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Eventualité de poursuites contre Bemba et Patassé : Le tropisme nègre de la CPI

Publié le jeudi 24 mai 2007 à 08h06min

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Jean-Pierre Bemba

Depuis l’élection présidentielle qu’il a perdue en République démocratique du Congo (RDC), Jean Pierre Bemba, le leader du Mouvement pour la libération du Congo, l’ex-rébellion, a du mal à retrouver toute la quiétude qu’il avait du temps du gouvernement de transition.

Et comment pourrait-il d’ailleurs dormir sur ses deux oreilles quand la justice de son pays a déployé autour de lui une nasse pour le cueillir à tout moment ? Il est en effet sous le coup d’une enquête judiciaire pour « atteinte à la sûreté de l’Etat » et pour avoir « détourné des éléments de la Grande Muette à des fins personnelles » à cause de son refus de voir incorporer dans l’armée régulière les militaires affectés à sa sécurité au moment de la transition gouvernementale.

Mais ces démêlés judiciaires « locaux » ne sont rien comparés aux poursuites dont il pourrait être passible de la part de la Cour pénale internationale (CPI). En effet, pour des raisons politiques et même humanitaires, le pouvoir congolais pourrait éventuellement refreiner l’ardeur des juges lancés à ses trousses. Par contre, il n’est pas évident que le procureur Luis Moreno-Ocampo de la CPI rengaine de si tôt son couperet.

Mais pourquoi au fait la justice internationale en aurait-elle après l’ex-chef rebelle ? En fait, même s’il n’est pas nommément cité par elle, la CPI lui reproche les exactions et d’autres violences dont ses hommes, envoyés à la rescousse du régime vacillant d’Ange Félix Patassé en 2002-2003, se seraient rendus coupables en République Centrafricaine. A l’époque, après avoir réussi à repousser les putschistes, conduits par le général François Bozizé, les miliciens du MLC, les « Congolais » comme les appelaient les Centrafricains, ont fait régner la terreur à Bangui et dans ses environs, en tuant, pillant et surtout en violant.

Aucun bilan officiel n’est connu à ce jour, mais l’Organisation (centrafricaine) pour la compassion et le développement des familles en détresse (OCODEFAD) affirme avoir recensé un total de 1 045 victimes, dont 480 femmes et fillettes violées. La CPI, elle, table sur 600 victimes. Cette triste affaire, bâtie essentiellement sur les crimes sexuels et des viols, constitue une première pour cette institution pénale internationale dans ce domaine.

Naturellement, se sentant visé, Jean Pierre Bemba s’en défend en niant toute implication personnelle : « Je n’étais pas en Centrafrique, et si demain une enquête conclut à la responsabilité d’éléments du MLC, ils devront être poursuivis et condamnés comme le prévoit la loi ».

Mais l’étau de la CPI n’est pas près de se desserrer, car, prévient Luis Lorena-Ocampo, « les renseignements dont nous disposons laissent à penser que des viols ont été commis en des proportions telles qu’il est impossible de les ignorer au regard du droit international ». Voilà qui est bien dit.

Il est en effet souhaitable et même exigible que les coupables paient pour leurs crimes. Un principe qui, on l’appelle de tous nos vœux, devrait être traduit dans les faits dès que la justice a connaissance d’une violation de quelque nature que ce soit. Et Jean Pierre Bemba ainsi qu’Ange Félix Patassé, s’ils sont fautifs, doivent payer pour leurs actes. Normal.

Seulement, en tant qu’Africain, on ne peut pas ne pas avoir le sentiment que cette Cour a été créée essentiellement pour les « nègres » : depuis son entrée en vigueur, cette institution semble se préoccuper uniquement des draps sales africains ; pour preuve, cette affaire de crimes sexuels en Centrafrique est la 4e enquête menée par la CPI après celles lancées en RDC, en Ouganda et au Darfour (Soudan) ; tout se passe comme si l’Afrique avait le monopole de la commission des crimes barbares.

Pourtant, il n’y a qu’à ouvrir les yeux pour voir les crimes perpétrés en Birmanie, en Colombie, en Corée du Nord, en Palestine, en Israël, au Liban, en Irak, à Guantanamo, etc. Mais curieusement, les pleurs des victimes de ces violations massives et répétées des droits humains dans ces pays-là ne semblent pas parvenir à l’oreille du procureur de la CPI. C’est à croire que rien ne s’y est passé.

Loin de nous l’idée de plaider pour l’impunité, mais il faut reconnaître que ça fait désordre et injustice quand la justice commence à sérier entre les continents. A part le cas Milosevic en Europe de l’Est, c’est surtout en Afrique que la justice internationale traque les dictateurs et les violateurs des droits humains.

Imaginons un temps que ce fût un président africain qui ait envoyé ses troupes semer le bordel en Irak. La CPI l’aurait mis à l’index et n’aurait eu de cesse que les circonstances permettent qu’elle lui mette le grappin dessus.

Voilà qui pourrait donner raison à ceux qui sont enclins à penser naïvement que dans ces conditions, il faut qu’on nous laisse nous-mêmes nous occuper de nos dictateurs. On le ferait peut-être avec un retard, peut-être maladroitement en violant même les droits de la défense, mais on le ferait quand même.

Evidemment, pour faire changer les choses, il faut que nos institutions fonctionnent vraiment de façon démocratique, que la bonne gouvernance et le dialogue constructif soient les choses les mieux partagées en Afrique. Est-ce que nos gouvernants, qui s’accrochent au pouvoir comme des chauves-souris, voudront bien aller dans ce sens ? Là est toute la question.

En attendant, les Ange Félix Patassé, Jean Pierre Bemba, Hussein Habré, Joseph Kogny et pourquoi pas demain Omar El Béchir et Robert Mugabe sont pratiquement sûrs d’être des cibles des juridictions pénales internationales, ces Cours et tribunaux qui n’ont même pas le droit d’entendre comme simple témoin un citoyen américain à plus forte raison de le juger.

San Evariste Barro

L’Observateur Paalga,

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Vos commentaires

  • Le 24 mai 2007 à 09:40 En réponse à : > Eventualité de poursuites contre Bemba et Patassé : Le tropisme nègre de la CPI

    Notre journaliste ne comprend pas pourquoi la CPI ne poursuit que les crimes internationaux commis en Afrique et non ceux de l’IRAK, du Liban, d’Israel etc.
    La reponse est toute simple:elle n’est simplement pas compétente pour le faire. Le statut de la CPI est un traité auquel les Etats décident d’adhérer ou non. Les pays cités par l’obs n’ont ni ratifié ni adhéré au statut de la CPI contrairement aux pays africains où la CPI mènent presentement des investigations. Il y a cependant une exception à cette règle : le soudan. En effet, le Conseil de securité peut decider de soumettre un cas à la compétence de la CPI ; il l’a fait dans le cas du Darfour. En dehors de cette situation particulière, tous les cas où la CPI intervient en Afrique découle du fait que les Etats africains en signant et ratifiant le statut de la CPI, ont donné compétence à cette cour.
    Toujours pour nuancer les propos du journaliste, rappelons que le Conseil de sécurité veut établir un tribunal spécial pour le liban dans le cadre de l’assasssinat de Rafic Hariri. Il est vrai que ce tribunal n’aura pas à connaître d’autres crimes de guerre commis au Liban dans d’autres contextes (guerre de Hezbollah contre Israel par exemple), mais c’est tout de même un debut.
    Pour revenir à la CPI, rappelez-vous que les USA refusent de ratifier son Statut et ont tenté de dissuader beaucoup d’Etats de le faire. La raison est justement de tenter d’empêcher la CPI de connaître de crimes internationaux commis par des Americains quelque soit leur rang. Sanwé !

    • Le 24 mai 2007 à 17:35, par Siloé En réponse à : > Eventualité de poursuites contre Bemba et Patassé : Le tropisme nègre de la CPI

      Mr. Sanwé, votre intervention apporte une lumière qui me fait bien plaisir tant elle situe avec justesse certaines choses. J’ai quand même le sentiment un peu pénible que vous introduisez des maladresses qu’il serait intéressant de corriger.

      - Il convient d’être très prudent en ce qui concerne l’assassinat de Mr Hariri. En effet, la piste extrêmement sérieuse de son assassinat par un commando du Mossad (service d’espionnage et de contre-espionnage israélien) a été curieusement écartée par la mission des Nations Unies sur instruction de Washington.
      D’autre part, Mr. Hariri trempait dans une histoire obscure de plusieurs dizaines de milliards de dollars depuis 1981 entre la Libye, la France, l’Arabie Saoudite et l’Irak. Dans cette « nébuleuse », nous savons tous que la mauvaise monnaie est soit en balles de kalachnikov, de charge de trinitrotoluène, de goutte de cyanure,....
      - Vous dites « guerre de Hezbollah contre Israël... » Je suppose que c’est le conflit de l’été 2006... !?
      A ce sujet il convient de savoir que le Hezbollah n’a jamais attaqué Israël. En réalité, ce conflit que le Liban à connu en été 2006 était préparé en même temps que l’invasion de l’Irak en 2003. Ne pouvant pas évoquer le mensonge des armes de destruction massive, il fallait de toute façon trouver un prétexte impliquant les syriens pour ensuite les attaquer. En effet, l’évangile des néo-conservateurs selon saint Georges Bush dit que la Syrie fait partie de l’Axe du Mal. (L’attaque de l’Iran n’attendant aujourd’hui qu’un feu vert comme « un attentat terroriste » organisé par l’administration bush sur le sol américain. / Source : l’Ex Conseiller National à la Sécurité US, Mr. Zbigniew Brzezinski dans le « Washington Note » et le « Financial Times » 1er février 2007 - Audition au Senat-USA.)
      La mort de Mr. Hariri était le prétexte pour envahir la Syrie en partant du principe qu’elle refusera de quitter le Liban sauf par le biais d’une guerre. Après cet échec, les fermes de la Plaine de Chebba ont été littéralement le théâtre de violations quotidiennes mortelles de la part des soldats israéliens jusqu’à la riposte du Hezbollah. Le prétexte de la première phase locale de la guerre larvée contre l’Axe du Mal était ainsi trouvé. La presse occidentale allait se charger de façonner son opinion publique au profit d’Israël. "Nous autres africains" étant le plus souvent prêts à avaler bêtement tout ce qui vient du "blanc", il n’était pas nécessaire de nous intégrer dans l’équation. En agressant le Liban avec l’appui direct de pilotes de chasse américains et la complicité financière US, Israël croyait aussi pouvoir se débarrasser du Hezbollah, écraser totalement les palestiniens, reprendre pieds économiquement, politiquement et surtout militairement au Liban (même par soldats libanais chrétiens interposés). Quand à l’administration bush, elle aurait ainsi obtenu une position géostratégique pour envahir la Syrie et ensuite attaquer l’Iran. / Le débat est ouvert...

      Les problèmes du Liban de la Palestine,... à quelque part sont comme les problèmes de développement de nos pays. Ces problèmes ne peuvent se résoudrent que si les vraies questions fondamentales sont posées. Or il n’en est pas encore le cas, car ces situations arrangent infiniment les mogho-puissants locaux et internationaux.

      Fraternellement à vous

      • Le 27 mai 2007 à 18:57 En réponse à : > Eventualité de poursuites contre Bemba et Patassé : Le tropisme nègre de la CPI

        Merçi Siloé pour ces corrections et eclaircissements que vous apportez et dont j’avoue n’avoir pas u connaissance.
        Cependant, quand je disais "guerre du Hezbollah contre Israel" cela aurait bien pu aussi se comprendre comme "Guerre d’Israel contre le
        Hezbollah" ou contre le Liban (c’est selon), mon objectif étant tout simplement de demontrer que la CPI n’a pu enquêter dans la plupart
        des pays africains qu’avec le consentement de ceux-ci.
        Mais, vos corrections ont le merite de m’amener à être plus regardant dans l’emploi de certaines expressions et termes pour éviter
        tout quiproquo. Encore Merçi !
        Bien à vous,
        Sanwé

  • Le 24 mai 2007 à 11:33, par sallia En réponse à : > Eventualité de poursuites contre Bemba et Patassé : Le tropisme nègre de la CPI

    ce journaliste ne sait pas de quoi il parle, et je crois sincerement qu’il devrait se taire , parler de tropism negre , cet article ne devrait meme pas paraitre dans l’observateur, pour une fois que l’impunite ne regne pas en maitre absolue on trouve, un journaliste pour parler de tropisme negre, sait il seulement que la guerre civil en RDC a fait plus de 3 millions de victimes directement lie au conflit en partie du au troupe du MLC, et ce monsieur ce permet de comparer le conflit en palestine au conflit qui c’est derouler en RDC, c’est un scandale, il aurait au moin pu se renseigner sur le faite que seul les pays signataire du CPI peuvent voir leur citoyens poursuivit, ce journalist la na pas sa place dans l’observateur

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