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La présidentielle française et les gouvernants burkinabè : Le cœur pour Ségo, mais la raison à Sarko

Publié le mercredi 16 mai 2007 à 07h23min

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Le 6 mai dernier les Français sont allés aux urnes choisir leur primus inter pares en la personne du candidat de la droite conservatrice, l’umpiste Nicolas Sarkozy (53%), au détriment de la candidate socialiste, Ségolène Royal (47%).

En Afrique en général et au Burkina Faso en particulier, cette élection a vraiment passionné l’élite compte tenu du fait que tous les deux candidats incarnaient chacun à sa manière une rupture avec le passé. Retour sur l’attitude de l’élite gouvernante du Faso.

Avant d’en venir à notre sujet du jour, nous voudrions que les lecteurs et le Syndicat autonome des agents du ministère des Affaires étrangères (SAMAE) nous permettent de dire quelques mots sur le droit de réponse que ledit syndicat a fait publier dans la livraison de la chronique de la semaine dernière suite à notre papier sur la plate-forme revendicative du SAMAE.

Disons-le tout de suite : nous avons beaucoup de respect pour les syndicats, car ils ont participé à notre formation à la vie ; ils défendent nos intérêts, et quand ils arrachent une victoire, nous en jouissons également ; ils contiennent nombre de personnes courageuses, qui posent des actions hardies que nous sommes incapables de poser, soit par peur, soit par incompétence, soit par manque d’expérience. Nous respectons donc le SAMAE.

Cependant respecter quelqu’un signifie-t-il qu’il faille, vis-à-vis de ce qu’il fait, nous autocensurer ? En outre, nous apprécions le cours magistral de diplomatie qui nous a été gracieusement servi mais nous nous demandons si, malgré le caractère reçu (du point du SAMAE) de nos idées, elles ne méritaient tout de même pas d’être développées.

Par ailleurs, on peut également s’interroger sur les méthodes de lutte du SAMAE.

Concernant ces trois points, le SAMAE voudra bien accepter que nous disions (peut-être pas la vérité, mais au moins) notre vérité à nous.

A propos du premier point, le respect n’est pas synonyme autocensure. Mieux, il oblige les parties à se dire leurs vérités respectives. C’est d’ailleurs ce que nous avons fait en affirmant que, pour ce qui a trait aux revendications (salariales entre autres), il était inopportun de contester leur bien-fondé. Dommage que le SAMAE en ait fait une lecteur autre pour nous accabler.

S’agissant des idées reçues, nous n’en disconvenons pas a priori, mais nous n’y pouvons rien si ce sont nos vérités à nous.

Et puis, les idées reçues, dans ce contexte en tout cas, ne contiennent-elles pas ne serait-ce que des parcelles congrues de vérité ? Que si ! Cela nous rappelle la réplique de Vladinur Illitch Oulianov dit Lenime à Emmanuel Kant, philosophe prussien du XVIIIe siècle.

Pour ce dernier, il est impossible de connaître la chose en soi ; on ne peut parvenir qu’à la connaissance de la chose pour soi. Autrement dit, nous ne connaissons que l’apparence de la chose ; quant à son essence, que dalle !

Ce à quoi Lénime répond en disant que connaître l’apparence de la chose, c’est déjà connaître une partie de la chose ; ce qui n’est pas rien surtout si cette connaissance nous permet d’assurer la survie de l’espèce comme dans le cas des découvertes conduisant à la fabrication de médicaments.

Dans le cas des idées reçues, les choses sont moins simples, car nous sommes en sciences sociales et humaines ; ce qui, par voie de conséquence, devrait inciter le SAMAE à être moins catégorique dans ses caractérisations.

Enfin, les méthodes de lutte sont, soit, des méthodes propres au SAMAE, et nous ne pouvons lui faire grief de cela. Mais nous avons le droit d’opiner à ce sujet, surtout pour ce qui est de la nomination d’ambassadeurs.

A cet effet, un exemple nous vient en tête : en 1997-1998, le ministère de la Communication et de la Culture, à travers son premier responsable de l’époque, Mahamoudou Ouédraogo, s’était rendu compte que dans bien d’institutions, de ministères et de sociétés d’Etat, il n’y avait pas de chargé de communication et quand il y en avait, nombre d’entre eux n’étaient pas des professionnels de l’information et de la communication.

Au lieu de laisser faire, il a, après avoir consulté ses collaborateurs et les associations du ministère, initié un projet de création de directions chargées de la communication un peu partout en précisant le profil de ceux qui doivent en être les directeurs.

Certes, comparaison n’est pas raison, mais cela permet au moins de comprendre.

Pour en revenir à notre préoccupation du jour, on peut noter que nombreux sont les gouvernants (et non des moindres) qui, du point de vue affectif, voulaient voir Ségolène Royal à l’Elysée. Les raisons sont les suivantes :
la quasi-totalité de nos gouvernants sont des rescapés de la Révolution du 4-Août qui se sont plus ou moins bien métamorphosés en "démocrates bourgeois".

Ayant ainsi bu à la tétine idéologique, depuis le lycée, l’université et dans la vie active, les thèses marxistes-léninistes, leur inconscient semble stocker quelque part ces convictions qui se font jour sous la forme de la social-démocratie ou du socialisme démocratique ;

l’orientation politique du parti majoritaire qu’est le CDP est la social-démocratie, même si on n’en connaît pas l’option idéologique. Mais peu importe ;
Ségolène Royal est une dame, et quand bien même dans leur propre contexte politique les Burkinabè réservent peu de place à la femme, ils souhaitaient qu’elle remportât la victoire.

Toutefois, le cœur, l’affection, bref les sentiments ne nourrissent pas ceux qui les éprouvent. La preuve, ce n’est pas le cœur qui est à l’origine des progrès technologiques. C’est la raison qui, après avoir compris les mécanismes de fonctionnement de notre environnement, utilise ses éléments pour élaborer des moyens susceptibles de satisfaire nos besoins biologiques, sociaux et psychologiques.

Il en est ainsi donc aujourd’hui de nos rapports avec la droite française. Même si elle n’a pas nos faveurs politiques et idéologiques, c’est tout de même sous un président de droite, à savoir Jacques Chirac, que le Burkina a connu une éclatante considération en France, que notre pays a enregistré les aides les plus colossales, que notre chef d’Etat est l’un des plus respectés de la sous-région ouest-africaine (pour ne pas aller au-delà).

La résultante de tout cela est le formidable progrès économique d’au moins 5% par an depuis des années. S’il ne faut pas perdre de vue le fait que derrière cette marque d’attention peut être tapi un néocolonialisme qui ne dit pas son nom, nous devons reconnaître raisonnablement que, sous cette France de droite, le Burkina a capitalisé ses bonnes relations avec l’ancienne puissance coloniale.

En outre, si le progrès économique du pays, le dynamisme des populations y est sans doute pour quelque chose, l’attention de la communauté internationale, des pays amis et des organisations internationales auprès desquels la France fait un travail de lobbyng au profit du Burkina y est également pour quelque chose.

Enfin, grâce à la droite française, le Burkina n’ a pas été inquiété (jusque-là en tout cas) par rapport aux accusations portées contre lui dans les crises ivoirienne, libérienne et sierra léonaise.

On peut donc se permettre de penser que si Ségolène Royal l’avait emporté sur Nicolas Sarkozy, des pays de la sous- région (pas seulement la Côte d’Ivoire, le Liberia et la Sierra Leone), qui digèrent mal les affinités entre Jaques Chirac et Blaise Compaoré, jubileraient.

Aujourd’hui, il n’est pas sûr que N. Sarkozy ait la même complicité avec Blaise Compaoré, mais l’on remarque que le premier a vite compris que, contrairement à ce qu’il croyait, la France a besoin de l’Afrique, qui, avec le droit de véto et la bombe nucléaire, lui confère le statut de grande puissance. La France est un géant diplomatique grâce aux trois éléments que nous venons de citer, mais elle est une naine au plan économique ; elle a donc intérêt à ménager ses anciennes colonies pour qu’elles n’échappent pas à son contrôle.

Dans ce contexte, Blaise Compaoré est encore bien parti (par rapport à nombre de ses pairs) pour jouer les premiers rôles en Afrique de l’Ouest avec les trois cordes de son arc : président en exercice des chefs d’Etat des pays membres de la CEDEAO, médiateur dans les crises ivoirienne et togolaise. Bien parti ne signifie cependant pas que c’est gagné d’avance, car il faut mériter pour gagner. Attendons donc de voir.

Zoodnoma Kafando

L’Observateur

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