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Transformation des céréales locales : Relever les défis de la qualité et de la commercialisation

Publié le mercredi 23 mai 2007 à 07h38min

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La transformation des céréales comme activité commerciale est assez récente au Burkina Faso. Comme toute entreprise humaine à ses débuts, elle tâtonne, et cherche à se frayer un chemin dans un marché de plus en plus ouvert.

La production céréalière atteint aujourd’hui plus de 3 330 000 tonnes (statistiques de 2002-2003) au Burkina Faso. Au total, environ 3,4 millions d’ha y sont consacrés, soit 8 ha sur 10 ensemencés. Ces chiffres démontrent la place prépondérante qu’occupent les céréales dans l’agriculture et dans l’alimentation du pays. Pour 100 kg de céréales produites, on estime que seulement 15 kg sont vendus sur les marchés. Chaque burkinabè en consomme en moyenne 190 kg par an. Les céréales utilisées dans l’alimentation quotidienne du Burkina sont transformées soit au niveau domestique, soit à l’échelle industrielle.

De plus en plus, ils sont nombreux à se tourner vers ce secteur d’activité qui procure emplois et valeur ajoutée. Des produits divers et variés, du tô ou du dolo traditionnel, grumeaux et autres spaghettis. Dernière l’ingéniosité et la créativité des transformateurs se cachent certains malaises dus à des facteurs endogènes et éxogènes.

Un circuit d’approvisionnement incertain

Les transformateurs sont presque unanimes sur la question. L’approvisionnement est la première difficulté que les promoteurs rencontrent. Malgré les efforts déployés au quotidien par les structures d’encadrement, la qualité des matières premières de base est irrégulière. La fluctuation des prix en fonction des saisons est un autre problème.

Pour la directrice de la Société de distribution de produits alimentaires, (SODEPAL), Mme Simone Zoundi, il faut que l’entreprise ait la capacité de faire un stockage important, pour pouvoir garantir la stabilité des prix. Quant au directeur de la SMAO, Désiré Kiemdé, il regrette que son usine avec une capacité de 70 tonnes/jour fasse 3 à 6 mois sans tourner parce qu’il n’y a pas de riz paddy sur le marché. "Depuis l’arrêt de l’aide directe aux producteurs, nous avons des difficultés d’approvisionnement", a-t-il souligné.

Les cultivateurs crient parfois à la surproduction alors que leurs récoltes n’arrivent même pas à satisfaire les besoins du marché. Aux difficultés de ravitaillement s’ajoute le manque de rigueur dans la production. Les transformateurs travaillent généralement avec les groupements pour aplanir ces contraintes. La contractualisation consiste à demander une variété donnée, déterminée par l’entreprise et le Département de technologique alimentaire du Centre national de recherche scientifique et technologie (CNRST).

La production de ces céréales exige le respect de certaines normes. Mais les contraintes pluviométriques ne garantissent pas ces normes. En plus, les céréales sont parfois pleines d’impuretés et ce, en dépit de la mise à la disposition des producteurs, d’égreneuses par le Comité inter professionnel des céréales du Burkina Faso (CIC-B). Ces égreneuses subventionnées à 50% par le CIC-B débarrassent les céréales des impuretés fibreuses et évitent ainsi que les épis soient battus sur le sol.

En dépit des ces dispositions, elles parviennent bien des fois aux transformateurs, chargés de sable et de cailloux. "Il nous arrive en lavant le mil, de recueillir 1 "yorouba" (unité de mesure) de sable", a déclaré Mme Dominique Toé de l’association Djigui Espoir. C’est à croire que tout cela est fait à dessein, pour des raisons purement mercantiles. La transformation est un processus plus ou moins long et chaque étape a ses propres difficultés.

Applanir les obstacles de normes...

Le coût élevé des facteurs de production, les difficultés de financement, le manque de personnel qualifié, la non maîtrise de la technologie, l’emballage, la conservation, la concurrence tous azimuts sont autant d’obstacles auxquels les transformateurs font face au quotidien. Plus de 75% de la production artisanale est assurée par les femmes. Elles voient en cette activité une continuité du ménage. Il y a des transformatrices qui utilisent le même matériel pour les deux.

Certaines ignorent les règles de production et d’autres n’en tiennent pas compte, malgré les formations dispensées par la CIC-B. "De façon générale, il n’y a pas de suivi après les formations, si bien que certaines femmes retombent dans leurs vieilles habitudes", regrette Mme Toé. Au niveau des semi- industriels, la non qualification du personnel constitue un handicap majeur. "Lorsuqu’on veut travailler en respectant les normes de qualité, il faut un suivi, car nous sommes soumis à une réglementation" rappelle Mme Zoundi de SODEPAL.

Pour un produit aussi sensible que la farine infantile, l’erreur n’est pas permise. Il faut en plus de tout cela, un matériel adéquat. Il est certes difficile de changer les habitudes mais en matière de commerce, chacun tend vers ce qui l’arrange. On s’approvisionne en quantité parce que les céréales coûtent moins cher après les récoltes, une conservation appropriée. L’absence d’une culture entrepreneuriale narial aidant certains mènent les activités de transformation dans l’ignorance totale du marché, en comptant uniquement sur leur étoile. Les technologies proposées ne sont pas parfois du goût des producteurs. C’est le cas des dolotières qui reprochent aux foyers à gaz, leur lenteur et leur coût élevé. Après la production, la conservation et la présentation des produits sont des motifs de réticence des consommateurs. Il a toujours été reproché aux produits locaux de minimiser le design. Un produit de consommation doit d’abord attirer le regard. "En la matière, nous sommes encore au stade des emballages plastiques qui, non seulement, n’impressionnent pas le consommateur, mais surtout posent un sérieux problème de conservation”, a déclaré Doulaye Diancoumba. responsable des questions de transformation et de qualité au CIC-B. "Certains ont fait des efforts dans ce sens. Mais pour le plus grand nombre, le coût de fabrication est un souci majeur", a-t-il ajouté. "Consciente de l’importance des emballages, SODEPAL a prospecté le marché ghanéen. Et pour bénéficier de tarifs avantageux, il faut une grosse commande, l’équivalent de deux ans de besoin", explique Simone Zoundi, directrice de la SOPEPAL et présidente de la Fédération des industries agroalimentaires du Burkina Faso (FAIB). Le CIC-B a pensé aux commandes groupées. Là aussi, la spécificité des emballages par entreprise constitue un frein.

...de la conservation...

Il est évident qu’ un produit transformé ne se vend pas en un jour, il faut alors songer à le conserver. Un facteur non négligeable dans un univers succulent, si bien emballé soit-il, ne saurait accrocher un consommateur s’il est agglutiné ou "scharoncçonné". Nombre de consommateurs se sont plaints après une amère expérience en achetant un produit au goût rassi datant d’un certain temps ; même si l’étiquette collée à l’emballage indiqué clairement que la péremption est encore loin.

Qu’est-ce qui explique alors que les produits se détériorent avant l’échéance ? Pour Désiré Kiemdé et Simone Zoundi, c’est le fait que leurs produits se retrouvent stockés dans de mauvaises conditions au milieu d’autres de nature différente. Cela fausse toutes les données, encore faut-il que ces données soient fiables, c’est-à-dire prescrites par un service technique habilité.

Au demeurant, les structures de transformation n’ont pas la même taille, donc pas les mêmes méthodes, ni les mêmes préoccupations. En général, les dates limites de consommation sont déterminées par des services tels que le Département de technologie alimentaire (DTA) du CNRST avec lequel le CIC-B a conclu un protocole d’accord pour le contrôle qualité des produits céréaliers. Les coûts sont onéreux selon certains producteurs, mais pour le directeur du DTA, Dr Bréhima Diawara, cela relève d’un manque de rigueur.

Le contrôle technique des céréales transformées est rare et les "accidents" alimentaires ne sont pas très médiatisés. Tout cela parce que les céréales de façon générale, sont destinées à la consommation locale. Ce sont ces raisons qui expliquent sans doute, qu’en dépit de la subvention à hauteur de 75 % des coûts de prestations de contrôle technique par la CIC-B, les transformateurs ne se bousculent pas aux portes du DTA. Dr Diawara avoue que les entreprises de transformation ou les producteurs qui sollicitent ce service ne sont pas nombreux.

Ceux qui exportent passent par notre service du fait de la rigueur du marché extérieur. Les transformateurs artisanaux sont constitués de femmes essentiellement, rappelle-t-il. Pour le Dr Boniface Bougouma, chargé du programme céréalier au DTA, certains comportements relèvent de la culture. Pour beaucoup de femmes, la transformation est une continuité de la cuisine domestique.

La vente est lucrative et les cercles de consommateurs se trouvent élargis. On glisse de l’un à l’autre parfois sans grande précaution. Le danger est réel selon Paul Sayouba Ouédraogo de la Ligue des consommateurs. Seulement la Ligue n’a pas les moyens de pression, elle constate et signale. Malheureusement aussi, toutes les anomalies ne sont pas visibles, les produits passent de l’emballage à l’estomac et le dégât causé se constate seulement après. Ce qui rend la conservation délicate, c’est le décalage entre les travaux de laboratoire et la réalité du terrain. En principe, les analystes tiennent compte de l’emballage, de la nature et de la composition du produit, de l’environnement, de la constance dans la qualité.

Lorqu’on a une idée de certaines surfaces de vente, on comprend aisément la délicatesse de la question. Les dolotières ont fait de la conservation, une préoccupation et le DTA en collaboration avec le CIC-B a mis au point le baril à dolo. Le baril est en phase de vulgarisation et aux dires de la présidente de l’Association des dolotières du Kadiogo, Mme Blandine Bouda, c’est avec impatience que ses consœurs attendent cette trouvaille. Le dolo est délicat et le goût se détériore 24 heures après. Un véritable drame pour ces dames qui ont de plus en plus une clientèle exigeante.

...et de l’écoulement

Evoluant dans un système libéral, les transformateurs sont agressés par des produits de toutes natures, provenant de divers horizons.
"Nous ne pouvons pas être compétitifs vis-à-vis des produits importés qui, malheureusement, sont généralement déclassés" a déclaré Mme Zoundi de la SODEPAL. Ces produits inondent les marchés et se vendent à vil prix. A cette concurrence extérieure s’ajoute celle qui oppose les transformateurs entre eux .

Beaucoup proposent les mêmes produits : couscous, grumeaux alors que le marché est étroit. Selon Mme Zoundi, sa société comme beaucoup d’autres, fait face à la concurrence de l’informel. "Des productions de cuisine copient très souvent nos produits et perturbent le marché". Pour Désiré Kiemdé de la SIMAO, les produits ne sont pas très connus et les circuits de distribution sont complexes. Il regrette également la mentalité actuelle des Burkinabè qui veut que tout se vende à crédit. Mais, la crise ivoirienne a fermé certains débouchés. C’est le cas de l’association Djgui Espoir. A l’échelle semi-industrielle, il existe de gros clients tels que les brasseries et les programmes d’aide alimentaire.

Pour aplanir ces difficultés, les transformateurs à tous les niveaux, redoublent de créativité et d’ingéniosité. Lors du 7e Forum national de la recherche scientifique et des innovations technologiques (FRIST), le public a pu découvir les derniers nés : pâtes alimentaires, vins....
Ces efforts sont soutenus par le CIC-B par diverses politiques : appui-conseil, formation et surtout, promotion à travers les journées commerciales et la participation aux foires internationales.

Les souci aujourd’hui, aux dires de Doulage Diamkoumba, c’est d’aboutir à des produits compétitifs qui s’adaptent à l’exigence de la vie urbaine. De plus en plus, les consommateurs manquent de temps et ont besoin de produits faciles et rapides à préparer. Les transformateurs à travers leurs organisations essaient de jouer leur partition : "Nous tablons sur la formation pour que l’informel se plie aux lois du marché. Ainsi, nous pourrons discipliner le milieu," a insisté Mme Zoundi. Dans l’ensemble, "le secteur se porte assez bien" a déclaré M. Diankoumba du CIC-B.

Etant membres du patronat, les organisations devraient user du lobbying pour bénéficier de traitements fiscaux avantageux et protéger le marché intérieur. Le temps où on créait une entreprise en se fiant à son étoile est révolu. Le monde des affaires est un village dans lequel chacun doit négocier sa parcelle et se battre pour la conserver.

Assetou BADOH

Sidwaya

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