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Tertius Zongo à la primature : L’accueil de l’opinion

Publié le mercredi 6 juin 2007 à 07h57min

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Comme on le sait maintenant, par décret n°2007-349/PRES du 4 juin 2007, le président Blaise Compaoré a nommé Tertius Zongo Premier ministre. Il remplace à ce poste Ernest Paramanga Yonli qui avait rendu sa démission la veille après sept ans de bons et loyaux services.

En attendant la formation de la nouvelle équipe gouvernementale, comment les Burkinabè ont-ils accueilli cette nomination ? Voici ce qu’en pensent quelques citoyens que nous avons interrogés dans les milieux politique, syndical, estudiantin et commerçant.

• Harouna Compaoré (organisation nationale des commerçants du Burkina, section du Centre) : "Nous avons des problèmes avec la Douane et les Impôts"

Au niveau de notre structure syndicale, nous ne voyons pas d’inconvénients dans la nomination de Tertius Zongo au poste de Premier ministre. Nous estimons que c’est au vu de ses compétences qu’il a été choisi pour conduire le futur gouvernement. Et tout ce que nous lui souhaitons, c’est que Dieu lui donne toute la force nécessaire pour mener à bien son combat, et qu’il puisse améliorer les conditions de vie des Burkinabè et particulièrement des commerçants.

Ce que nous attendons concrètement de lui, c’est qu’il accepte nos approches pour soumettre aux autorités les difficultés que nous rencontrons dans nos activités. Il doit écouter attentivement nos doléances. Nous avons énormément de problèmes au niveau de la douane, des impôts, et nous espérons qu’il prendra des mesures pour faciliter notre tâche.

• Seydou Zangré (Président de l’Association jeunesse du secteur informel) : "Qu’il nous donne notre place à la Chambre de commerce"

Tertius Zongo a été au préalable ministre de l’Economie et des Finances, et pour nous, acteurs du secteur informel, c’est la joie que de voir qu’un financier accède à la Primature.

Ayant une certaine majorité dans le secteur privé, même si nous souffrons de notre inorganisation, nous estimons qu’il doit prendre en compte nos préoccupations.

L’urgence à notre niveau, c’est l’élection des membres de la Chambre consulaire dont nous avons été exclus. A notre avis, il est temps que nous soyons partie prenante de la Chambre de commerce, car vous n’ignorez pas que le secteur informel contribue à hauteur de 32% au produit intérieur brut (PIB). Alors il n’y a pas de raison que nous n’ayons pas notre point de vue à donner sur les décisions qui nous concernent.

Donc il faudra que le nouveau Premier ministre comprenne cela et qu’il voie comment nous aider. L’élection des membres consulaires est fixée au 24 juin. Nous pensons que d’ici là, le gouvernement sera formé. L’actuel ministre du Commerce n’a pas pris en compte nos préoccupations, et nous espérons que Tertius Zongo instruira le futur ministre en charge du Commerce de tenir compte de notre place dans la prochaine Chambre de commerce.

• Hermann Yaméogo, président de l’UNDD : "Il a le profil de l’emploi"

Tertius Zongo est un homme compétent, d’expérience, un bourreau de travail qui a le contact facile. C’est aussi un fidèle du chef de l’Etat qui n’a pas d’ambition personnelle affichée. Il a donc le profil de l’emploi de Premier ministre sous la IVe République.

Il fera et fera bien ce qu’il a à faire dans les limites des instructions qu’il recevra de Blaise Compaoré qui est le seul donneur d’ordres et celui pour le compte de qui se mène la politique de la Nation.

Ne l’oublions pas, le chef du gouvernement au Burkina Faso, aux termes de la Constitution comme au regard de la pratique politique, n’a pas les compétences d’un Tony Blair, d’un Ehoud Olmert ou d’une Angela Merkel, pour peser sur les décisions et encore moins impulser les véritables politiques de réforme dont le pays a tant besoin, aux plans de la réhabilitation de la justice, de la démocratie comme de la juste répartition des fruits de la croissance.

• Nestor Bassière, président de l’UPS : "On l’a vu défendre l’indéfendable"

D’abord il faut dire que c’est une surprise pour moi, car je ne m’attendais pas à ce que ce soit Tertius Zongo qui soit nommé Premier ministre.

C’est une personne qui a beaucoup de valeur intrinsèque. Mais aura-t-il les mains libres pour mener à bien la mission qui lui sera confiée ? Car, il fait partie du système en place, il est du sérail, donc il sera ce que le chef voudra qu’il soit. Il va exécuter les ordres que son patron lui donnera. Avec cette nomination, on confirme qu’au Burkina, on prend toujours les mêmes et on recommence.

En attendant de connaître l’équipe qu’il va constituer, ce qu’il faut craindre est que Tertius Zongo n’ait pas les coudées franches pour agir. Et puis sans préjuger de rien, on a l’impression que c’est toujours une sorte de rotation que l’on fait au niveau de la composition du gouvernement. Ce sont les mêmes hommes qui changent de place, et c’est toujours le même système qui se perpétue.

Le nouveau PM n’est pas inconnu, car du temps où il était ministre des Finances et porte-parole du gouvernement, il était techniquement bon, mais on l’a vu défendre l’indéfendable. Je pense que sa marge de manœuvre sera restreinte.

• Achille Tapsoba, député CDP : "Un bon choix qui tiendra ses promesses"

Je dois dire que la nomination de Tertius Zongo comme Premier ministre est une bonne surprise dans la mesure où c’est une personnalité qui a déjà fait ses preuves au Burkina Faso, en assumant différentes grandes fonctions. Il maîtrise aussi les questions internationales, et a bien représenté le Burkina aux USA. C’est donc un bon choix qui va tenir toutes ses promesses, avec sûrement une équipe gouvernementale solide, ce qui permettra la maîtrise des différentes données, et une bonne coordination de l’action gouvernementale, pour réaliser le programme quinquennal du président Blaise Compaoré.

• Mahamady Ouédraogo, 1re année linguistique : "On n’a pas oublié cette rumeur de malversations"

L’on pouvait s’attendre à tout le monde sauf à M. Tertius Zongo comme nouveau Premier ministre. Il a contre lui les rumeurs faisant état de malversations du temps où il était ministre de l’Economie et du Budget. Il a certes les compétences intellectuelles pour la fonction de Premier ministre, mais cette rumeur, beaucoup ne l’ont pas oubliée. Des urgences l’attendent.

Il n’y a pas longtemps, l’Université était en grève. Il y a eu quelques mesures favorables aux étudiants, mais beaucoup reste à faire. Le nouveau Premier ministre doit surtout œuvrer à promouvoir le développement économique et social du Burkina Faso. Depuis plusieurs années, nous sommes avant-dernier au classement du PNUD.

M. Tertius Zongo est économiste de formation et cela constitue un atout pour lui dans sa nouvelle fonction. Il doit véritablement lutter contre la corruption qui est la principale cause de notre mauvais classement selon l’IDH.

• Sahoudatou Boly (4e année économie) : "Il ne m’inspire pas confiance"

La nomination de Tertius Zongo comme Premier ministre a été une surprise générale. Quand il était ministre de l’Economie, il y a eu la rumeur selon laquelle il était au centre d’une affaire de malversations. Vrai ou faux ? je ne sais pas. Espérons maintenant qu’il fera mieux que son prédécesseur.

Le nouveau Premier ministre est réputé être un beau parleur. Quand il s’adresse à vous, en fin de compte vous ne distinguez plus le faux du vrai. Franchement, il ne m’inspire pas confiance. J’attends de lui de vraies actions contre le chômage. Quand je vois des étudiants, diplômes en main, frappés par le chômage, j’ai peur pour mon avenir.

• Armand A. Héma (4e année droit) : "Je lui souhaite bon vent"

Il faut que cette nomination marque une rupture avec l’ancienne forme de gouvernance que nous avons connue jusque-là. Avec la précédente équipe gouvernementale, de nombreuses promesses ont été faites, mais rien n’a suivi. J’espère que Tertius Zongo fera du dialogue social un moyen de gestion du pays.

Je ne le connais pas bien. On dit qu’il est un bon technocrate, mais qui a été en deçà de ce qu’on attendait de lui quand il était ministre. Je ne peux que lui souhaiter bon vent dans sa nouvelle mission. J’attends qu’il fasse du Burkina un pays émergent.

• Lassané Maïga (3e année droit) : "Nous espérons qu’il va faire une politique de rupture"

C’est un technocrate, et en plus de cela il a acquis l’expérience de la diplomatie pour avoir représenté notre pays à Washington. Nous espérons qu’il va nous proposer une nouvelle politique en rupture totale avec ce qu’il y a eu jusque-là : tout est prioritaire, on ne peut rien faire. J’attends de lui qu’il privilégie dans sa politique l’éducation, la santé et l’autosuffisance alimentaire. Cette option pourrait nous faire gagner quelques points dans le classement annuel du PNUD.

A l’Université particulièrement, nous attendons de lui l’abrogation du décret portant création de la police spéciale des universités ou service de sécurité des universités. C’est un décret liberticide.

• El hadj Mamadou Nama, SG de l’USTB et président du mois des Centrales syndicales et syndicats autonomes du Burkina : "Ouvrir un œil constructif sur nos problèmes"

M. Paramanga est resté environ 7 ans à la Primature. Sous son règne, le processus démocratique a connu des avancées, même si on a senti entre-temps un petit recul ; il y a beaucoup de choses qui ont été faites. Au plan strictement syndical, même si nous avons eu beaucoup d’accrocs, il n’en demeure pas moins qu’il a été l’un des artisans de la construction du dialogue social ; je serais de très mauvaise foi si je venais à ne pas reconnaître qu’il a favorisé ce dialogue au Burkina Faso.

Ça, c’était pour le partant ; mais que pensez-vous du nouveau venu ?

• Nous apprécions à sa juste valeur l’arrivée de Tertius Zongo à la tête du gouvernement. Si je ne m’abuse, l’homme a déjà été ministre des Finances. A l’époque, les organisations syndicales faisaient encore partie du système électoral burkinabè.

Vous vous rappelez qu’avec le retour à une la vie constitutionnelle normale (1991), les organisations syndicales ont été appelées par les autorités à travailler à faire avancer le processus démocratique. C’était une première dans notre pays. Malheureusement, ceux qui avaient besoin de nous sont ceux-là qui ont jugé par la suite qu’il fallait que les structures syndicales se mettent en marge du processus démocratique. C’est ce qui est arrivé finalement.

J’ai connu Tertius Zongo quand il était ministre des Finances, parce que j’étais membre de la CENI au titre des organisations syndicales. Je pense que M. Zongo est un homme de dialogue, un homme d’expérience très avancée. C’est vrai que les hommes changent, on peut changer en bien ou en mal, mais tel que je l’ai connu, s’il persiste, je ne pense pas que ce soit un mauvais remplacement, il est qualitatif.

Qu’attendez-vous du nouveau Premier ministre ?

Nous attendons beaucoup de l’actuel chef du gouvernement. M. Paramanga nous a laissé en route, quand bien même il aurait été utile à un moment au dialogue social, comme je l’ai dit tantôt. Nous avons des plates-formes revendicatives qui sont en place, nous avons demandé un relèvement des salaires de 25%, on ne nous a accordé que 5%, ce qui n’est pas une réponse à notre revendication ; nous avons d’autres points de revendication , notamment sur les retraites, la protection sociale, un ensemble de revendications syndicales qui sont jusqu’aujourd’hui restées lettre morte.

Donc nous attendons du nouveau Premier ministre une reprise du dialogue social ; que le gouvernement ouvre un œil constructif sur les problèmes que nous posons. Pour nous, c’est une continuité, Paramanga s’en va, mais il n’en demeure pas moins que les problèmes sont en l’état, et nous entendons au moment utile réagir.

Propos recueillis par
Kader Traoré
Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana
Alain Zongo St Robespierre
Agnan Kayorgo

L’Observateur

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