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Processus électoral au Burkina : La réflexion d’intellectuels burkinabè

Publié le vendredi 4 mai 2007 à 08h41min

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A 48 heures de l’ouverture des urnes pour les législatives 2007, nous vous proposons cette réflexion du Partenariat des intellectuels burkinabè pour le développement (PIBD) sur le processus démocratique au Burkina Faso. C’est toute l’historique de l’expérience démocratique du Burkina qui est rappelé.

Une réflexion qui fait ressortir les forces/acquis du processus en cours, tout en lançant un appel aux acteurs politiques afin de maintenir le bon cap pour la stabilité et le caractère pacifique constatés lors des précédents scrutins.

La Haute-Volta devenue Burkina Faso s’est illustrée au lendemain de l’indépendance politique de 1960 par une activité politique intense ; de 1966 à 1987, les coups de force militaires ont abouti à des changements politique au sommet de l’Etat. A la fin des années 1980, la chute du mur de Berlin et le vent de démocratisation qui soufflait sur la scène internationale, associés aux aspirations démocratiques du peuple burkinabè, réussirent à convaincre les dirigeants de la nécessité de s’orienter vers l’Etat de droit et la démocratie.

Ainsi naquit la quatrième république. Depuis 1991, le Burkina Faso vit alors une expérience démocratique qui lui a valu une subtilité politique jamais connue comme de par le passé. Le 13 novembre 2005 a eu lieu, pour la troisième fois, le choix démocratique du président du Faso à travers l’élection présidentielle.

Le 23 avril 2006 se déroulèrent pour la troisième fois les élections communales. Cette fois-ci, aux communes urbaines vinrent s’ajouter les communes rurales, aboutissant ainsi à une communalisation intégrale.

A la veille des consultations électorales pour le renouvellement du Parlement (il s’agit des quatrièmes élections législatives consécutives depuis 1992), quel regard peut-on porter sur la démocratie burkinabè ? Si les acquis sont indéniables, les faiblesses doivent être révélées afin de les surmonter pour mieux réussir l’ancrage et l’approfondissement de la démocratie.

1 - Les acquis

Les dernières élections présidentielles se sont déroulées de manière pacifique. De l’avis des observateurs nationaux et internationaux, les élections se sont, dans l’ensemble, bien passées. Elles ne firent pas l’objet de contestation au sein de l’ensemble de la classe politique qui a fait preuve de maturité politique en respectant la règle du jeu démocratique.

Cette troisième élection présidentielle dénote une stabilité politique et un enracinement de la démocratie. Le président élu l’a été avec 80% des suffrages exprimés. "En droit, toute majorité suffit, serait-elle d’une voix. Mais dans la pratique, il est évident qu’un élu (...) dispose d’une plus grande autorité s’il devance nettement ses concurrents." Le président du Faso a donc l’autorité nécessaire pour exercer le pouvoir politique, c’est-à-dire celui de la prévision, de l’impulsion, de décision et de coordination afin de conduire l’ensemble de la politique nationale. Avec son parti, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), et les forces politiques qui le soutiennent, il a les coudées franches pour appliquer son programme du "Progrès continu pour une société d’espérance" durant le quinquennat en cours.

Il appartient alors à l’opposition de prouver au peuple qu’elle peut faire mieux en vue de préparer l’alternance en respectant les règles républicaines, car la minorité d’aujourd’hui peut devenir la majorité de demain.

Les dernières élections communales qui ont consacré la communalisation intégrale sont la preuve que la démocratie s’installe de plus en plus dans les moeurs politiques de notre pays. En effet, "la décentralisation consacre le droit des collectivités territoriales à s’administrer librement et à gérer des affaires propres en vue de promouvoir le développement à la base et de renforcer la gouvernance locale" (article 2 de la loi n° 055 - 2004/AN). Un soutien technique, matériel et financier adéquat de l’Etat aux collectivités territoriales (régions et communes) associé à celui des partenaires extérieurs au développement, et la bonne gouvernance permettront de promouvoir la démocratie à la base et le développement.

La présente campagne électorale qui se déroule sous nos yeux nous convainc que la classe politique burkinabè a atteint un niveau de maturité acceptable et susceptible d’inscrire notre pays sur la liste des pays démocratiques en Afrique : que ce soit dans la gestion du temps de parole dégagée pour les partis politiques dans les médias publics, ou dans le déroulement de la campagne elle-même, les Burkinabè démontrent que la démocratie est la seule voie qui permettra à notre pays de retrouver le chemin du développement de l’Homme, objectif principal de tout projet de société.

En dépit de ce satisfecit, notre système politique comporte encore des faiblesses, et, dans la perspective du prochain scrutin, il convient d’en faire cas afin d’attirer l’attention de la classe politique sur la nécessaire vigilance permanente.

2 - Les faiblesses

- Si, dans l’ensemble, les élections présidentielles et communales se sont déroulées dans le calme, on a pu enregistrer çà et là des comportements d’acteurs politiques qui relèvent de l’intolérance et de la faible intériorisation de l’esprit démocratique. Des considérations à caractère ethnique ou régionaliste ont été évoquées pour délégitimer ou éliminer des listes de candidature certains adversaires politiques.

- Le nombre élevé de candidats aux élections présidentielles et la prolifération des partis politiques (plus d’une centaine) pourraient porter à la longue un préjudice au bon fonctionnement de la démocratie au Burkina Faso. Si nous reconnaissons que la démocratie suppose une pluralité d’opinions diverses et variées, si nous reconnaissons que le pluralisme est indispensable en démocratie, un trop grand nombre de partis en compétition pourrait brouiller le jeu et nuire au choix des électeurs. En effet, compte tenu du niveau de développement des mentalités de nos populations, de leur niveau d’instruction et de compréhension du processus électoral, il se peut que leur choix ne soit pas tout à fait conscient ou objectif. C’est la raison pour laquelle nous pensons que la classe politique devrait engager une réflexion autour de cette question dans le cadre de l’approfondissement du processus démocratique au Burkina Faso.

- Par ailleurs, en dépit des efforts incontestables déployés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) pour organiser les élections, des faiblesses ont été observées, notamment dans la confection des listes électorales. En attendant de pouvoir se passer de cette institution lorsque l’ancrage de la démocratie et de l’Etat de droit rendra incontestable la neutralité de l’administration, ne serait-il pas indiqué que cette CENI puisse bénéficier des compétences du ministère chargé de l’Administration territoriale pour mieux réussir sa mission ?

- Dans notre pays où l’analphabétisme sévit chez les paysans qui constituent la majorité des électeurs, la démocratie ne peut s’enraciner que difficilement. En effet, elle suppose une éducation, une formation et une information. Un choix ne peut être éclairé que s’il est le fruit d’un citoyen conscient, apte à confronter les programmes et les raisonnements, à les comprendre pour pouvoir se déterminer en connaissance de cause. Cette exigence de la démocratie reste un défi que notre pays doit relever à moyen ou à long terme.

- Enfin, le Burkina Faso est un pays aux ressources financières limitées, et les élections coûtent extrêmement cher. Afin de consacrer le plus de moyens financiers au développement des pays, la classe politique dans son ensemble pourrait imaginer et proposer des mécanismes qui réduiraient le coût des élections.

En définitive, la démocratie s’installe au Burkina Faso, en dépit des faiblesses énumérées précédemment. En tant que processus toujours perfectible, les prochaines élections législatives doivent permettre à notre système démocratique de s’affirmer et d’éviter des reculs possibles.

3. Des élections législatives du 6 mai 2007

Dans les jours à venir, les Burkinabè se rendront aux urnes pour élire les députés qui vont siéger au Parlement pour la quatrième législature de façon continue. Ceci est une preuve de la maturité de notre peuple. Elles devraient confirmer l’ancrage de la démocratie et de la conscience citoyenne. A cet égard, les intellectuels que nous sommes appellent à une saine compétition, au respect des opinions et surtout à la transparence dans la conduite des opérations électorales. Autant au cours de la présidentielle que des communales, l’ensemble des acteurs a fait montre de sa capacité à respecter le choix des urnes, autant les gagnants et les perdants de cette consultation devront faire preuve de fair-play tant le jour des opérations qu’à la proclamation des résultats.

Le choix des populations devrait se faire en dehors de toute autre considération que celle de porter les voix sur le candidat qui sera jugé le plus apte à représenter ses mandants. Ainsi, la campagne politique, loin d’être un moment de dénigrement de l’autre, doit plutôt constituer un moment favori d’éducation du peuple, pour lui faire comprendre l’importance du vote et la nécessité d’opérer un choix judicieux.

La Partenariat des intellectuels burkinabè pour le développement (PIBD) lance un vibrant appel à l’ensemble des acteurs de la scène politique afin qu’ils oeuvrent, par le biais de ces élections, pour renforcer l’ancrage démocratique de notre pays. Nous apporterons notre contribution à ce processus qui constitue une avancée importante pour notre peuple et pour le développement de notre pays. A ce titre, nous invitons tous les Burkinabè en âge de voter à réunir toutes les conditions pour accomplir leur devoir citoyen.

Le porte-parole,
Salaka Sanou

P.-S.

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Vos commentaires

  • Le 5 mai 2007 à 19:12 En réponse à : > Processus électoral au Burkina : La réflexion d’intellectuels burkinabè

    - Une "subtilité politique" "jamais connue par le passé" : contorsion intellectuelle ma foi fort subtile en effet ! Que faites-vous d’un certain ballotage à certaine élection présidentielle, il y a 30 ans ? Table-rase d’un passé dont votre pays n’a pourtant pas à rougir. Non, le fait du prince du moment n’a pas inventé ex nihilo une démocratie pour le moins tronquée et poussive, et d’un ennui pathétique. Je le regrette, mais dites-nous quelle élection intéressera les Burkinabè, dimanche 6 mai ?
    - "A la fin des années 80... associés aux aspirations démocratiques du peuple, réussissent à convaincre les dirigeants de la nécessité de s’orienter vers..." Diantre, vous auriez voulu nous dire que c’est à reculons que Blaise Compaoré s’est soumis à l’air du temps (La Baule et Biarritz, les chancelleries occidentales, les institutions financières et, sans doute, l’intelligence pragmatique d’un ou deux conseillers qui avaient intérêt à faire oublier un tout récent passé sanglant) que vous n’auriez pas fait autrement pour rédiger votre pirouette. Ah "l’aspiration démocratique" des peuples malnutris, analphabètes, ignorants, miséreux -vous l’écrivez noir sur blanc : ruraux et incultes-, loin des livres, des musées, de la culture, de l’information diversifiée ! Loghorrée néo-révolutionnaire (comme quoi, il en reste quelques phraséologies générationnelles) qui ne rend pourtant pas très subtile cette langue de bois à la gloire d’une méthode Coué démocratisante. Sophie Bessis appelle ça des ’intellectuels organiques’... Allez, encore un peu de révision de vos classiques historiques, monsieur Sanou, et vos réflexions deviendront passionnantes : car libres de toute oeillère révisionniste.
    Frédéric Bacuez.

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