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Le G14 ou la politique du " médecin après la mort "

Publié le jeudi 31 mai 2007 à 08h03min

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Des leaders du G14

Ils font la même gueule, la gueule de bois des lendemains électoraux. Celle-là qu’ils font depuis maintenant une décennie et demie après chaque raclée électorale. Curieux réflexe ou instinct grégaire que rien apparemment ne peut exorciser.

Alors ils se sont souvenus, une fois de plus après la cuisante défaite, qu’ils appartenaient à une famille politique... Comme les saumons, ils ont remonté le cours du fleuve, à l’heure des pontes (pour eux, disons à l’heure de la déconfiture) pour aller poser leurs sempiternelles lamentations.

Et chaque fois, ils s’appliquent comme c’est pas possible, pour dire la même chose dans les mêmes termes. Les mêmes hommes si studieux devant le "mur des lamentations" qu’est devenu maintenant le siège du PAI. Une enceinte refuge des moments de désespérance. En observateur de la vie politique, je ne me souviens plus de quand date la tenue d’une réunion prospective (c’est-à-dire une rencontre qui anticipe et prépare à faire face) en ces lieux. La dernière fois, sauf ignorance de ma part, c’était en 2004 pour s’entendre sur une éventuelle candidature unique à la présidentielle de 2005.

A cette réunion là, il y avait eu moins d’enthousiasme. Il faut croire que celui-là, l’enthousiasme bien entendu, ne revient que lorsque tout est irrémédiablement perdu.
Alors les leaders du G14 se retrouvent là pour constater qu’ils ne peuvent plus rien faire. Que c’est foutu gâté. Et curieusement, c’est en ce moment qu’ils se serrent les coudes. Indicible instinct, n’est-ce pas ? Ce n’est pas loin de ressembler à la malédiction de Sisyphe.

Mais enfin, il en va de l’opposition comme du parti gouvernant ; "nous avons l’opposition que nous méritons".
Et donc la réunion rituelle s’est tenue pour dire que nous allons aller cuire en enfer parce que le CDP va revoir le code électoral, il va changer la constitution pour réintroduire le mandat illimité pour le président du Faso. Ils nous le disent maintenant, en nous culpabilisant comme si eux, ils nous avaient offert une autre alternative.

Bien sûr qu’ils se sont présentés candidats et nous aurions dû les élire. Mais ils n’ont pas compris que nous leur demandions ce qu’ils allaient faire de nos votes. Il y a donc depuis plus d’une décennie maintenant ce hiatus entre les Burkinabè et leur opposition. Notre opposition nous exige notre suffrage, sans répondre au préalable à la question principielle "qu’allez vous faire de nos votes" ? La question est d’autant plus importante qu’un cas concret l’illustre à l’occasion du scrutin qui vient de s’achever. Imagions que Ouagadougou était le Burkina Faso. Avec les résultats actuels du Kadiogo, peu importe ce qu’en pensent Simon et compagnie, l’opposition est majoritaire avec ses cinq sièges.

Si Ouagadougou était le Burkina Faso, croyez-vous que les cinq députés de l’opposition se seraient entendus pour gouverner ? Cette situation n’aurait-elle pas débouché sur des institutions ingérables ? A chacun d’y réfléchir, mais notre religion est faite. Ces gens de l’opposition se détestent tellement qu’ils auraient fait le choix du pire. C’est vrai que nulle part au monde les politiques ne s’embrassent sur la bouche. Mais ailleurs, on sait ne pas confondre l’intérêt supérieur de la Nation au sien propre.

Les Burkinabè ont la jugeote !

A quelques jours des législatives qui viennent de s’achever, nos pas nous ont conduit à Rood Woko. Nous y étions non pas en journaliste, mais en simple quidam pour nos propres besoins. Et nous avions entendu une conversation qui nous avait intrigué. Un jeune vendeur, à la vue de l’affiche du RPC (l’affiche avec le coq rouge), disait, nous allons essayer "la soupe ", parce que nous sommes fatigués d’avaler les "graines qui ne poussent pas". A l’arrivée, "le coq " n’est pas entré dans le quinté de l’opposition, mais le CDP ( l’épi de maïs) n’a pas autant attiré que les autres fois.

Les Burkinabè savent donc choisir. Encore faut-il qu’on leur fasse des offres. En observant bien les deux derniers scrutins, municipales de 2006 et les législatives 2007, on remarque nettement que l’électeur burkinabè sait se prononcer quand on lui pose les vraies questions de choix. Deux exemples pour l’illustrer. Il y a eu Dori où les électeurs, devant une alternative crédible au CDP, ont fait leur choix, en portant Arba Hama Diallo à la tête de la mairie.

Alors que les leaders locaux du CDP, incapables d’analyser la décision des électeurs, pensaient à une étourderie électorale, les Doriens viennent de confirmer leur choix de la plus claire façon en désavouant les candidats CDP dans leur propres secteurs. Ainsi au secteur 3 de Dori où réside l’Emir, Maïga Oumarou Nouhoun, Baba Hama, le CDP a été battu par le PDS de Arba Diallo.

Idem au secteur 4 où habitent et votent le ministre Kader Cissé et l’ex-maire de Dori et toujours secrétaire provincial du CDP. Dans la province, le PDS est en tête en nombre de suffrages, ce qui fait dire à un Dorien, devant le projet d’un candidat malheureux de la majoritaire, d’introduire un recourt, que même si les juges "acquis" (cette expression est bel et bien du ministre Badini et non de L’Evénement) annulaient 1000 votes, le PDS garderait toujours son siège.

Le deuxième exemple qui montre à souhait la maturité des électeurs burkinabè, c’est le cas de Pô. Suivant la même logique, les pontes locaux du CDP ont cru que le peuple s’était trompé. Ils ont tout fait et obtenu la dissolution du Conseil communal qui était présidé par un maire PAI. On a redonné la parole une nouvelle fois au peuple qui ne s’est pas déjugé.

Tirant leçon de ces exemples, il faudrait à nos chers leaders du G14 d’arrêter cette musique de deuil. Ce n’est pas le peuple qui n’a pas compris. Ce sont eux qui sont en retard d’une évolution. En effet, il est étonnant de voir, comme des éphémères devant la lumière des néons, l’opposition aller chaque fois au casse pipe avec le même entêtement.

La meilleure lutte, c’est la réfondation

Il n’est pas compréhensif que des leaders politiques, dont certains sont vraiment avertis, ne comprennent pas que le système dans lequel ils veulent vaille que vaille s’insérer est imaginé, construit pour ne pas les admettre. Que la vraie lutte qui vaille, c’est celle de la refondation du processus qui doit être reconstruit pour être enfin démocratique.

Cette ambition ne se réalise pas seul. Faute de la réaliser ensemble, les leaders de l’opposition ne réaliseront rien non plus. Ce sera ainsi jusqu’à la saint glin glin. Des illusions de représentativité qui alterneront avec des réveils douloureux. Le PDP/PS se flattait jusque-là d’être le véritable premier parti de l’opposition. Il n’est plus rien aujourd’hui. L’UNIR/MS avec ses quatre députés veut s’engouffrer dans la même illusion.

Le temps d’une mandature certainement. Comme aime à le dire, lucidement, Laurent Bado : si le pouvoir ne veut pas que vous soyez élu, vous ne le serez pas. C’est ça le système actuel. Et c’est dans celui-là que les exclus avec l’énergie du désespoir se crêpent pour y entrer. Il faut refonder démocratiquement notre processus. Notre peuple est prêt. Il attend que les leaders politiques fassent leur mue.

Par Newton Ahmed Barry

L’Evénement

P.-S.

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