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Le Burkina Faso de Blaise Compaoré se prépare à passer à une nouvelle étape de son développement économique et social (4/5)

Publié le mardi 5 juin 2007 à 07h40min

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Le dernier Discours sur la situation de la nation de Paramanga Ernest Yonli, Premier ministre, devant l’Assemblée nationale le 29 mars 2007, revêtait une double signification. La première pouvait être affirmée : "C’est dans un contexte marqué par la fin de mandat de la troisième législature de la IVème République et la préparation des prochaines élections législatives que je me présente [...] pour le traditionnel Discours sur la situation de la nation".

La deuxième était sous-entendue : Yonli occupe la primature depuis près de sept ans et devra, sans doute, céder la place au lendemain des législatives 2007. C’est le dimanche 6 mai 2007, dans un calme qui confinait à la torpeur (renforcée par une chaleur accablante), qu’elles se sont déroulées. Les premiers résultats provisoires sont tombés sans susciter de surprises (et guère de contestations recevables par le CENI).

Comme l’écrivait hier, dans son édition du mercredi 9 mai 2007, L’Observateur Paalga, quotidien indépendant : "Tout compte fait, d’un scrutin à l’autre, la transparence s’installe dans le processus démocratique crescendo au Burkina". Ce sont les quatrièmes législatives depuis la démocratisation du Burkina Faso et, cependant, face au pouvoir, les oppositions n’ont pas encore réalisé leur unité. Loin de là : 30 formations lors du scrutin 2002 et 47 en 2007 ! Ce qui ne peut que réjouir le CDP. Pas totalement.

Au sein du pouvoir, chacun sait qu’il vaut mieux des opposants à l’Assemblée nationale que dans la rue. Mais le pouvoir est attractif et dans les circonscriptions, les électeurs pensent que l’Etat ayant plus de moyens que les provinces, il vaut mieux s’intéresser au centre qu’à la périphérie. C’est pourquoi, sur les 111 élus, 96 le sont au titre des listes provinciales et 15 autres au titre de la "liste nationale ".

Le CDP, qui impulse la vie politique, économique et sociale du pays, y est nécessairement "majoritaire". Les législatives sont donc sans surprise et ne visent qu’à permettre à une force d’opposition de s’exprimer légalement sans, pour autant, empêcher le pouvoir de s’exprimer totalement. Ce qui pourrait être problématique ailleurs - où l’immobilisme l’emporte sur le "développementalisme" - ne l’est pas ici tant que le Burkina Faso obtient des résultats économique et sociaux probants. Au plan national comme au plan international.

Ce qui a changé ici, en pays mossi, c’est que l’on a compris que si le Burkina Faso était le centre du monde, cela impliquait également de jeter un regard sur le Reste du Monde. Plus encore quand ce coup d’œil, lancé de plus en plus avec insistance, permet de régler des comptes et de conquérir des positions profitables. Dans son Discours sur la situation de la nation, Yonli rend un "hommage mérité " à Blaise Compaoré pour ce qui est de l’action diplomatique : "Dans la même période, écrit-il, notre pays a conforté sa position de leadership régional grâce aux qualités exceptionnelles du président du Faso, Son Excellence Monsieur Biaise Compaoré. C’est aujourd’hui un fait incontournable qu’il est une chance pour notre pays, pour notre sous-région et même pour l’Afrique. La communauté internationale lui est redevable du retour de la paix au Togo à la faveur de l’accord global de Lomé du 30 août 2006 qu’il a parrainé, et aux perspectives nouvelles de solutionnement de la crise ivoirienne, sur la base de l’accord politique de Ouagadougou du 4 mars 2007, négocié et signé sous son égide ".

Etant acquis que Compaoré est "incontournable ", il reste à structurer la vie politique du pays. C’est une des fonctions dévolues aux législatives. Le CDP est largement majoritaire ; c’est là aussi "incontournable". Au-delà de ce parti "présidentiel", la deuxième force politique est l’ADF/RDA (statut qui avait été perdu lors des municipales d’avril 2006, l’ADF/RDA avait alors été devancé par l’UPR, mieux implanté localement), le parti de Gilbert Noël Ouédraogo, fils du "Vieux", le "Duc du Yatenga", Gérard Kango Ouédraogo. Gilbert Ouédraogo est ministre des Transports et, malgré cela, "chef de file de l’opposition" (cf. LDD Burkina Faso 0100/Mercredi 18 janvier 2006 et 0108, 0109, OUI et 0112/Lundi 27, Mardi 28 avril 2006, Jeudi 4 et Vendredi 5 mai 2006), ce qui est, au Burkina Faso, une fonction "réglementée". Que revendiquait un autre héritier, le fils de "Monsieur Maurice", Hermann Yaméogo (cf. LDD Burkina Faso 044 à 048/Lundi lia Vendredi 15 octobre 2004). Mais le président de l’UNDD (candidat sur la "ligne nationale " mais en position inéligible) a choisi un mode de production politique dont la presse burkinabé dit qu’il est "aux antipodes de l’orthodoxie en la matière" (il a annoncé publiquement qu’il n’irait pas voter), évoquant même un "hara-kiri politiquement parlant"’.

Il faudra, sans doute, recomposer, aussi, l’opposition dont une figure attachante vient de tomber : Philippe Ouédraogo. Le "premier polytechnicien burkinabé", fidèle à ce qu’il avait été bien plus qu’à ce qu’il devait être, n’a cessé de radicaliser son comportement dans un contexte politique qui se banalisait. Une disparition de la scène politique (pour ce qui est de l’Assemblée nationale) qui vient s’ajouter à celle du professeur Joseph Ki-Zerbo, récemment décédé (cf. LDD Burkina Faso 0116 à 0118/Vendredi 8, Lundi 11 et Mardi 12 décembre 2006) ; une mort qui pèse sur son parti, le PDP/PS.

Face aux deux partis en position dominante (absolue pour le CDP et très relative pour VADP/RDA), il y aura une dizaine d’autres partis représentés à l’Assemblée nationale pour une grosse vingtaine de sièges de députés. La meilleure façon de marginaliser les partis sans pour autant empêcher l’émergence de quelques personnalités dont plusieurs auront vocation à rejoindre le club des "mouvanciers" comme on dit ici.

Après les municipales en 2006 et les législatives en 2007, Compaoré dispose donc d’une nouvelle photographie de la scène politique qui va lui permettre de composer la future équipe gouvernementale. Dont la tâche ne sera pas facile. Dans son Discours sur la situation de la nation, le Premier ministre Yonli, a affirmé que tous pouvaient être "fiers du bilan de notre action commune qui rapproche notre pays de nos objectifs en matière d’enracinement de la démocratie et de développement économique et social". Il ajoutait : "Je suis particulièrement fier de notre bilan social qui se traduit par des performances remarquables en matière de taux de scolarisation et par de nombreux acquis dans le domaine combien sensible des droits des travailleurs. Notre économie s’est également bien comportée durant toute cette période et a pu ainsi résister aux chocs extérieurs provoqués par la crise ivoirienne, la chute du dollar, la flambée des prix du pétrole et la chute vertigineuse du prix du coton, dont notre pays est devenu le premier producteur en Afrique". Au total, dira Yonli, le Burkina Faso a réalisé des "performances remarquables en matière de gouvernance politique et économique ".

"Performances remarquables", mais fragiles et qu’il convient de consolider afin de passer à une étape supérieure du développement économique et social. Il serait faux de dire que le plus facile a été accompli (passer le cap de la "Révolution" et sortir de ses mauvaises habitudes politiques, économiques et sociales) mais il faut reconnaître que rien n’ayant été accompli au cours des décennies précédentes, il y avait une marge de manœuvre permettant de changer la physionomie du pays. Encore fallait-il en avoir la volonté politique et de s’en donner les moyens malgré les risques (internes et externes) ; c’est le job qu’a assuré Compaoré.

Le Burkina Faso s’est fondé sur une Haute-Volta toujours brinquebalante : d’où la "Révolution" de 1983 qui a été un formidable instant de l’Histoire du pays mais rien d’autre qu’un instant. Il fallait donc refonder le Burkina Faso en faisant d’autres choix que la violence quand bien même cette violence se voulait "progressiste" et sociale alors qu’elle était coercitive. injuste et improductive.

A suivre

Jean-Pierre Béjot

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Vos commentaires

  • Le 21 juin 2007 à 11:26 En réponse à : > Le Burkina Faso de Blaise Compaoré se prépare à passer à une nouvelle étape de son développement économique et social (4/5)

    Bonjour et merci au fasonet pour ces articles et les efforts fournis pour nous informer. Comment peux-t’on joindre Mr BEJOT car il fait souvent des erreurs dans ces articles. Dans un des précédents, il affirmait que l’ADF-RDA a repris sa place de 2nd parti avec les législatives car il était 3ème au municipales ce qui est complètement faux. L’ADF-RDA a toujours été 2ème même pour les municipales.
    Voilà le passage de l’article en question :"Etant acquis que Compaoré est "incontournable ", il reste à structurer la vie politique du pays. C’est une des fonctions dévolues aux législatives. Le CDP est largement majoritaire ; c’est là aussi "incontournable". Au-delà de ce parti "présidentiel", la deuxième force politique est l’ADF/RDA (statut qui avait été perdu lors des municipales d’avril 2006, l’ADF/RDA avait alors été devancé par l’UPR, mieux implanté localement), le parti de Gilbert Noël Ouédraogo, fils du "Vieux", le "Duc du Yatenga", Gérard Kango Ouédraogo. Gilbert Ouédraogo est ministre des Transports et, malgré cela, "chef de file de l’opposition" (cf. LDD Burkina Faso 0100/Mercredi 18 janvier 2006 et 0108, 0109, OUI et 0112/Lundi 27, Mardi 28 avril 2006, Jeudi 4 et Vendredi 5 mai 2006), ce qui est, au Burkina Faso, une fonction "réglementée". Que revendiquait un autre héritier, le fils de "Monsieur Maurice", Hermann Yaméogo (cf. LDD Burkina Faso 044 à 048/Lundi lia Vendredi 15 octobre 2004). Mais le président de l’UNDD (candidat sur la "ligne nationale " mais en position inéligible) a choisi un mode de production politique dont la presse burkinabé dit qu’il est "aux antipodes de l’orthodoxie en la matière" (il a annoncé publiquement qu’il n’irait pas voter), évoquant même un "hara-kiri politiquement parlant"’.L’UPR n’est pas mieux implanté localement que l’ADF-RDA et est 3ème après le RDA.Lasso, militant ADF-RDA.

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