LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Généraux Philippe Mangou et Soumaïla Bakayoko : « C’est au politique de résoudre les problèmes des grades »

Publié le lundi 18 juin 2007 à 07h40min

PARTAGER :                          

Philippe Mangou et Soumaïla Bakayoko

L’Accord politique de Ouagadougou prévoit la refondation de l’armée ivoirienne avec à la clef la réunification des ex forces belligérantes, c’est-à-dire les Forces de défense et de sécurité (FDS, ex forces loyalistes) et les Forces armées des Forces nouvelles (FAPN, forces rebelles).

Pour les patrons des deux forces militaires, le processus avance bien et les soldats sont prêts. Même pour les questions des grades, qui, a priori pouvaient les opposer, les généraux Philippe Mangou et Soumaïla Bagayoko affirment chorus que cette question relève exclusivement du politique.

Général Soumaïla Bakayoko, chef d’état-major des Forces armées des Forces nouvelles (FAFN):Sidwaya (S.) : Un accord politique a été signé le 4 mars à Ouagadougou entre le président Laurent Gbagbo et le secrétaire général des Forces nouvelles (FN) Guillaume Soro ; comment cet accord est-il appliqué au niveau de vos forces ?

Général Soumaïla Bagayoko (G.S.B) : Je voudrais avant tout saluer cet Accord qui a été signé à Ouagadougou.

Il donne tout l’espoir d’un retour réel de la paix en Côte d’Ivoire. En ce qui concerne son application, le volet militaire a été confié aux deux chefs d’état-major des deux forces ex belligérantes. Il est sur une très bonne voie en ce sens qu’il nous a été demandé de mettre sur pied un Centre de commandement intégré (CCI) pour montrer que de façon paritaire, les deux forces conduisent le processus de sécurisation de l’Accord de Ouagadougou. Après avoir mis sur pied le CCI, nous pouvons affirmer que l’Accord politique de Ouagadougou est en très bonne voie du côté militaire.

S. : Pouvez-vous général, expliquez en des termes plus simples ce qu’est le CCI ?

G.S.B. : Le CCI est une structure que les deux forces ex belligérantes, les deux forces qui ont fait la guerre se sont mises ensemble pour désigner de façon paritaire des militaires qui se retrouvent pour travailler ensemble, donner les ordres qu’il faut pour que les deux forces armées puissent sécuriser le processus de l’Accord politique de Ouagadougou.

S. : Comment se passe la collaboration avec vos collègues du Sud ?

G.S.B. : Le CCI est sous l’autorité des deux chefs d’état-major. Le chef d’état-major des Forces de défense et de sécurité (FDS) du Sud et celui des Forces armées des Forces nouvelles (FAFN). Ce sont ces deux chefs d’état-major qui ont désigné deux chefs du CCI. Le chef du CCI est le colonel Nicolas Kouakou désigné par les FDS, il a un coresponsable, le lieutenant- colonel Karim Ouattara des FAFN.

Nous avons des cellules au sein du CCI qui ont à leur tête soit un élément des FDS du Sud ou un élément des FAFN. Il y a en tout sept cellules qui ont la responsabilité partagée des deux forces.

S. : Comment les choses se passent concrètement sur le terrain. Avez-vous un bureau à côté de celui de votre collègue du Sud, le général Philippe Mangou ?

G.S.B. : Non. Les deux chefs d’état-major restent au sein de leurs services. J’ai mon état-major à Bouaké, le général Mangou a le sien à Abidjan. Le CCI est situé au milieu à Yamoussoukro et les deux chefs du CCI rendent compte de façon simultanée aux deux chefs d’état-major. Lorsque nous voulons faire exécuter un ordre, le général Mangou et moi, nous nous concertons et nous donnons un ordre co-signé que le CCI exécute.

S. : A quel niveau êtes-vous avec les problèmes des grades ?

G.S.B. : L’Accord de Ouagadougou prévoit la restructuration de l’armée qui doit déboucher sur la mise sur pied d’une nouvelle force de défense et de sécurité constituée d’une part, par les anciennes forces de défense et de sécurité du Sud et par les anciens éléments des forces de défense et de sécurité du Nord d’autre part. Ce travail nous nous y attelons. Mais c’est de la responsabilité du gouvernement, les deux chefs d’état-major des deux armées apportent leur contribution. C’est pour cela que nous avons mis une cellule du CCI qui a à charge de réfléchir sur la restructuration et la refondation des forces de défense et de sécurité de Côte d’Ivoire.

En ce qui concerne les problèmes des grades, les deux armées portent naturellement des grades puisque l’armée est par définition une institution où on se reconnaît à travers les grades et on s’appelle par rapport aux grades. Il va de soi que les grades qui ont été conférés par les deux responsables des forces, c’est-à-dire d’une part le chef de l’Etat, M. Laurent Gbagbo et d’autre part, M. Guillaume Soro, secrétaire général des Forces nouvelles demeurent. Et c’est par rapport à ces grades que les deux armées fonctionnent aujourd’hui. Il est question donc qu’une harmonisation de ces grades puisse se faire de sorte qu’une fois pour toute, dans la nouvelle armée, ces grades soient reconnus de part et d’autre.

Ce travail n’est pas un obstacle en soi, c’est une tâche à exécuter. Ce qui va se faire. Mais il va de soi qu’il est du ressort du politique de décider car, c’est le politique qui donne le grade, c’est lui qui doit résoudre le problème d’harmonisation des grades une fois pour toute.

S. : En attendant que le politique décide de l’avenir des grades conférés, est-ce que de part et d’autre chacune des deux forces reconnaît en l’autre les grades actuels et les traite comme tels ?

G.S.B. : Naturellement. Les militaires du Sud m’appellent général Bakayoko tout comme mes militaires reconnaissent à mon cadet Mangou qu’il est général. Nous ne faisons pas de débat à ce niveau entre soldats. Au sein du CCI, nos militaires portent leurs grades, ceux que nous leur avons donnés pendant la crise. Le lieutenant colonel Karim Ouattara qui est chef du CCI désigné est lieutenant-colonel de ces forces. Il porte ses grades et travaille avec. Il s’agit, je le répète, de prendre des décisions politiques qui vont faire en sorte qu’on puisse reconnaître ces grades, naturellement pour le bonheur de la Côte d’Ivoire.

S. : Après la suppression de la Zone de confiance et le départ donc des casques bleus, l’insécurité s’est installée en ces lieux. Pourquoi ? Quelle est la situation actuelle ?

G.S.B. : Non, la suppression de la Zone de confiance n’a pas augmenté en soi l’insécurité dans la zone de confiance, bien au contraire.
Il y avait l’insécurité dans la Zone de confiance et nous avions toujours dit au cours de nos réunions quadripartites avec les forces impartiales et les deux forces de défense et de sécurité de Côte d’Ivoire qu’il était beaucoup plus indiqué, pour une meilleure efficacité dans l’action que cette zone revienne aux forces ivoiriennes. C’est pour cela que la suppression de cette zone ne vient pas de l’Accord de Ouagadougou.
Cet Accord n’a fait que confirmer des dispositions que nous avions déjà envisagées parce que nous savions très bien que cette zone pour être sécurisée, il fallait l’implication totale des forces ivoiriennes.

Aujourd’hui, c’est ce que nous essayons de faire. Naturellement parce que nous connaissons mieux le terrain, parce que nous savons à qui nous avons à faire en terme d’insécurité par rapport aux forces impartiales. Tout en saluant leur soutien, je peux dire que les unités des brigades mixtes de gendarmerie et les détachements de militaires mixtes installés dans cette zone apportent suffisamment de satisfaction en terme de sécurité. Cela pourra être consolidé davantage avec le temps et naturellement avec les moyens que nous sollicitons pour que cette zone soit totalement sécurisée.

S. : Quel est l’état d’esprit de vos hommes actuellement par rapport au désarmement ?

G. S. B. : Le désarmement est une phase du processus de paix que nous avons expliqué à nos éléments. Nous pensons qu’avec la sensibilisation qui a eu lieu, nous arriverons à un désarmement librement consenti par les uns et les autres. Aussi bien chez les miliciens surtout, que chez nos soldats qui, rassurés de l’avenir qu’on leur promet, de l’emploi qu’on pourrait leur garantir verront naturellement qu’il n’est pas nécessaire de détenir des armes et qu’il faut plutôt aller s’inscrire pour se reconvertir et travailler pour le bonheur des populations.

Général Philippe Mangou, chef d’état-major des Forces de défense et de sécurité de Côte d’Ivoire (FDS)

S. : Mon général, un Accord a été conclu le 4 mars à Ouagadougou entre le président Laurent Gbagbo et le Premier ministre, Guillaume Soro, comment cet Accord est-il apprécié par vos troupes ?

G. P. M. : L’Accord a été favorablement accueilli par mes hommes. Il y a un chronogramme qui y est annexé et tout ce qui concerne la partie militaire, nous avons commencé à faire ce que nous devons faire notamment la mise sur pied du Centre de commandement intégré (CCI). Les hommes ont été désignés sur le terrain ; ils sont déployés et ils ont commencé la sécurisation de l’ex zone de confiance et tout se déroule normalement.

S. : Il y a les problèmes de grades que vous avez soulevés, avez-vous des solutions à votre niveau ?

G. S. B. : Nous n’avons fait que des propositions. Vous savez que pour ce qui concerne les grades c’est du ressort du politique, c’est lui qui attribue les grades aux militaires. Nous nous en remettons à nos hommes politiques pour savoir ce que ces grades deviendront.

S. : Comment se passe la collaboration avec vos collègues du Nord ?

G. S. B. : Elle se passe très bien. Vous avez vu ce matin avec mon ancien, Bakayako, nous étions à l’aéroport ensemble, nous avons accueilli le président Blaise Compaoré, ensuite, nous sommes venus ici à l’hôtel ensemble et nous attendons. Nous constituons des personnes ressources pour les hommes politiques, si on a besoin de nous, nous allons aller dans la salle pour répondre aux questions qui nous seront posées mais pour le moment, nous attendons comme tout le monde.

S. : A quel stade se trouve le processus de désarmement ?

G. S. B. : Concernant le processus de désarmement, il faut dire qu’en ce qui concerne les groupes d’autodéfense, il y a eu une opération symbolique qui a été menée dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire. Nous avons eu avant-hier (l’entretien a eu lieu le mardi 12 juin 2007) une réunion de consolidation du processus de désarmement à l’état-major pour faire en sorte que cette région soit débarrassée des armes en attendant que le top soit donné pour les militaires pour le regroupement et le stockage du personnel et des armes.

S. : Général, la suppression de la zone de confiance n’a pas endigué l’insécurité. Pourquoi cette situation ?

G. S. B. : Ce n’est pas parce qu’il y a la zone de confiance qu’il y a l’insécurité. Pour tout Etat qui est appelé à se développer, il y a le phénomène d’insécurité qu’il faut combattre. C’est vrai qu’actuellement nous sommes confrontés à un phénomène de coupeurs de route mais ce n’est pas lié à la suppression ou non de la zone de confiance. Nous sommes en train d’œuvrer pour diminuer ce phénomène parce qu’il n’y a pas de niveau zéro en matière de sécurité.

S. : Quelle appréciation vous et vos hommes faites de la refondation de l’armée ivoirienne ?

G. S. B. : C’est une bonne chose. Nous sommes en crise et pour en sortir il faut refondrer les forces de défense et de sécurité. Même dans les grands pays, voyez-vous, on continue de refondrer les forces de défense, on fait toujours des restructurations.

S. : L’Accord de Ouagadougou prévoit le retour de vos hommes exilés. A leur retour, pourront-ils réintégrer sans difficultés les rangs ?

G. S. B. : Là-dessus nous sommes très en avance. Il y en avait qui étaient en exil et qui sont rentrés d’eux-mêmes. Après la signature de l’Accord de Ouagadougou et dès qu’une ordonnance a été prise par le président de la République concernant les exilés et autres, nous en avons qui sont rentrés et ce sont les bras ouverts que nous les avons accueillis.

S. : Voulez-vous dire que le colonel Jules Yao Yao qui est rentré d’exil a repris du service à vos côtés ?

G. S. B. : Il est membre à part entière des forces de défense et de sécurité de Côte d’Ivoire, c’est un militaire, il a rejoint le pays, il doit travailler et il travaille comme nous.

Propos recueillis à Yamoussoukro par Romaric Ollo HIEN

Sidwaya

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique