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Maréchal Zongo de "Zongo et Tao" : A bâtons rompus avec un Gourou-Moaga

Publié le mardi 29 mai 2007 à 07h30min

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Maréchal Zongo

Il s’appelle, à l’état-civil, Gnamian Bi un Gourou donc. Mais à l’entendre interpréter un des personnages de son groupe humoristique, on croirait avoir fait à un vrai Moaga analphabète, tentant vainement de se faire comprendre dans la langue de Molière par son compagnon bègue, en l’occurrence Tao.

Vous aviez bien deviné, notre invité est le Maréshal Zongo du duo comique « Zongo et Tao » il se dévoile dans l’entretien qui suit. Il parle de sa carrière, sa vie, ses projets ainsi que son amour pour le Burkina Faso et sa patrie, la Côte d’Ivoire. Découvrons donc ce Gouro-Moaga qui arrêté son cursus scolaire pour s’adonner totalement à l’art.

Quelles sont les grandes étapes qui ont marqué ta carrière artistique ?

• Tout jeune, je ne m’attendais pas à me retrouver un jour artiste. Au primaire tout comme au collège, j’ai fait du théâtre. C’est au lycée que j’ai décidé de me donner entièrement à l’art. Certes, c’est l’humour qui m’a révélé au public, mais vous verrez que je me défends bien dans des projets musicaux, de cinéma, de télévision, etc. Je suis un fou de l’art.

Effectivement, c’est à travers le duo humoristique « Zongo et Tao » que le public t’a découvert ; que peut-on retenir de ce groupe ?

• Avant d’en venir au parcours de ce groupe, j’aimerais relever que « Zongo et Tao » est aujourd’hui le meilleur humour ivoirien avec le prix du meilleur humour de la Côte d’Ivoire qu’il a reçu en 2005. Le groupe a en outre été fait ambassadeur de la paix par une organisation. Les textes du premier album de « Zongo et Tao » ont fait également l’objet d’une étude à l’université de Ouagadougou par une dame des Lettres modernes. Pour répondre à votre question, c’est en 1996-1997 que le groupe s’est formé.

Auparavant, chacun appartenait à une équipe humoristique et, ironie du sort, nous étions les plus jeunes de nos formations respectives ; ce qui faisait que nous n’avions pas assez de considération de la part des aînés. C’est ainsi que nous avons décidé de travailler ensemble. Notre premier sketch ayant plu au public, nous avons, par la suite, donné de la forme aux deux personnages de Zongo et de Tao ainsi que des orientations et une philosophie au contenu de nos textes. Nous ne voulions pas du déjà vu ; nous ne voulions pas aussi que ce soit de l’humour vide d’enseignements, de sensibilisation sur certaines dérives de notre société.

Ce qui nous a amenés à créer un concept de deux personnages toujours ensemble mais jamais d’accord. Ce désaccord s’explique par le fait que Zongo est analphabète et Tao un intellectuel qui a des problèmes de locution. Dans tous les sketches de « Zongo et Tao » que vous écouterez, vous rirez certes mais vous prendrez aussi conscience de certaines réalités de nos pays. C’est pour dire que chaque oeuvre de création, au-delà de son premier rôle qui consiste à plaire, doit porter une positivité face aux situations malheureuses qui assaillent notre continent. Nous sommes donc engagés dans ce que nous faisons, sans être insolents ou arrogants.

Après plusieurs albums, on constate que Zongo essaie d’évoluer de plus en plus en solo ; y a-t-il problème ? • C’est votre impression, sinon le groupe continue d’exister. D’ailleurs, je considère "Zongo et Tao" comme la maison-mère. J’ai simplement d’autres cordes à mon arc (humour, musique, théâtre, cinéma, etc.), ce qui fait que quand je bosse dans un domaine donné sans mon compagnon Tao, les gens ont l’impression qu’il y a peut-être du feu à la demeure. Non, pas du tout ! La preuve est que je suis à Ouaga comme MC (maître de cérémonie) au festival « Jazz à Ouaga ».

Revenons à Zongo, l’analphabète à l’accent d’un Moaga. En tant qu’Ivoirien, comment es-tu parvenu à incarner un tel personnage ?

• Je vais vous surprendre, je suis le fruit d’un brassage de cultures. Certes je suis né de parents tous deux ivoiriens, mais je suis moaga de nature. Je m’explique : j’ai été l’un des enfants ivoiriens à avoir vécu dans un environnement moaga en Côte d’ivoire. Les premières chansons et légendes que j’ai apprises à mon jeune âge étaient en mooré. C’est tout à fait normal que cela se répercute sur l’art que je fais. L’interprétation du personnage est un hommage rendu à mon enfance, à ce que j’ai vécu. Ce métissage de cultures, que je le veuille ou pas, je ne peux pas le changer. En plus, le choix de Zongo est la preuve de l’intégration entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. Malheureusement, il y a des actes, que je ne vais pas évoquer ici, qui ont fragilisé un tant soit peu la fraternité qui unit ces deux peuples. Je continuerai de me battre pour que les uns et les autres acceptent pour de bon qu’il y ait un lien historique, une alliance entre les deux pays que même des intérêts divers ne pourront détruire ni effacer. Si on reste sans réagir, c’est des gens comme nous autres qui seront balayés de cette terre.

Dans le sketch « Carte de séjour » qui semble faire la part belle aux immigrés burkinabè, n’as-tu pas rencontré en tant qu’Ivoirien des ennuis avec les autorités de ton pays ?

• Ce que le groupe fait plaît à de nombreuses personnes. J’ai simplement dit tout haut ce que beaucoup de gens avaient peur (peut-être) de mentionner. C’est le rôle d’un artiste d’être le porte-parole des sans-voix. Et comme je vous ai déjà dit, l’engagement n’est pas synonyme d’arrogance. Il y a des vérités qui s’affichent ; aujourd’hui les tracasseries policières existent bel et bien. Un corps habillé doit savoir qu’il agit au nom de son pays. Si celui-ci pose un mauvais acte, c’est l’image de son pays qui est profondément écorchée car, à travers un seul acte posé, la victime pense que c’est comme ça partout. Il faut que chacun de nous soit plus un facilitateur dans son travail qu’un agent de blocage et de tourner en rond.

De vos différentes productions, laquelle vous a donné le plus de satisfaction ?

• Pour moi, la satisfaction, c’est lorsque tu fais quelque chose qui marque les gens à jamais ; car quand on te remercie dans la rue ou ailleurs pour tes œuvres, c’est une joie éternelle qu’on éprouve. C’est la preuve que ta pierre d’édification d’une société responsable est saluée à sa juste valeur. Certes le volet commercial est important, mais ce n’est pas pour autant une obsession pour moi. Le premier album de « Zongo et Tao » a marché plus au Burkina Faso qu’en Côte d’Ivoire, tandis que le deuxième a connu plus de succès en Côte d’Ivoire qu’ici. Nous ferons en sorte que la troisième œuvre se comporte bien dans les deux pays qui sont nos premiers marchés potentiels en Afrique de l’Ouest. Néanmoins, on est écouté au Mali, au Cameroun, en Guinée, etc.

Comment la complicité est née entre Zêdess et toi pour que tu parles de la « maman de Sarko » dans son dernier clip ?

• J’admire Zêdess depuis longtemps car ses chansons m’ont toujours plu. Nous nous sommes rencontrés une fois à l’aéroport de Ouaga où j’étais en compagnie de Sam’s K le Jah et, depuis, il est né une amitié entre nous car il aimait aussi ce que je faisais. A cours d’une de mes visites ici, il a demandé que j’intervienne dans son clip. Il m’a présenté le concept et j’ai participé dans le clip avec tout mon cœur, mon âme parce que, comme l’a dit le rappeur sénégalais Didier Awadi, lorsque les Africains vont en Europe, c’est pour récupérer ce que ce continent a volé à leurs grands parents. Ce clip n’encourage pas l’immigration, mais ce qu’on demande, c’est un minimum de respect pour les Africains qui se rendent dans l’Hexagone. Il faut qu’on comprenne que même si on est pauvre en Afrique, on n’a pas de clochards.

Si Nicolas Sarkosy devenait président de la République française (NDLR : l’entretien a été réalisé le samedi 5 mai 2007), ne crains-tu pas qu’on refuse le visa à un Maréshal Zongo ?

• S’il devient président, c’est bien pour sa famille et lui. Je ne peux pas être hypocrite dans mon art. Maintenant, si c’est pour mes idées qu’on va me refuser le visa français, c’est tant mieux. Mais l’histoire retiendra qu’on a fermé les portes de la France, qui se dit démocrate, à un petit comédien africain.

Parlons maintenant de Jazz à Ouaga ; comment te sens-tu dans ta peau de MC ?

Chaque activité est un challenge pour moi. J’ai déjà fait de nombreuses animations mais c’est la première fois que j’anime un festival sur 10 jours. Jazz à Ouaga est donc une nouvelle expérience pour moi. J’anime les soirées le plus simplement possible, en mettant le public à l’aise. Mon défi, c’est de faire en sorte qu’il ne s’ennuie pas entre deux intermèdes. Je remercie d’ailleurs les organisateurs de la manifestation pour avoir placé leur confiance en ma modeste personne.

Tu as fait partie du collectif Gbonhi Yo Yo Yo avec la rappeuse Pris’K et d’autres musiciens ; comment est né ce concept et comment se comporte-t-il ?

• A l’origine, c’est une initiative de quelques jeunes qui m’ont approché par la suite en me disant : « Vieux père, est-ce que tu peux nous donner un coup de main ? ». Après avoir compris le concept relatif à la paix, à la tolérance, j’ai donné mon accord. Médiatiquement, le projet, qui s’est concrétisé, a connu un franc succès. Ce qui a permis au collectif de faire plusieurs tournées en Europe, au Burkina Faso, à travers Ouaga Hip Hop.

Côté jardin, quelle est la situation matrimoniale de Maréshal Zongo ?

• Je suis un garçon bien, même très bien, père de deux enfants. Pour les toubabs, on dira que je vis en concubinage avec la mère de mes enfants puisque je ne suis pas encore passé devant le maire. Concernant mes héritiers, ma première fille s’appelle Yennenga tandis que la deuxième a pour nom Zounoogo.

Venant d’un père ivoirien, c’est de l’insolite ! Pourquoi des noms d’origine burkinabè à tes rejetons ?

• J’ai donné Yennenga à la première pour rendre hommage à cette grande amazone du Burkina. Quant à Zounoogo, le petit moaga sait ce que ça veut dire. Et pour les autres, ça veut dire « la chance ». J’ai donné ces noms à mes enfants en guise de souvenir et d’hommage à l’environnement dans lequel j’ai été moulé.

Une adresse particulière aux lecteurs, notamment à tes fans ?

• Permettez-moi de dire un mot par rapport à ce qui s’est passé entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. C’est d’autant douloureux qu’il existe des enfants qui ont des parents dont l’un est Burkinabè ou Ivoirien. Ces enfants sont perdus dès qu’il y a un petit problème entre ces deux pays. Mon message ne concerne pas les politiciens animés par leurs propres intérêts, mais plutôt les populations des deux Etats. Il est temps que ces dernières, pendant les votes, imposent aux hommes politiques leur volonté et non le contraire parce que, sans peuple, il n’y a pas de politiciens ni de président. La pauvreté ne doit plus faire du citoyen un « esclave » du politicien. La Côte d’Ivoire et le Burkina Faso sont liés par le sang et rien, voire personne, ne pourra détruire ce lien-là .

Cyr Payim Ouédraogo

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 29 mai 2007 à 09:22 En réponse à : > Maréchal Zongo de "Zongo et Tao" : A bâtons rompus avec un Gourou-Moaga

    "La pauvreté ne doit plus faire du citoyen un « esclave » du politicien." voilà ce qui est bien dit mon cher Zongo. Wallahi s’il y avait beaucoup de personnes qui pensaient comme toi, l’Afrique irait mieux.

    Bravo à toi

  • Le 29 mai 2007 à 15:27, par Alain d’Abidjan En réponse à : > Maréchal Zongo de "Zongo et Tao" : A bâtons rompus avec un Gourou-Moaga

    J’avoue que j’ai été surpris que les Burkinabés aient apprécié les skecthes de "Zongo". Tant mieux pour l’amitié entre les deux peuples. Cet artiste semble sincère dans ses actions de rapprochement. Je lui tire mon chapeau. Que d’autres artistes lui emboitent le pays pour que les relations entre Ivoiriens et autres africains de la sous-région soient cordiales, fraternelles et humaines. Vive l’intégration africaine.

  • Le 29 mai 2007 à 21:28 En réponse à : > Maréchal Zongo de "Zongo et Tao" : A bâtons rompus avec un Gourou-Moaga

    Merci Zongo pour ta vision panafricaniste ;des artistes comme toi,on n’en trouve pas partout.
    Il est vraiment grand temps que les populations africaines arretent de suivre ces politiciens animes par on ne sait quels interets obscurs et qu’ensemble nous puissions nous batir une Afrique unie et forte.
    AK,Houston,Texas.

  • Le 1er juin 2007 à 12:45 En réponse à : > Maréchal Zongo de "Zongo et Tao" : A bâtons rompus avec un Gourou-Moaga

    Maréchal Zongo, des personnes comme toi, ça ne court pas les rues et je n’ai jamais imaginé que tu étais 100%Ivoirien. Pour ce que tu fais que le Seigneur te le rende au centuple. Et que tu sois vraiment un père comblé.

  • Le 17 mai 2013 à 18:14, par ADB En réponse à : Maréchal Zongo de "Zongo et Tao" : A bâtons rompus avec un Gourou-Moaga

    Je tire vraiment mon chapeau au Mareshal Zongo. Vivement que son exemple fasse des émules pour plus de concorde entre Ivoiriens et Burkinabè.

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