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France : L’homme trop pressé est enfin arrivé à l’Elysée

Publié le lundi 7 mai 2007 à 08h02min

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Hier dimanche 6 mai 2007, on a voté au Burkina mais aussi en France. Chez nous au Faso, il s’agissait de renouveler, pour la 3e fois depuis le retour, en 1991, à une vie constitutionnelle normale, la chambre des députés. 111 sièges étaient en jeu pour plus de 3000 candidats issus de 47 formations politiques.

Il y a cinq ans, dans une atmosphère marquée par la crise consécutive à l’assassinat de Norbert Zongo, on avait assisté à l’arrivée en force de grandes figures de l’opposition emmenée par la vague des réformes politiques et institutionnelles que le régime, chancelant, avait dû concéder. Au bout du compte, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), habitué jusque-là au "tuk guilli" avait dû se contenter ce coup-ci d’une majorité étroite de 57 députés contre 54 à 11 autres formations.

N’eût été donc l’apport de quelques partis-convives, il aurait suffit d’un rien pour que la majorité soit contrainte à la cohabitation. 5 ans après, les données ont bien changé et le paysage politique s’est plus ou moins recomposé. De nombreux partis d’opposition ont volé en éclats, minés par des querelles intestines qui ont fini de les fragiliser pendant que, de l’autre côté, les durs moments passés, les mauvaises habitudes et la goinfrerie politique reprenaient de plus belle.

La question qui taraude tous les esprits est donc de savoir à quoi ressemblera l’hémicycle cette fois-ci, surtout qu’à l’indigence notoire de l’opposition fait face les moyens colossaux de ceux qui gèrent le pouvoir d’Etat. Dans une démocratie sous-développée (à l’image du pays) comme celle-là, il était, bien entendu, impossible au moment où nous tracions ces lignes d’avoir des tendances significatives. Tout au plus, pouvait-on noter, en tout cas à Ouaga, la désertion des bureaux de vote qui n’augure pas d’un taux de participation conséquent.

Cela dit, il faut se féliciter de ce que le scrutin, dans l’ensemble, se soit déroulé, selon la formule consacrée, dans le calme et la sérénité, hormis quelques poches de turbulences, comme à Ouahigouya, toujours fidèle à sa réputation, et des suspicions tous azimuts de fraudes. Rien de neuf, on somme, sous les soleils de la IVe République où toutes les consultations font systématiquement l’objet de contestations, fondées ou pas.

En fait, il y a élection et élection. Tant et si bien que les Burkinabè, qui renâclaient à choisir leurs représentants à l’Assemblée nationale, se passionnaient plus pour un autre match qui se jouait à quelque 5000 kilomètres de chez eux. En effet, alors même que les urnes n’étaient pas encore fermées au Burkina et qu’on n’avait pas encore entamé le fastidieux travail de collecte des données électorales, on avait, à 18h GMT (20h à Paris) l’identité du prochain président de la République française. Sans surprise donc, ce sera Nicolas Sarkozy de Naguy Bosca qui était crédité de 53% contre 47% à Ségolène Royal, son adversaire du second tour. Certes, ces chiffres étaient susceptibles d’évoluer, mais pas suffisamment par bouleverser quoi que ce soit.

L’homme trop pressé est donc enfin arrivé. Le fils d’immigrés hongrois a fait un chemin. Il faut reconnaître qu’il les a vraiment cherchés ces clefs de la première maison de France. Et il aura tout mis en œuvre, sans négliger le moindre détail, pour y parvenir. Finalement, ce n’est que justice car ainsi que nous l’écrivions avant le premier tour de cette présidentielle à suspense, "...Si c’est le plus déterminé et le plus organisé qui doit empocher le jackpot, ce devrait être Sarkozy...

Ce palais de l’Elysée, il le veut depuis longtemps ; il y pensait même, de façon quasi obsessionnelle, chaque matin en se rasant pour reprendre sa célèbre formule et il s’est donné tous les moyens pour y parvenir, à commencer par cette OPA politique lancée et gagnée sur l’UMP dont il a fait une véritable machine électorale au service de son ambition, comme l’ont fait jadis Mitterrand avec le PS et Chirac avec le RPR. Quitte à courtiser ouvertement les partisans et sympathisants de l’extrême droite et à flirter constamment avec la ligne rouge...".

C’est précisément pour ça que cet avocat d’affaires, qui fait ami-ami avec les grosses fortunes hexagonales, passe, aux yeux de nombre de ses compatriotes et de beaucoup d’Africains, pour un homme dangereux qui n’est pas loin de charger les immigrés de tous les péchés de l’Hexagone et de vouloir ériger des barricades pour protéger sa douce et généreuse France des hordes de miséreux qui fuient un continent où ils n’ont pas d’avenir.

Pour toutes ces raisons, les négrillons attendent de voir sur quel ton vont se décliner les nouvelles relations franco-africaines et, surtout, quel contenu concret il va donner à son ministère promis de l’immigration et de l’identité nationale. Pour sûr, il y a un petit air de facho chez l’ancien locataire de la place Beauvau mais si on peut raisonnablement s’attendre à des bouleversements, ce ne sera peut-être pas la révolution annoncée. Il est des situations dont, désormais chef d’Etat, il va devoir s’accommoder et il se rendra très vite compte que les choses ne sont toujours aussi simples qu’on le voyait de l’extérieur. Et cela, aucun président n’y échappe.

Pas même quand il s’appelle super Sarko, car il n’aura pas de super remèdes miracles pour l’emploi, le logement et toutes ces questions socio-économiques qui l’attendent de pied ferme. Avoir réponse à tout pendant une campagne, dans un débat télévisé de l’entre-deux-tours est une chose, y répondre au quotidien quand on tient les rênes du pouvoir en est une autre. Cela dit, comme il a promis d’assainir la galaxie françafricaine, ce serait tellement bien si, dans ce domaine, il parvenait à mettre au pas nos petits potentats locaux corrompus qui sont de véritables prédateurs de leur propre peuple.

Ce serait, à coup sûr, une œuvre de salubrité publique, même si les Africains, spécialistes du paradoxe, veulent que l’ancienne puissance tutélaire fasse le nettoyage tout en l’accusant de tremper constamment son nez dans nos affaires. Et quand elle intervient c’est problème, quand elle n’intervient pas, c’est encore problème. Va falloir, à la fin, que nous-mêmes sachions ce que nous voulons.

La rédaction

L’Observateur Paalga

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