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Jean De Dieu Somda, vice-président de la CEDEAO : « Le Burkina Faso est un exemple d’intégration »

Publié le vendredi 22 juin 2007 à 08h02min

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Jean De Dieu Somda

La XXXIIe session ordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO tenue à Abuja le 15 juin dernier, a tracé la ligne de conduite de la Commission de l’institution en vue d’une meilleure intégration de la sous-région. Dans cet entretien, le vice-président, Jean De Dieu Somda, parle de son nouveau poste, du passage de secrétariat exécutif à la Commission ainsi que les grands enjeux de cette instance.

Sidwaya (S). : De ministre délégué à la Coopération régionale à vice-président de la Commission de la CEDEAO. Comment vivez-vous ce changement ?

Jean De Dieu Somda (J.D.S) : Je me sens parfaitement bien à ce poste du fait que ce passage n’est pas un hasard. C’est tout un processus. Lorsque j’étais en poste en tant que ministre délégué à la Coopération régionale, j’ai eu à conduire la commission ad hoc ministérielle chargée de certaines réformes. J’ai donc suivi le processus depuis un certain temps en tant que ministre et siégeant au conseil de ministres de la CEDEAO et celui de l’UEMOA. Je ne suis pas du tout dépaysé en arrivant à la vice-présidence de la CEDEAO. Le passage de ministre à vice-président n’est qu’une continuation d’un même service. Je faisais de l’intégration régionale à l’échelle d’un Etat.

Aujourd’hui, ma mission s’étend à l’ensemble des 15 Etats membres de la CEDEAO. C’est une tâche encore plus exaltante que la première, mais tout à fait la continuation de celle-là qui permettait d’unifier tous les ressortissants ouest-africains vivant au Burkina et des Burkinabè vivant à l’extérieur. Ce travail était devenu pour moi quelque chose de coutumier, il n’y a donc pas de grande surprise pour moi concernant ce nouveau poste.

S. : De secrétariat exécutif à la Commission de la CEDEAO, quelle différence y a t-il entre les deux dénominations ?

J.D.S : Il y a une très grande différence. Le secrétariat exécutif est un service chargé de l’exécution des tâches courantes préalablement définies par les ministres, les chefs d’Etat et les autres structures. Par contre, la Commission non seulement exécute ces tâches préalables définies, mais bénéficie d’une délégation de pouvoirs de la part de ces ministres, des chefs d’Etat... donc constitue un organe représentatif de l’ensemble des Etats et agit directement en leurs noms.

C’est dans ce sens que la Commission a des pouvoirs beaucoup plus étendus que le secrétariat exécutif. Elle peut prendre des directives, des règlements immédiatement applicables à l’ensemble des 15 Etats sans avoir au préalable à se référer aux Etats pris individuellement. Tout cela se passe dans une certaine cohésion, cohérence, car il y a d’abord la Conférence des chefs d’Etats qui trace les grandes tendances, ensuite le Conseil des ministres qui traduit ces tendances en programmes à réaliser par la Commission. Cette dernière à son tour, met en œuvre ces programmes à travers un plan d’actions opérationnelles et sectorielles.

S. : La mise en place de la Commission a certainement fait des mécontents au niveau de certains pays qui n’y sont pas représentés. Comment a-t-on jugulé ce problème ?

J.D.S : Non, il n’y a pas eu de mécontents. Il y a eu peut-être des problèmes de réglage au départ, puisque l’on se demandait s’il fallait créer une Commission à 15 membres de manière à ce que chaque pays soit représenté par un commissaire ou alors fallait-il créer une commission à 9 ou 10 membres. Toutes les options étaient ouvertes et nous avons eu une étude d’impact à travers laquelle nous avons estimé que dans le cadre d’une meilleure intégration de la sous-région, une Commission de neuf membres dont un président, un vice-président et sept commissaires techniques suffit largement pour faire démarrer cette instance. Nous pouvons par la suite avec l’évolution, élargir cette Commission à 10 voire 15 membres où chaque pays sera représenté.

Le fait que tous les pays ne soient pas représentés est corrigé par d’autres mécanismes. Des institutions existent comme la Cour de justice, le parlement et des institutions spécialisées telles que la Gestion intégrée des ressources en eau (GIRE), le Centre des jeunes et des sports de la CEDEAO... et bien d’autres structures qui ne sont pas des commissions, mais à travers lesquelles une répartition équilibrée des tâches a été faite de sorte que chaque pays se sente concerné.

S. : D’un point de vue visibilité et opérationnalité, la CEDEAO n’a pas atteint le seuil de l’UEMOA. Qu’est-ce qui explique cet état de fait et que compte faire la Commission dans ce sens ?

J.D.S : La comparaison est très flatteuse. Cependant, je peux dire que l’UEMOA est un ensemble beaucoup plus homogène sur le plan culturel, linguistique et surtout monétaire et économique. C’est alors une zone plus intégrée. Par contre au niveau de la CEDEAO, nous avons 15 pays différents avec trois cultures linguistiques différentes : francophone, anglophone et lusophone, et quinze manières de gérer l’administration.

A l’UEMOA, il y a une homogénéité de la culture administrative de la gestion de l’Etat. Il faut donc arriver à jeter des ponts entre ces différences pour constituer quelque chose de cohérent. Notre objectif est de faire en sorte que chaque Etat se retrouve le maximum de ce qu’il est dans la structure communautaire qu’est la CEDEAO. C’est cela le challenge. La visibilité et la transparence dans la gestion de cet espace sont déjà en marche.

Le site est de nouveau réactivé. En clinquant sur ecorvasint tout le panorama, la vie de tous les commissaires, même le calendrier des réunions s’ouvrent à vous. Nous invitons tout le monde à visiter le site de façon interactive, en envoyant des observations et des contributions afin de nous permettre de le rendre vivant et de pouvoir avancer. Nous comptons faire mieux que l’UEMOA car nous avons beaucoup plus de potentialités humaines et financières et également, beaucoup plus d’espace à couvrir. Nous sommes alors résolument décidés à rendre compte, à communiquer et à rendre vivant l’espace CEDEAO.

Les conseils des ministres et retraites que nous avons tenus à Ouagadougou et la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement que nous tenons aujourd’hui (NDLR 15 juin 2007) ne sont pas fortuits. Nous avons d’ailleurs été « arrosés » d’éloges et de félicitations pour les changements notoires déjà observés. Je me fais le point d’honneur de transposer à la Commission les bonnes habitudes organisationnelles que nous avons au Burkina dans la tenue des grands sommets. Désormais, nous allons travailler à temps réel et de façon concrète parce que la gestion courante de l’ensemble des équipes incombe au vice-président. Le président étant chargé de représenter l’institution aux multiples réunions.

S. : Le Burkina Faso a été cité lors de ce sommet comme un modèle d’intégration avec le respect de la libre circulation des biens et des personnes. Commet appréciez-vous cela ?

J.D.S : Il a demandé à tous les Etats de passer à la vitesse supérieure dans l’application effective du protocole sur la libre circulation des biens et des personnes, sur le droit d’établissement à l’intérieur de l’espace CEDEAO en 2007. Il est devenu presque « insultant » de constater que malgré toutes les réunions et conférences, le plus gros problème qui constitue le premier maillon de l’intégration qu’est la possibilité des personnes de circuler et faire leur commerce librement d’un Etat à un autre n’est pas appliqué. C’est vrai, il y a eu des acquis et l’on peut voyager dans l’espace CEDEAO sans avoir besoin d’un visa, mais le point le plus important reste la libre circulation des biens et des personnes.

Il faut qu’on arrive au stade où un citoyen de la CEDEAO peut s’installer dans le pays de son choix pour pouvoir faire des affaires et pouvoir aller et revenir sans être inquiété, traumatisé et racketté inutilement. Cela a été décidé depuis mars 2007. On a constaté que le Burkina a été le premier à l’appliquer de façon totale. Actuellement, la circulation est libre et fluide au Burkina à l’exception des entrées et sorties des grandes agglomérations où il y a des contrôles.

Toutes les barrières sécuritaires ont été démantelées. Cependant, cela ne veut pas dire que la dimension sécuritaire n’a pas été prise en compte d’autant plus que l’on peut contrôler efficacement sans avoir besoin de racketter les gens. Ce n’est pas en angoissant les pauvres citoyens que l’on assure efficacement la sécurité routière. C’était la raison avancée. Aujourd’hui, le Burkina le fait avec beaucoup de succès. C’est pourquoi il a été cité en exemple.

Nous avons décidé depuis la mise en place de la Commission d’associer la société civile, le citoyen lambda dans la surveillance de la libre circulation des biens et des personnes. Nous avons dans ce sens, créé des comités de soutien et de surveillance au niveau de tous les grands axes routiers. Une structure administrative a été mise en place, un budget voté. Après ce sommet (Ndlr, XXXIIe session ordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement du 15 juin 2007) qui a validé notre programme d’action, nous passerons à la phase opérationnelle réelle.

Ces comités seront chargés de surveiller discrètement mais efficacement partout où cela est nécessaire la fluidité du trafic. Cela avec les moyens nécessaires et conséquents pour pouvoir saisir la justice, les forces de l’ordre capables d’intervenir pour leur protection. Une Cour de justice existe désormais auprès de laquelle les citoyens peuvent porter plainte contre les violations de la libre circulation des biens et des personnes.

Cette Cour de justice n’est pas réservée aux Etats seulement, mais est ouverte aux individus, aux particuliers qui peuvent ester devant elle en cas de violation des textes. Pour ce faire, nous avons prévu de récompenser les meilleurs agents chargés du contrôle de cette libre circulation. Une fois par trimestre, ceux qui seront repérés recevront des sanctions pécuniaires.

Interview réalisée à Abuja par Aline Verlaine KABORE

Sidwaya

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