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A propos des ministres : Les indéboulonnables, les grands partants et les jeunes premiers

Publié le mardi 12 juin 2007 à 08h58min

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Salif Diallo et Alain Yoda

Il est ainsi Blaise Compaoré ! Avec lui, inutile souvent de spéculer, de trop supputer, d’engager de gros paris : il feinte à tous les coups.

Bon footballeur et fort en dribbles, dit-on, il nous est loisible de dire qu’une fois de plus, Blaise Compaoré nous a dribblé. En effet, bien de noms avaient été cités et rabâchés - bien de noms - en effet - sauf... celui de Tertius Zongo.

Et contre toute attente, c’est notre ex-ambassadeur au pays de l’oncle Sam qui a été choisi pour diriger le gouvernement du Burkina Faso après les législatives du 6 mai dernier. Depuis la mise en place d’une vie constitutionnelle normale après la Révolution d’Août 1983 et la Rectification, c’est le 5e chef de gouvernement dont se dote le Burkina.

En effet, après Youssouf Ouédraogo 1992-1994 (2 ans), Roch Marc Christian Kaboré 1994-1996 (2 ans), Kadré Désiré Ouédraogo 1996-2000 (4 ans) et Paramanga Ernest Yonli - 6 novembre 2000 au 03 juin 2007 (soit 7 ans), voici donc venue l’ère Tertius Zongo. Pourra-t-il battre le record détenu à ce jour par le Prince de Tansarga à la tête d’un gouvernement ?

Rien n’est moins sûr car sa longévité est d’abord fonction de la conjoncture politique, de sa capacité à gérer les aléas qui ne manqueront pas de poindre à l’horizon et surtout du bon vouloir du chef de l’Etat. Dans ce régime présidentiel qui est le nôtre, les hauts fonctionnaires de l’Etat, les ministres, à commencer par le premier d’entre eux, ne sont autres que des pions que le Président du Faso déplace au gré de la situation, de ses intérêts et même de ses humeurs du moment.

Le départ de "Youssouf Ziniaré"

Dans cette nouvelle équipe Tertius, bien de têtes d’affiche qui avaient fini par paraître inamovibles ont dû à leur corps défendant dire au revoir au gouvernement. Sont de ceux-là, Youssouf Ouédraogo, l’ex-ministre d’Etat aux Affaires étrangères et à la Coopération régionale.

Premier chef du gouvernement de la IVe République, puis ambassadeur auprès de l’Union européenne, Youssouf Ouédraogo qui est plus technocrate que politique reste sans conteste ce que l’on appelle "un grand commis de l’Etat". On se souvient qu’avant d’être chef du gouvernement, il fut ministre de la Planification et du Développement populaire sous la Révolution puis président du CRES, le père de l’actuel CES.

Ministre de Paramanga depuis plusieurs années et considéré comme faisant partie du cercle restreint du Président Compaoré au point que certains avaient fini par le surnommer "Youssouf Ziniaré", qu’est-ce qui l’a bien fait partir ?

Ceux qui sont dans le secret des dieux affirment qu’il pourrait avoir été mis à la porte à cause de la gestion pas toujours heureuse de son département ces dernières années. En effet, outrés quelque peu par les nominations qualifiées de "complaisantes" au sein des Affaires étrangères, les agents de ce département ont laissé au vestiaire leur langage feutré de diplomate bon teint pour manifester dans la rue leur ras-le-bol, leur désapprobation vis-à-vis de la politique de Youssouf.

De mémoire de Burkinabè, voire de Voltaïque, c’était une première ! C’est un secret de polichinelle que de dire que le syndicat des Affaires étrangères en voulait à l’ex-chef de la diplomatie burkinabè. Et pour sûr, certains doivent avoir sauté le champagne. Tout comme d’ailleurs les élèves de l’IDRI et leurs parents qui lui en voulaient également pour avoir milité et obtenu la fermeture de ce fleuron sous-régional de formation de diplomates.

Voici étalés les griefs à l’encontre de Youssouf ressassés par certains. D’autres par contre affirment sans sourciller sous les soleils de la IVe République qu’il faut bien plus pour se faire limoger et que si Youssouf quitte le gouvernement, c’est pour retrouver un fauteuil plus moelleux. A la Banque islamique de développement (BID) par exemple.

En effet, il semble que depuis longtemps, notre pays tentait désespérément de positionner l’enfant de Tikaré dans ce lieu culte de la haute finance islamique. Et peut-être que cette nième tentative sera la bonne ? Nous le souhaitons ardemment parce que cela participera du rayonnement de notre pays.

S’il y a aussi un départ qui a un peu surpris, c’est celui du ministre Boureima Badini de la Justice. Pourquoi cet homme réputé proche de Salif Diallo et de Paramanga a-t-il été ainsi mis à la touche ? Si l’on sait que même pour l’équipe Tertius Zongo, ces deux hommes ont pesé de tout leur poids dans le maintien ou le renvoi de certains ministres.

Dans les milieux généralement bien informés, on pense que Badini a pu récolter les pots cassés de la crise qui existe entre lui et le SBM et les gardes de sécurité pénitentiaire.

Parachutes dorés pour ministres déflatés

A-t-il été sorti où a-t-il voulu seulement après de bons et loyaux services passés à la tête de la CNSS et à la tête du département de la Justice se donner un petit temps sabbatique ? Peut-être.

En plus de Badini, Benoît Ouattara fait partie des grands partants ou perdants, c’est selon, lui pourtant que l’on disait adossé à du solide. Mais dans son "malheur", il est moins malheureux que d’autres puisque, élu député, il bénéficie au moins d’un parachute doré, et ce, pour cinq ans ferme.

Il en est de même des ex-ministres Lassané Sawadogo, Aline Koala, Tiémoko Konaté, Hyppolite Ouédraogo, Gisèle Guigma, Amadou Diemdioda Dicko, tous élus au soir du 6 mai. Rien ne dit d’ailleurs que cette donne parlementaire n’a pas participé à la redistribution des postes dans la mesure où il est plus facile de chasser et de recaser un ministre élu qu’un autre qui ne l’est pas.

Et peut-être bien qu’hormis le doyen Adama Fofana qui pourrait faire valoir ses droits à la retraite, certains anciens ministres qui ne peuvent pas siéger à l’Assemblée auront une autre affectation ou une autre promotion car dit-on Blaise Compaoré oublie rarement ceux qui ont réellement travaillé pour lui.

Sont de cette dernière catégorie des personnalités comme Monique Ilboudo, Joseph Kahoun, Boureima Badini, Bonoudaba Dabiré. Jean de Dieu Somda, lui, sera désormais le 2e patron de la commission de la CEDEAO à Abuja. Bref sur les 14 partants, on constate que 8 ont obtenu leur quitus pour siéger 5 ans durant à l’Assemblée.

La France est notre puissance colonisatrice et en bien de points de notre politique, nous la singeons. A preuve, nos lois à quelques virgules et points près sont d’inspiration hexagonale.

Et si nous imitons la France, faisons le jusqu’au bout. Nous avions en effet eu la faiblesse de croire que tout comme le nouveau gouvernement français de François Fillon où les places étaient chères, l’équipe de Tertius aussi serait remarquablement revue à la baisse. Que nenni !

En effet, hormis le ministère de l’Information qui disparaît en tant qu’entité pour faire place au ministère de la Culture, du Tourisme et de la Communication, englobant ainsi deux anciens départements bien distincts, rien de modifié pour les autres.

Est-ce une nouvelle vision qui s’affiche ainsi au sein de ce département où on privilégiera désormais la notion de communication à celle d’information ? Peut-être que Filippe Sawadogo nous situera en temps opportun.

Au risque d’être chahuté par l’autre moitié du ciel, nous pensons aussi que tout comme la nouvelle entité - Culture, Tourisme et Communication, on aurait pu rattacher le département de la Promotion de la Femme à celui de l’Action sociale. A ce jour, hormis les constructions de Maisons de la Femme à travers le territoire et l’organisation du 8-Mars, nous n’avons pas une lisibilité claire du département de la Promotion de la Femme sur le terrain. Avec une telle entité, ce nouveau département aurait eu plus de répondant.

De même, au risque d’être taxé de fossoyeurs des droits de l’homme, il aurait été moins lourd pour les maigres finances de l’Etat si Tertius se décidait à rattacher le ministère de la Promotion des droits humains à celui de la Justice. Cela aurait contribué à réduire le nombre de maroquins mais comme il y a tant de convives à satisfaire, le partage est forcément difficile.

Les tremplins

A l’analyse de la composition de cette nouvelle équipe dirigeante de notre pays, nous nous rendons compte qu’il existe au sein de l’Administration burkinabè des postes qui sont des tremplins pour aller au gouvernement. Sont de ceux-là :

- la Direction de cabinet du Premier ministère ;
- le Secrétariat général du Gouvernement ;
- le Secrétariat général de la Présidence du Faso.

En appelant le jeune Salif Sawadogo au Gouvernement, Tertius Zongo confirme une espèce de loi non écrite : Salif Sawadogo qui était auparavant directeur de cabinet de Paramanga Ernest Yonli n’a fait que suivre nombre de ses devanciers.

En effet avant lui, Clément Sawadogo et Moumouni Fabré qui ont été tous successivement directeurs de cabinet du Premier ministre Paramanga Yonli ont été par la suite propulsés au rang de ministre.

On se souvient qu’avant eux, Paramanga lui-même avait été le premier directeur de cabinet du PM d’alors, Kadré Désiré Ouédraogo. Ce n’est qu’après cela que le prince de Tansarga a été appelé au Gouvernement, en tant que ministre de la Fonction publique, pour ensuite remplacer le 06 novembre 2000, son ancien patron à la tête de l’équipe dirigeante.

Nous disions également que le Secrétariat général du gouvernement est une bonne mise sur orbite pour faire le petit pas qui reste puisque sans l’être formellement, le SG du gouvernement a en fait rang de ministre.

En effet l’histoire récente nous montre à souhait que les ministres suivants ont d’abord occupé ce poste : l’ex-ministre délégué à l’Alphabétisation, Arsène Armand Hien, l’actuel ministre de la Décentralisation, Clément Sawadogo et l’actuelle MEBA, Odile Bonkoungou.

Le Secrétariat général de la présidence est aussi une bonne antichambre pour accéder à la table du Conseil des ministres. Vous voulez des preuves ? En voilà. Il y a quelques années, Soungalo Ouattara assurait les fonctions de Secrétaire général de la Présidence. Depuis trois ans, il est ministre délégué aux Collectivités territoriales. C’est le cas présentement d’Amadou Adrien Koné, jusqu’alors Secrétaire général de la Présidence, il est aussi propulsé au rang de Secrétaire général du Gouvernement.

Alors qui vous dit qu’il n’existe pas de tremplin pour aller au gouvernement même si, en occupant les fonctions sus-citées, on est déjà un cœur du système et il vous suffit de taper dans l’œil des gourous pour faire le dernier pas ?

Salif reste toujours puissant

On note en tout cas que la capacité de Salif Diallo a imprimer sa marque sur les affaires de notre pays reste intacte. Si, dit-on malgré ses rapports difficiles avec François Compaoré, Salif reste toujours au top des affaires de l’Etat, c’est sans doute parce que cet homme pour diverses raisons dont une fidélité de la première heure et à toute épreuve, vaut son pesant d’or aux yeux de Blaise Compaoré.

De plus, même ses adversaires reconnaissent que derrière l’homme politique intraitable à qui on prête souvent de nombreux coups tordus, se cache un vrai bosseur qui a su imprimer sa marque partout où il est passé, comme c’est le cas actuellement à l’Agriculture, à l’Hydraulique et aux Ressources halieutiques. Tout aussi indéboulonnable est Alain Yoda, le seul rescapé des partis ou personnalités qui ont été absorbés par l’ODP/MT en 1996 pour créer le CDP dont il est le coordonnateur régional du Centre-Est.

Et en dépit de ses résultats fort mitigés aux dernières législatives dans son fief du Boulgou où il est malmené depuis quelques années, notamment par des partis de la mouvance présidentielle tels l’UPR et la CFD/B, il reste une étoile montante des acteurs de la scène politique nationale. A l’image d’un Salif et d’un Yoda, des ministres comme Kader Cissé, Hyppolite Lingani et Yéro Boly semblent également pousser des racines au gouvernement. Mais de toutes les promotions, s’il y a une qui mérite d’être signalée, c’est celle de Djibril Bassolé.

Avec son implication dans la résolution des dossiers togolais, ivoirien, on se disait bien que ce colonel de Gendarmerie pourrait bien être le prochain chef de la diplomatie burkinabè où il aura le loisir de terminer le boulot qu’il a commencé à Lomé et à Abidjan. Mais cela se disait au conditionnel et on était loin d’imaginer, en si peu de temps, Djibril Bassolé à ce prestigieux poste. Certes nous l’avions écrit bien avant la formation du gouvernement Tertius Zongo, mais le ton se voulait dubitatif.

Djibril parti, désormais au ministère de la Sécurité, c’est un autre colonel de Gendarmerie, Assane Sawadogo qu’il s’appelles qui le remplace. Assane qui était jusque-là directeur des Archives nationales et qui est l’un des officiers les plus anciens dans son grade passe pour être un proche du Président Compaoré.

Avec donc Djibril Bassolet, Laurent Sédégo, Palm Jean-Pierre, Assane Sawadogo est le 4e officier membre de l’équipe gouvernementale. Si donc de Paramanga à Tertius, le nombre d’officiers membres du Gouvernement est passé de trois à quatre, on ne peut pas en dire autant des femmes qui étaient au nombre de cinq avant et qui sont au même nombre de nos jours. Ainsi donc malgré les discours ampoulés, la place de la femme dans la scène politique n’a connu aucune évolution.

Ambassades cherchent preneurs

En observant la composition de ce gouvernement, on ne peut pas dire que Tertius a oublié ses collègues ambassadeurs dans la répartition du gâteau. Hormis lui-même qui représentait notre pays aux USA, ils sont trois anciens plénipotentiaires à être nommés ministres. Il s’agit d’abord de Filippe Sawadogo, qui était jusqu’à dimanche dernier ambassadeur à Paris. Certes après près d’une dizaine d’années en tant que représentant du Burkina dans l’Hexagone, on le disait partant depuis.

Et c’est ainsi qu’il avait été annoncé comme ambassadeur à Accra ou comme membre du Gouvernement. Et c’est finalement la deuxième hypothèse qui fut juste même si ce n’est pas aux Affaires étrangères comme certains l’avaient annoncé. Cet ancien patron du FESPACO connaît autant le domaine du Tourisme et la Culture que la presse et pour nous, c’est un confrère qui dirigera désormais cette grande entité ministérielle.

Il y a également Céline Yoda. Ancienne secrétaire générale du SPONG, ancienne secrétaire générale du ministère de la Promotion de la Femme, elle était depuis quelques années, ambassadeur du Burkina au Danemark. Avec elle, nous avons aussi Salamata Sawadogo. Magistrate de son état, elle fut secrétaire générale du ministère de la Justice avant d’aller à Dakar comme ambassadeur.

Avec ces trois cas avérés, on ne peut aucunement faire le reproche à Tertius d’avoir omis de convier à sa table quelques uns de ses anciens collègues même si, ce faisant, il dégage des places pour éventuellement recaser certaines personnalités, à commencer par Paramanga qu’on voit mal siégeant à l’Assemblée. Washington, Paris, Copenhague, Dakar, voilà donc à la faveur de la formation du premier gouvernement Tertius, quatre postes dégagés qui préfigurent une petite valse d’ambassadeurs et pour sûr, les querelles de tranchées ont déjà commencé dans ce Burkina où, comme on dit, "les gens ne dorment pas".

A 50 ans, le nouveau P.M. est jeune. Et quoi de plus normal que de faire appel aux jeunes. Sont de ceux-là :
- Vincent Dabilgou
- Salif Sawadogo
- Minata Samaté
- Gilbert Ouédraogo
- Ousséni Tamboura.

Nous n’omettrons pas de signaler, dans ce bouillon éditorial, l’entrée au gouvernement de Lucien Marie Noël Bembamba. Ancien D.G. du Trésor, ce cadre de la BCEAO n’est pas seulement le beau-frère de Blaise. C’est aussi, dit-on, un homme compétent, discret et affable qui a été appelé à gérer le Budget de l’Etat. Pas plus tard que le 2 mars 2007, dans un "grand entretien" que nous avions publié, nous lui avons posé la question suivante : "On vous a souvent vu en ministre des Finances ou du Budget. Avez-vous déjà été approché pour cela ou est-ce plus juteux d’être DG du Trésor que membre du gouvernement ?"

Voici ce qu’il avait répondu après avoir laissé échapper un rire : "Sachez que je ne suis pas le genre à courir derrière les postes. L’essentiel pour moi, c’est de remplir correctement la mission qui m’a été confiée. Je pense qu’à tous les niveaux on peut bien servir son pays". Ce doit être ce qu’on appelle "réponse diplomatique" et s’il n’a pas couru derrière le poste, il a quand même fini par arriver là où beaucoup de gens l’attendaient depuis.

Boureima Diallo

L’Observateur

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