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Tasséré Sawadogo, président de la CEPI Yatenga : « C’est aux partis politiques d’êtres vigilants »

Publié le vendredi 4 mai 2007 à 08h20min

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A Ouahigouya, ils sont nombreux, les électeurs qui n’ont pu entrer en possession de leurs cartes d’électeurs. Le choix également des agents des bureaux de vote fait grand bruit, les responsables des démembrements de la CENI étant accusés, à tort ou à raison, d’avoir recruté des gens proches du parti au pouvoir.

Sur l’ensemble de toutes ces questions, nous avons échangé avec le président de la Commission électorale provinciale indépendante (CEPI) du Yatenga, Sawadogo Tasséré dit ‘’Tass Tass’’ ; c’était au siège de ladite structure le lundi 31 avril 2007, avec un confrère de l’express du Faso.

Au stade actuel, quel est l’état d’avancement de la distribution des cartes électorales dans l’ensemble de la province du Yatenga ?

• Nous avons constaté un engouement pour le retrait des cartes ; j’ai l’état des retraits à la date du 28 avril : nous sommes à 94,13% de retraits de cartes. Cela est à saluer, c’est dû à l’action des médias, des hommes politiques, de la CENI et de ses démembrements. Les citoyens semblent avoir compris le sens de la démocratie et chacun tient à accomplir son devoir de citoyen.

Quelles sont les difficultés rencontrées sur le terrain ?

• La principale difficulté, c’est que certaines personnes ont leurs noms sur les listes, mais on ne retrouve pas leurs cartes.

Qu’est-ce que vous préconisez dans ce genre de cas ?

• Généralement, on leur dit de nous communiquer les références de la pièce avec laquelle ils se sont inscrits ; si nous avons la preuve que la personne est inscrite, nous envoyons les références au niveau de la CENI, qui se charge de rétablir la personne dans ses droits ; la raison est que les gens se déplacent et se réinscrivent où ils sont partis ; à ce moment, la CENI prend la dernière inscription en considération : conséquence, quand certains retournent où ils se sont inscrits premièrement, ils ne retrouvent pas leurs cartes, et ils commencent à se plaindre.

C’est le cas d’un jeune homme de Gourga. Lors des élections précédentes, il a voté à Ouahigouya. En janvier 2007, il est parti se réinscrire à Ouagadougou. Quand il est revenu ici pour le retrait de sa carte, les agents distributeurs ont cherché en vain. Quand on a communiqué son nom à la CENI, on nous a fait savoir que sa carte était à Ouagadougou dans l’arrondissement de Sigh-Noghin ; ces cas sont nombreux.

Est-ce que la CENI réagit promptement quand vous lui adressez les réclamations ?

• Beaucoup de problèmes ont été résolus ; souvent on nous fait parvenir des observations indiquant le lieu de la dernière inscription du plaignant, où il pourrait entrer en possession de sa carte.

A certains endroits, on constate que sur les listes il y a des croix devant les noms.

• Je n’ai pas eu connaissance de ces cas-là. Je n’ai pas encore été saisi de problèmes de ce genre.

A Youba, par exemple, plusieurs personnes inscrites sur les listes ne retrouvent pas leurs cartes ; pourtant, devant certains noms, il y a des signatures attestant que leurs cartes ont été retirées ; ils sont environ 128 à être dans cette situation.

• La question devrait être adressée au président de la CECI, mais je vous en donnerai quelques explications. D’abord je n’ai pas été officiellement saisi de cette situation. Je leur conseille seulement de nous faire parvenir leurs références d’inscription. Comme ça, on pourra tirer la situation au clair. On ne peut pas travailler sur la base des rumeurs. Aucun parti n’est venu nous présenter une carte frauduleusement retirée.

Avez-vous été saisi du choix des agents des bureaux de vote, dans la ville ? Il semble que ceux retenus soient proches du parti au pouvoir et que les choix aient été faits à dessein.

• Concernant le choix des agents des bureaux de vote, l’article 79 du code électoral dit ceci : « Le bureau de vote est composé du président, de deux assesseurs, d’une secrétaire désignée par le président de la commission communale indépendante ; ils sont choisis par les agents aptes des institutions de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics suivis ou tout autre personne jugée compétente résidant dans la circonscription électorale, qui est la province » ;

donc sur la liste proposée concernant Ouahigouya, quand on jette un coup d’œil, il y a des enseignants, des agents de l’agriculture, des gens du privé, etc. Ce que nous n’avons pas toléré, c’est que des individus, sous prétexte qu’ils sont des commissaires de la CENI, veuillent se partager les postes selon leur nombre ; des gens sont venus demander, à notre niveau, qu’on autorise les commissaires à recruter les agents des bureaux de vote selon les sensibilités politiques. Mais cette façon de faire n’est pas autorisée par le code électoral.

Il y a 14 partis sur les spécimens qui sont en course pour ces élections, alors que 6 partis sont représentés au niveau de la commission. Pensez-vous qu’il faille autoriser les 6 partis à se partager le nombre des agents de bureaux de vote et laisser les 8 autres ? Le code électoral est suffisamment clair, les agents des bureaux de vote sont choisis sur le critère de la compétence, et nous devons nous en tenir à ça.

La CENI a reporté la date de la distribution des cartes jusqu’au 03 mai. A l’heure actuelle, est-ce les agents distributeurs sur le terrain qui donnent les cartes ou est-ce les agents des démembrements de la CENI ?

• Vous allez voir dans certains bureaux qu’il ne reste que deux ou trois cartes. Pensez-vous que l’agent distributeur doive rester là-bas pour ces deux ou trois cartes ? ces derniers, nous les autorisons à en déposer le restant à la CECI. La CECI a fait un communiqué pour faire l’état.

Chez ceux où il n’en reste pas beaucoup, ces agents sont invités à faire le point à la CECI, et c’est à ce niveau que les retardataires viennent retirer leurs cartes. Dans les secteurs où il reste beaucoup de cartes d’électeurs non retirées à la date du 28 avril, nous avons autorisé les agents à continuer le travail sur le terrain.

On sait que les élections précédentes, des tentatives de fraudes ont été dénoncées. Quelles sont les dispositions que vous avez prises pour y faire face en cas d’irrégularité le jour j ?

• C’est aux partis politiques d’êtres vigilants et de dénoncer les cas de fraudes, pour que les structures habilitées apprécient et prennent les sanctions qui s’imposent. La CECI, la CEPI et la CENI peuvent apprécier le degré des irrégularités ; sinon, on peut recourir aux tribunaux. Les sanctions sont prévues par la loi.

Concernant l’organisation, nous nous attelons à ce que toutes les conditions soient réunies pour le bon déroulement des élections : l’ouverture des bureaux de vote à l’heure indiquée, l’affectation conséquente des agents des bureaux de vote et du matériel de travail.

Pour le reste, nous demandons aux responsables de partis politiques de bien éduquer leurs militants pour qu’ils adoptent des comportements responsables le jour des votes. Nous ne pouvons que demander aux uns et aux autres d’accepter la différence et de cultiver la tolérance pour que ces élections se terminent dans la paix au grand bonheur du Yatenga.

Propos recueillis par

Emery Albert Ouédraogo

Ouahigouya

Vente de cartes sous le manteau ?

Même si, selon les statistiques officielles, le taux de retrait des cartes d’électeurs est respectable (9h, 13%), le nombre de personnes qui ne retrouvent pas leur précieux document inquiète plus d’une personne ces derniers temps dans le Yatenga, particulièrement dans la commune urbaine de Ouahigouya. De passage ce dimanche 29 avril à Youba, un village situé à une dizaine de kilomètres de Ouahigouya et faisant partie de la commune urbaine, nous sommes tombé sur un groupe de personnes qui râlaient comme de vieilles locomotives pour n’avoir pas pu entrer en possession de leur sésame électoral.

Interrogé à ce sujet, Karim Guitti répond : « j’ai voté aux élections présidentielle, municipales, voici mon ancienne carte ; je ne comprend pas pourquoi cette fois-ci on ne retrouve pas ma carte, mon nom ne se trouve même pas sur la liste », grogne-t-il. Chez Hamadé Maïga et El Hadj Saïdou Maïga, la situation est tout autre : leurs identités figurent sur la liste électorale, mais point de carte.

Devant leurs noms, il y a même des signatures semblant attester que les cartes ont bel et bien été retirées. Mais par qui ? Mystère et boule de gomme ! « Ma carte a été volée ; je ne sais pas pourquoi on ne veut pas que je vote cette fois-ci, il faut qu’on me la remette, sinon ça va chauffer », vocifère El hadj, la soixantaine bien sonnée.

Pendant que la tension commençait à monter au cours de nos échanges, on nous a brandi une liste de 120 personnes qui n’avaient pas retrouvé leurs fameux documents. C’est depuis la première semaine de la distribution que les absences des cartes ont été constatées. Jusqu’au dimanche 29, une solution n’était pas trouvée. Le cas de Youba est loin d’être isolé.

La majorité des retardataires qui viennent en ce moment pour le retrait de leur visa électoral au siège de la CECI repartent bredouilles. Rencontré le lundi 31 mai 2007 au siège de la commission électorale communale indépendante, Belem Souleymane était furax. Venu pour retirer sa carte au bureau de vote n°4, au secteur 2 de Ouahigouya, il s’est entendu dire qu’elle n’était pas là. Il y avait une croix devant son nom, signifiant, selon les explications d’un membre de la commission, que sa carte est venue de la CENI. Il en était de même pour un des compagnons de Belem, présent sur les lieux.

Les cartes ont été retirées, mais par qui ?

Entre nos multiples va-et-vient au siège de la CECI, dans l’espoir de rencontrer le président, beaucoup de ceux qui y arrivaient tombaient des nues. C’est la même rangaine ‘’les cartes ont été retirées’’. Mais par qui ? Tenez-vous bien, pour le cas du bureau de vote n°4 au secteur 2 de Ouahigouya, à la date du 28 avril 2007, sur plus de 3 500 cartes, l’agent distributeur avait pu en écouler environ 400 ; 2 jours après les prolongations accordées par la CENI, un agent d’un demembrement de l’institution serait allé retirer le restant des cartes, sous le prétexte que la distribution serait faite désormais à la CECI par les responsables de la commission.

Finalement, sur plus de 300 cartes restantes, ce sont... 08 qui sont arrivées au siège de la CECI ; toujours selon la même source, une autre personne proche de cet agent des démembrements de la CENI serait allée matinalement retirer le restant des cartes d’électeurs chez une femme au secteur 13 de Ouahigouya. Ces faits se sont passés entre le 28 et le 30 avril, période au cours de laquelle la CECI avait passé un communiqué sur les antennes des radios locales, appellant tous les agents distributeurs dont les stocks étaient épuisés à faire déposer les états auprès de la CECI.

C’est à ce moment que des individus malintentionnés auraient profité de la naïveté de certains agents distributeurs pour détourner les cartes. D’autres agents peu scrupuleux auraient aussi soutiré les cartes pour les vendre à des responsables de partis commis à leur achat. Selon les recoupements que nous avons pu faire, les dirigeants des partis, toutes tendances confondues, se seraient jetés dans l’achat des cartes frauduleuses ; l’unité coûterait entre 2000 et 5000 F selon les partis.

Après de multiples coups de fil et deux tours au siège de la CECI, nous avons finalement pu mettre la main sur le président de ladite structure à la maison des jeunes et de la culture de Ouahigouya, où avait lieu la formation des membres des bureaux de vote. Au cours de notre entretien à bâtons rompus, il dit être surpris et inquiet face au nombre élevé des cartes qu’on ne retrouve pas.

Dans un premier temps, sur 30 réclamations adressées à la CENI, celle-ci a fait renvoyer 6 cartes. Certains auteurs de ces réclamations s’étaient réinscrits ailleurs, et ils ont été invités, selon les observations de la CENI, à aller retirer leurs cartes dans leurs nouveaux lieux d’inscription. Par la suite, plus de 200 réclamations ont été adressées à la CENI, mais il n’y aurait pas eu de suite. Présentement, à en croire le président de la CECI, il y a plus de 200 autres réclamations non acheminées à Ouagadougou.

Je ne roule pour aucun parti

C’est dire que rien que pour la commune urbaine de Ouahigouya, pour le peu que nous en savons, des centaines de personnes inscrites légalement sur les listes sont sans cartes d’électeurs. Pour le cas du secteur 2 de Ouahigouya, selon le président de la CECI, à la date du 28 avril 2007, sur les 4 agents distributeurs, deux agents détenaient chacun plus de 300 de ces cartes oranges ; ces derniers ont été autorisés à en continuer la distribution. A sa grande surprise, un des agents a fait acheminer, par personne interposée, son état avec moins d’une dizaine de cartes restantes.

Dans certains secteurs, des agents ne donnent pas signe de vie malgré le communiqué radiodiffusé depuis le 28 avril. Ils ne sont toujours pas passés à la CECI pour remettre le restant des cartes. A vrai dire, Yacouba Ouédraogo, président de la CECI de Ouahigouya, ne sait pas où donner de la tête ; surveillant au Lycée privé Mactar M’Bow, dont le fondateur est Issa Joseph Diallo, il est soupçonné d’être à la solde de ce dernier.

Une correspondance aurait même été adressée bien avant au président de la CENI, Moussa Michel Tapsoba, demandant sa mise à l’écart. Le patron national chargé des élections n’y aurait pas prêté une oreille attentive. Il reste maintenant à savoir si Yacouba pourra résister, tellement les pressions sont nombreuses sur lui et fusent de partout.

On fait cas d’inscriptions illégales qu’il aurait favorisées avec des actes de naissance d’élèves au centre d’excellence. A en croire l’accusé, ces affirmations sont sans fondements : « On veut ma tête pour rien. Je ne roule pour aucun parti ».

Emery Albert Ouédraogo

L’Observateur Paalga

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