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Affaire du pont de Bourèye (route Kaya-Dori) : Des explications qui ne tiennent pas... la route

Publié le lundi 28 mai 2007 à 08h16min

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Ainsi donc, le pont de Bourèye, au PK 20 sur l’axe Dori-Kaya, ne s’est pas effondré suite à la pluie diluvienne du 6 mai 2007. On ne va donc pas s’émouvoir outre mesure d’un petit problème de remblai, du reste vite remblayé comme se sont attachés à le montrer et à le démontrer les responsables de la Direction générale des routes (DGR) et les techniciens de l’entreprise commise à la tâche.

Les journalistes, semble-t-il, avaient donc tout faux quand ils ont crié au scandale, laissant croire que c’est l’ouvrage même qui s’était écroulé alors que ce n’est rien d’autre qu’une de ses parties, même pas importante on aurait dit, qui s’est détériorée.

On les voit déjà, tout penauds d’avoir distillé pareille contrevérité à mille lieues des faits. Les parties prenantes à l’affaire ne se sont d’ailleurs pas fait prier pour dire tout le mal qu’ils pensaient de ces pisse-copies quand les médias ont été invités, mercredi dernier, à aller sur place voir la réalité des choses (cf. L’Observateur paalga n°6893 du vendredi 25 mai 2007).

Certains excités n’ont d’ailleurs pas hésité à s’en prendre au pauvre reporter du Journal du Jeudi (JJ) pour une méchante caricature que son canard a publiée, pendant que d’autres espéraient alpaguer l’auteur d’un édito de l’Observateur paalga (1), qui, fort heureusement, n’était pas de la sortie.

C’est donc, une fois de plus, la faute à ces affreux "bombardiers" qui ne sont certainement pas toujours exempts de toute critique, mais qui sont, bien souvent, une poitrine fort confortable sur laquelle beaucoup préfèrent battre leur propre coulpe. Mais soyons sérieux ! Car en l’espèce, les explications ésotériques des techniciens, pour convaincantes qu’elles puissent paraître et dont le but est parfois d’embrouiller le vulgum pecus, ne résistent pas à l’analyse. Les profanes que nous sommes pensaient naïvement en effet que ces fameux délot et remblai faisaient partie du pont, qui n’est quand même pas suspendu dans le vide ; de sorte que, comme dans tout système, chacun des éléments est interdépendant des autres et n’a de sens que par sa relation au tout. Un philosophe ne disait-il pas que "le tout sans une partie n’est pas le tout" ?

De ce fait, cet argumentaire spécieux selon lequel c’est le remblai (masse de terre apportée pour élever un terrain ou combler un creux) du dalot (petit canal dallé sous une route) et non le gros œuvre qui se serait effondré comme château de cartes ne semble pas tenir... la route. Que les sols soit sablonneux et particulièrement érosifs dans cette partie du Burkina, on veut bien, mais c’est précisément pour cela qu’il faut faire des infrastructures en conséquence.

Qu’on doive, pour cela, se contenter de données pluviométriques décennales parce que, faute de moyens, on ne peut disposer de chiffres centennaux, on ne peut s’en étonner dans un pays pauvre très endetté comme le Burkina. Seulement, on ne peut opposer de tels arguments à la famille du jeune Karim Compaoré dont la voiture a terminé sa course dans les flots à cause des remblais détruits d’un dalot et non du pont à proprement parler. Allez leur expliquer toutes ces subtilités architecturales qui ramèneront, ou n’en doute pas, leur proche à la vie. Nous serions d’ailleurs dans un pays normal que les ayants droit de la victime pourraient ester en justice et gagner à coup sûr leur procès. Mais comme au "pays des hommes intègres", c’est la faute au remblai du dalot...

On l’a compris, si cette histoire provoque tant d’émotion, c’est certes parce que l’ouvrage n’a pas encore été réceptionné, mais aussi et surtout parce qu’il y a eu mort d’homme. Inutile donc de se ruiner en de vaines justifications ou de chercher des boucs émissaires. C’est sans doute aussi un signe supplémentaire de l’exaspération, voire de la colère de citoyens-contribuables qui en ont marre, sols sablonneux et érosifs ou pas, de ces écoles qui s’écroulent avant même d’accueillir le moindre élève ; de ces routes qui se dégradent sans qu’on ne les ait jamais empruntées ; de ces murs qui tombent au premier coup de vent. Et ça, les journalistes n’y sont pour rien.

Qui ne se rappelle cette RN1 (Ouaga-Bobo), lessivée alors même que l’entreprise qui l’a bitumée n’avait pas encore rangé ses bulldozers et qu’on est aujourd’hui obligé de replâtrer à coup de milliards ? On nous dit que l’Etat burkinabè a de fortes chances de sortir vainqueur du contentieux qui l’oppose à Razel, mais quand bien même il serait dédommagé, ces pièces à coller goudronnées seront toujours la trace visible de l’incurie qui a entouré cette affaire.

En vérité, le secteur du BTP (Bâtiment et travaux publics) a, de tout temps, été considéré, à tort ou à raison, comme un haut lieu de la haute corruption et du "je retiens" : des entrepreneurs qui sous-dosent les agrégats pour avoir des marges bénéficiaires substantielles ; des contrôleurs qui ferment les yeux pour pouvoir ériger leur propre bunker avec les dessous de table ; des responsables politico-administratifs spécialistes d’un bakchich presque réglementaire... tel serait en effet les usages dans ce temple de l’opacité.

Et ce ne sont pas des cas malheureux comme celui de Bourèye, devenu tristement célèbre, qui vont lever le voile de suspicion qui entoure la construction des infrastructures. N’allez surtout pas dire encore qu’en écrivant cela on veut inciter Blaise Compaoré à chasser certains responsables et qu’on veut prendre leur place (2).

L’expérience a d’ailleurs montré que le chef de l’Etat, dont le silence et l’inaction confinent parfois au soutien implicite de certains écarts, n’a que faire des critiques des échotiers qui sont, au mieux, aigris, au pire, stipendiés par des gens tapis dans l’ombre.

La rédaction

Note (1) Y en a marre de ces ouvrages bâclées, "Regard sur l’actualité", paru dans notre livraison n°6884 du vendredi 11 mai 2007.

(2) : C’est en effet ce qu’avaient laissé entendre certains après un édito de l’Observateur paalga intitulé "Route Ouaga-Bobo = SCANDALEUX"

L’Observateur Paalga

P.-S.

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