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Le Burkina Faso de Blaise Compaoré se prépare à passer à une nouvelle étape de son développement économique et social (1/5)

Publié le vendredi 25 mai 2007 à 08h19min

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Blaise Compaoré

Le Burkina Faso était, jusqu’à ce dimanche 6 mai 2007, en campagne pour les législatives. Qui ne bouleverse guère la population mais a vidé la capitale de ses hommes politiques ; ceux qui sont au pouvoir et ceux qui voudraient l’être sont partis en campagne à la... campagne.

Le pays reste rural : 79,7 % des habitants selon le dernier recensement démographique qui vient d’être publié. Mais, au cours des dix dernières années, le nombre de citadins a été multiplié par deux.

Le Burkina Faso compte 13,7 millions d’habitants, y compris les étrangers, ce qui en fait un pôle démographique majeur dans la Cédéao. La démographie est une composante mineure de la science économique ; on se demande pourquoi (plus exactement, on sait pourquoi : cf. la Côte d’Ivoire, le Soudan, le Rwanda, etc. ; la guerre est souvent, en Afrique, bien plus "démographique" que "tribaliste").

La campagne pour les législatives ne passionne pas vraiment la population mais est un temps fort de la vie politique ; pas question de s’abstenir : à Ouaga, où que vous alliez, vos interlocuteurs se passionnent pour la... présidentielle française mais, aussi, pour les perspectives qui sont ouvertes par les législatives.

Nous sommes en 2007. C’est une donnée qui s’impose à tous. Il y aura, dans quelques mois, vingt ans que Blaise Compaoré est arrivé au pouvoir. Il n’y a pas grand monde, ici, pour ne pas penser que c’est la meilleure chose qui ait pu arriver au Burkina Faso ; la nostalgie sankariste n’est plus ce qu’elle était et la vie politique du pays est. globalement, apaisée. Pas de nostalgie, mais un regret : la banalisation de la vie politique. La "Révolution ayant dévoré les révolutionnaires ", il y a des Burkinabé pour penser que, dans le même temps, les "révolutionnaires" ont oublié la générosité de leur engagement initial et se sont souciés, pour quelques uns, de faire carrière (et, aussi, il ne faut pas le nier, de s’enrichir).

1987-2007. Un regard dans le rétroviseur permet de constater le chemin parcouru. Enclavé, sans ressources agricoles ou minérales majeures, le Burkina Faso s’impose comme un pays phare politiquement, diplomatiquement, économiquement, socialement, culturellement. En 1987, la "Révolution" avait laissé le pays plus exangue qu’il ne l’était et doublement meurtri : frustration des uns ; douleur des autres. Les révolutions ne dévorent pas que les révolutionnaires ; il est des moments où elles font le "ménage" sans discernement.

En 1987. le Burkina Faso était au fond du trou alors que les autres pays de la Cédéao et du Conseil de l’Entente semblaient mieux se porter, ayant presque atteint une vitesse de croisière. Vingt ans plus tard, il n’est pas un pays qui, dans la sous-région, se porte mieux que le Burkina Faso. C’est un résultat à mettre au compte de la classe politique, bien sûr, mais aussi de la population. Mais quand j’évoque cela (il vaut mieux être, aujourd’hui, Burkinabé qu’Ivoirien, Guinéen, Togolais, Béninois, etc.), mes interlocuteurs -ceux qui n’appartiennent pas à la classe politique - réfutent mes comparaisons : certes, il vaut mieux être Burkinabé que... mais le Burkina, me disent-ils, aurait pu faire plus et mieux. Sans doute, mais la situation, compte tenu des contraintes internes (les luttes d’influence au sein du pouvoir) et externes (la "crise togolaise " et la "crise ivoirienne ", deux pays "débouchés" pour le Burkina Faso), est plutôt globalement satisfaisante.

Les Burkinabé souhaitent donc un renouvellement de la classe politique. Accéder au pouvoir, c’est entrer "dans le corridor des tentations". Compaoré n’est pas en cause. Il a été réélu avec plus de 80 % des voix le 13 novembre 2005. Et personne, ici, ne peut contester qu’il est celui qui a permis la modernisation de la vie politique, économique et sociale du Burkina Faso. Et les Burkinabé qui ont longtemps souffert d’un certain ostracisme (qui parfois confinait au racisme) dans la sous-région ne sont pas mécontents de constater que Ouaga est devenue une capitale sous-régionale où se traitent les affaires de l’Afrique de l’Ouest quand tout le monde a échoué. Même Laurent Gbagbo est obligé de s’y soumettre dès lors qu’il ne veut pas se démettre.

Compaoré est là depuis vingt ans. Paramanga Ernest Yonli est Premier ministre, chef du gouvernement, depuis près de sept ans (7 novembre 2000). Un record. C’est, sans doute, que tout le monde y a trouvé son compte. Il semble acquis à l’heure où j’écris ces lignes que Yonli devra céder la place à la suite des législatives qui viennent de se dérouler. Avec un bilan plutôt positif (plus encore si on prend en compte les contraintes externes auxquelles l’économie burkinabé a été soumise ces dernières années : crise ivoirienne, chute du dollar, flambée des prix du pétrole et chute "vertigineuse " du prix du coton dont le Burkina est devenu le premier producteur africain). Même si des tensions sont apparues qui traduisent la détérioration de la conjoncture sociale.

Yonli, dans son Discours sur la situation de la nation, prononcé le 29 mars 2007 devant 1’’Assemblée nationale, n’a pas manqué de rappeler que "les événements des 20 et 21 décembre derniers ont entaché la crédibilité de nos forces armées et de sécurité et sont un souvenir traumatisant pour nos populations". Il n’a pas manqué, non plus, de mettre l’accent sur la situation de la justice. "L’Etat de droit demeure encore aux yeux de nombre de nos concitoyens un projet à réaliser. Ils restent influencés dans leur vécu quotidien et dans leur perception des réalités, par des principes et des règles de la société traditionnelle. Du point de vue des mentalités dominantes, le "Burkina des villes " est un condensé du "Burkina des villages ". Cette situation explique les tendances naturelles et spontanées à recourir à la justice privée et aux règlements de comptes personnels, comme modes de solution aux différends et aux conflits sociaux".

En deux mots, la justice burkinabé a perdu sa crédibilité. Yonli en présente une lecture ethno-sociale. A Ouaga, on souligne, plus simplement, que ce sont les effets collatéraux de "l’affaire Zongo" qui, près d’une décennie plus tard, continue de pourrir l’image du pouvoir burkinabé. "L’affaire Zongo " cesse ainsi d’être une "affaire" politique (que la politique n’est pas parvenue à régler) pour devenir une affaire "sociale". Une dérive porteuse de risques majeurs (et que l’on constate, sous d’autres formes, dans d’autres pays, et pas seulement en Afrique !).

Il y a vingt ans, le Burkina Faso était un pays doublement enclavé : géographiquement et politiquement. Aujourd’hui, comme le souligne Yonli, le "pays a conforté sa position de leadership régional". Et en matière d’infrastructures de transport des efforts considérables ont été accomplis non seulement sur les grands axes mais également pour ce qui concerne ce que l’on appelle, ici, le "désenclavement de proximité".

Le Burkina Faso construit des routes, les bitume, réhabilite et renforce les anciens axes, assure leur entretien courant (8,85 milliards de francs CFA en 2006 pour plus de 14.161 km en 2006 !). Mais le "grand projet" infrastructurel du pays est celui du nouvel aéroport de Ouagadougou. Prévu à environ 35 km au nord-est de la capitale, dans le département de Donsin, il aura une capacité d’accueil de 1,5 million de passagers et représentera un coût de plus de 240 milliards de francs CFA (à titre de comparaison, les caractéristiques du futur aéroport Biaise Diagne au Sénégal sont les suivantes : 235 milliards de francs CFA pour 3 millions de passagers par an ; si le projet de Dakar sera réalisé en BOT par les Saoudiens, celui de Ouaga pourrait être financé par les bailleurs de fonds internationaux : Banque Mondiale, FMI et SFI). Totalement opérationnel en 2011 (selon le programme initial), le nouvel aéroport de Ouagadougou en est actuellement au stade de la finalisation des études. "Un des axes majeurs de la stratégie du gouvernement en matière commerciale, a rappelé Yonli, est défaire de notre pays un pôle économique majeur en Afrique de l’Ouest".

A suivre

Jean-Pierre Béjot
La Dépêche Diplomatique

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