleurs, les CER, pour la plupart, n’ont pas suivi les étapes prévues dans le Traité d’Abuja en vue de leur convergence vers un marché commun africain. Par exemple, il existe encore de nombreuses barrières tarifaires et non tarifaires dans les CER qui estiment être déjà une Zone de libre échange. Pour celles qui estiment être au stade de l’Union douanière, l’application du tarif extérieur commun s’avère difficile dans bien des cas, essentiellement du fait de la non coordination des politiques macroéconomiques et sectorielles, et de la faiblesse des structures de production qui, de surcroît, ne bénéficient d’aucune protection, à la différence des pays d’origine des importations.

Non seulement les CER n’ont pas suivi les étapes prévues dans le Traité d’Abuja et sont, pour la plupart, loin de réaliser l’intégration économique régionale, mais elles semblent mettre davantage l’accent sur les aspects institutionnels comme la constitution de parlements régionaux, de cours de justice régionales, et d’organes similaires. Telles qu’elles fonctionnent, elles ne semblent pas évoluer vers un ensemble continental intégré.

D’autres participants à la retraite de Durban ont, au contraire, mis l’accent sur la nécessité de doter le niveau continental de certaines compétences dans des domaines comme les infrastructures, les négociations commerciales internationales, la désertification et les changements climatiques, les flux migratoires, les grandes endémies, la recherche scientifique et la formation technique de haut niveau, la coordination monétaire et financière, la rationalisation des CER et l’harmonisation de leurs programmes afin qu’ils convergent vers l’objectif de création d’un ensemble continental intégrée. Il est évident que le traitement de ces questions, qui se posent presque dans les mêmes termes pour plusieurs pays, parait plus approprié au niveau continental qu’aux niveaux national et régional. En outre, avec une telle approche, la présence de l’Afrique se ferait plus sentir au plan international.

Enfin, pour de nombreux Etats, même en tenant compte du principe de subsidiarité, l’abandon de souveraineté dans certains domaines pose un problème légal et juridique qu’il faut résoudre au préalable. Il s’agit donc là aussi, d’une contrainte majeure au processus d’intégration.

Au travers de cette étude, j’ai juste voulu poser la problématique qui sera discuté à Accra, en donnant les éléments qui donneront matière à réflexion pour tous ceux qui sont intéressé au débat. L’Union africaine, à travers son site électronique (www.africa-union.org), demande à tous de contribuer au débat. Il faudra trancher certains des aspects relatifs au gouvernement de l’Union. Sans doute, une partie du débat portera sur les structures, les pouvoirs et le mandat de ce Gouvernement ainsi que ses relations par rapport aux autres Organes. Il faudra cependant s’attendre à une résistance forte de nombreux états tant il est vrai que de nombreux chefs d’Etat africains préfèrent « être premier en Gaule que second à Rome ».

FIN

Ki Doulaye Corentin (Amb.)
Ancien Directeur du Centre de gestion des conflits de l’OUA/UA
Ancien Responsable du Groupe de travail de l’UA sur le Darfour.

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