Le pape a également déploré le développement d’une "énorme pauvreté" dans le sous-continent et pressé les pays qui ont adopté une "économie libérale" de veiller à plus d’"équité", dans son discours d’ouverture de la Vème conférence des évêques d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAM).

Tout en relevant les récentes "avancées démocratiques enregistrées en Amérique latine et dans les Caraïbes", il a exprimé sa "préoccupation devant des formes de gouvernement autoritaires, ou inspirées de certaines idéologies que l’on croyait dépassées, et qui ne correspondent pas à la vision chrétienne de l’homme et de la société".

Benoît XVI n’a pas cité ces gouvernements. Une nouvelle génération de dirigeants est récemment arrivée en Amérique latine tels Evo Morales en Bolivie, premier chef d’Etat d’origine indigène qui tente d’imposer des réformes radicales, ou en Equateur Rafael Correa, tous deux alliés au Vénézuélien Hugo Chavez, chef de file du camp antilibéral.

Le pape a condamné les "erreurs destructrices" des "tendances qui ont dominé le siècle dernier" : "les systèmes marxistes et capitalistes", tous deux coupables d’avoir "exclu Dieu de leur horizon" et qui ont pour cette raison échoué à instaurer des "structures justes".

Mais "les structures justes ne peuvent pas fonctionner sans un consensus moral de la société fondé sur des valeurs fondamentales", a-t-il estimé.

"Là où Dieu est absent, la société ne peut pas trouver le consensus nécessaire sur des valeurs morales ni la force de vivre en conformité à ces valeurs, y compris en acceptant d’aller contre ses intérêts personnels", a-t-il dit.

La défense des "valeurs morales", ainsi que la mise en garde contre une intervention directe de l’Eglise sur le terrain politique, ont constitué les deux fils conducteurs des discours du pape depuis son arrivée au Brésil mercredi.

"Si l’Eglise commençait à se transformer directement en acteur politique, elle ne ferait pas plus, mais moins, pour les pauvres parce qu’elle perdrait son indépendance" et s’identifierait à "des positions partisanes", a-t-il estimé dimanche devant les évêques d’Amérique latine.

"C’est en étant indépendant que l’on peut enseigner les grands principes et les valeurs inaliénables, orienter les consciences et proposer un choix de vie dépassant le cadre politique", a-t-il insisté.

Devant la persistance d’inégalités criantes en Amérique latine, de larges pans de l’Eglise restent influencés par la Théologie de la libération, condamnée par le Vatican dans les années 1970-1980. La Théologie de la Libération prône l’engagement de l’Eglise aux côtés des pauvres et des exploités pour peser sur les changements politiques.

Le pape a par ailleurs pris le contrepied des accusations de destruction des civilisations d’avant la conquête de l’Amérique portées contre l’Eglise.

"L’annonce de Jésus et de son Evangile n’a comporté une aliénation des cultures précolombiennes et n’a pas imposé une culture étrangère", car "les authentiques cultures (...) sont ouvertes et recherchent la rencontre avec d’autres cultures", a-t-il affirmé.

"L’utopie de redonner vie aux religions précolombiennes, en les séparant du Christ et de l’Eglise universelle ne serait pas un progrès mais une régression", a-t-il ajouté.

L’assemblée de la CELAM, qui ne s’était pas réunie depuis 15 ans, doit fixer la feuille de route de l’Eglise sur le continent le plus catholique du monde qui connaît une forte progression de l’influence du pentecôtisme protestant et de l’indifférence religieuse.

AFP