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Moussa Sanou, dramaturge : « J’ai été un artiste trop honnête »

Publié le lundi 21 mai 2007 à 07h52min

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Moussa Sanou

A 42 ans, Moussa Sanou est un dramaturge hors pair. Il a obtenu en avril 2006 le premier prix à la Semaine nationale de la culture (SNC) Bobo 2006 (la plus grande compétition nationale de culture au Burkina Faso) avec sa compagnie « Traces Théâtre.

Venu au théâtre par un pur hasard, ce fils de Pala, dans la banlieue bobolaise, a fait ses preuves sur plusieurs scènes en Europe comme en Afrique : Festival des Francofolies de Limoges en France, Iles de la Réunion, Festival du théâtre des Réalités à Bamako, des spectacles au Bénin, au Niger, au Togo, au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Congo Brazzaville, en République Démocratique du Congo...

Comédien, dramaturge, metteur en scène, écrivain, conteur, l’artiste exprime toute sa passion pour le théâtre lorsqu’il est sur scène. « Je suis totalement à l’aise quand je suis en communion avec mon public » souligne t-il. Sur la scène, Moussa SANOU est comme métamorphosé. Il maîtrise à la perfection les rôles de paysans, souvent ignares et têtus. « C’est parti du fait que j’ai vécu entre la ville et le village », explique t-il. « J’ai beaucoup d’estime pour la parole, la philosophie africaine. » poursuit l’artiste, avant de conclure : « Sur la scène j’essaie de dépasser ma personnalité de tous les jours ». Pour pénétrer ses personnages, il avoue ne pas savoir trop comment il procède. « Je le sens seulement. Le comédien doit remplir la scène et la déborder pour ensuite atteindre le public ».

Une œuvre prolifique

Ecrivain, sa forme d’écriture est un peu particulière. Il manipule avec talent à la fois son vécu au village et sa vie en ville dans son œuvre dramatique. Sa création artistique est prolifique. Il produit en moyenne une oeuvre chaque année. « Ismaël, prix de bière » en 1994, « Salimata est enceinte » en 1995, « Le tourbillon de l’heure » en 1996, « Trois paroles de sagesse » en 1997, « La trilogie de Boulaye » en 1997, « Si la vie était à reprendre... » en 2002, « Douroudimi » en 2003, « Je t’appelle de Paris » en 2005. Les sujets dont traitent les œuvres de Moussa SANOU sont fortement ancrés dans la dynamique sociale. Ils prennent racine dans l’actualité et l’auteur avec sa démarche qui est propre se saisit des thèmes sociaux qu’il façonne à sa guise.

Au bout de l’effort, la reconnaissance et le mérite. Des distinctions et récompenses, Moussa en est familier avec sa compagnie de théâtre. « Douroudimi », premier prix en littérature option théâtre en 2004 à la Semaine Nationale de la Culture (SNC) et toujours avec « Douroudimi » premier prix catégorie théâtre vivant (joué sur scène) en 2006 à la SNC. « La trilogie de Boulaye » premier en 1997 au Grand prix national en Théâtre du Burkina, « La dérive de Talamabéré » deuxième prix en 1998 toujours au Grand prix national en Théâtre du Burkina Faso. « Chaque fois que je suis primé, je cherche à savoir si ce que je fais est bon », se réjouit-il.

Il s’est forgé ainsi un nom aux cotés de plusieurs grands noms du théâtre contemporain. Koulsy LAMKO, Jean Louis Martinelli, Huber OTTO, Séréna SARTORY, Jean Louis HecKel, Dénis LEPAGE, Catherine DASTE, Jacques JOUET, Patrick Le Mauff, Jacques DELCUVELLERIE, Gabor TOMPA, Charles BERLING etc.

Vie d’artiste bien remplie pour cet homme dont l’apprentissage a été traditionnel. Le village africain, la ville africaine ont été son université. « Moralement j’ai une vie d’artiste comblée », lance t-il avant d’ajouter : « Mais matériellement non ! ». « De toutes ces distinctions et prix, il n’y a pas autre chose qui suit. Je gagne ma vie comme les autres, je vis comme tout Burkinabè moyen », confie t-il.

Un artiste parmi les hommes

Moussa SANOU est un homme qui a le sens du partage. « Je pense que j’ai beaucoup de choses à dire, et beaucoup de choses à donner ». Sa plus belle réalisation a été la création de la compagnie « Traces Théâtre » en 1992 qu’il affectionne comme la prunelle de ses yeux. Il souhaite d’ailleurs qu’elle soit la preuve, sinon la trace de son passage sur cette terre.

La collaboration avec le Théâtre Les Amandiers de Nanterre lui reste comme l’une des plus belles expériences dans sa vie, mais jusque là son meilleur souvenir demeure sa rencontre aux débuts de la création de « Traces théâtre » avec la colombienne, Brigida Tobonne, qu’il a perdue d’ailleurs de vue depuis lors. « Elle est partie et n’a jamais su que Trace Théâtre a grandi », lance t-il sur fond de nostalgie.

En vingt ans de carrière artistique le plus grand regret de Moussa SANOU c’est d’avoir été excessivement artiste. « J’ai été trop bon artiste, j’aurais pu être un artiste moyen comme les autres et je me serais enrichi. J’ai géré des millions pour le compte de la culture et je les ai gérés honnêtement pour que la culture aille de l’avant », regrette t-il. Son autre regret, c’est qu’il a cru au théâtre. Il est persuadé que le théâtre peut changer le monde. Aussi s’y est-il trop investi. Et son plus grand souhait, c’est d’être une pièce tragi-comique voire une pièce de sensibilisation, qui sera jouée et amener ainsi les gens à savoir s’engager.

Evoquant le théâtre d’auteur, il déplore que ce genre cherche toujours son public au Burkina et en Afrique. « Les aléas de la vie ne sont pas vraiment favorables à la création ».

Au sommet de son art, quelques remords habitent ce chef de famille qui ne vit que pour l’art. « J’ai eu l’occasion d’être riche, mais l’honnêteté et la franchise m’en ont empêché », avoue t-il. Avant de poursuivre, « ils sont nombreux ceux qui ont profité de moi ». Parlant d’ailleurs de famille il, son engagement pour la culture et le théâtre (président de la coordination des ensembles d’arts dramatique, directeur de Trace théâtre etc.) lui laisse malheureusement peu de temps mais qu’il avoue tout de même lui consacrer de précieux temps.

Pour lui, l’artiste n’est pas en dehors de la société, il doit avoir une vie de famille. « Tout le monde peut faire du théâtre, cependant on ne peut pas tous être bons comédiens de théâtre. Il faut savoir se démarquer de son personnage et être comme les autres dans la société ». Il déteste qu’on le prenne pour un clown dans la vie sociale. Et prévient-il : « Je suis comme le poisson électrique. Je ne m’attaque qu’à ceux qui veulent réellement ma peau. »

Fousséni KINDO

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Vos commentaires

  • Le 21 mai 2007 à 19:36 En réponse à : > Moussa Sanou, dramaturge : « J’ai été un artiste trop honnête »

    Mes felicitations et encouragements à M. SANOU, je profite lui rappeler qu’on ne doit pas regreter son honneteté, on doit plutot en etre fier. L’honneteté est toujours retribuée d’une manière ou d’une autre ici sur terre et aussi dans l’au-dela.
    Bon vent à toi mon frere.

  • Le 22 mai 2007 à 19:09 En réponse à : > Moussa Sanou, dramaturge : « J’ai été un artiste trop honnête »

    Felicitations et courage.
    Tout vient a point nommé a qui sait attendre !
    Vous vous etes entierement donné a la culture mais sachez que ceux qui sont riches en materiel ne sont pas autant heureux que vous ! Vous faites ce que vous aimez et vous recevez des prix : c’est donc dire que votre travail est reconnu. Soyez-en fier, continue ainsi et rappelez vous que" la culture, c’est ce qui reste quand on a tout perdu".
    Bon vent a vous.

  • Le 23 mai 2007 à 21:10, par Aboubakar En réponse à : Que chacun porte dignement sa croix

    On n’est jamais trop honnête ; tu as fait ton caractère autrement tu n’aurais jamais eu un prix si tu es malhonnête avec toi-même. Il y a des gens qui peuvent réussir dans la malhonnêteté et d’autres ne le pourront jamais. Le jour que tu décideras d’être malhonnête, tu n’aura aucun prix tu ne pourras même pas écrire une ligne. Car les textes et les prix sont des reconnaissances que t’ont values ton âme et ta vie. Ce n’est pas d’ailleurs la peine d’essayer d’être ce que tu n’es pas. Ce n’est pas intentionnellement qu’on est honnête ou malhonnête. C’est dans son âme. En général, les voleurs ne changent pas. Pas parce qu’ils ne le veulent pas ; mais parce qu’ils sont naturellement voleurs. Ce que tu as fait ce n’est pas parce que tu le voulais mais c’est ce que tu sais faire. Je ne te dirai pas courage, je dirai tout simplement que tu peux encore être plus toi même en assumant ton être, ton âme et ton caractère. C’est la punition que Dieu a prévu pour toi, alors tu n’échapperas pas. Que chacun porte dignement sa croix.

  • Le 24 mai 2007 à 13:21 En réponse à : > Moussa Sanou, dramaturge : « J’ai été un artiste trop honnête »

    Au lieu de l’abreuver de slogans et autres exhortations, pensez plutôt à lui faire un geste plus significatif si vous avez été touchés comme vous le laissez croire...

  • Le 26 mai 2007 à 23:14, par SAFANE En réponse à : > Moussa Sanou, dramaturge : « J’ai été un artiste trop honnête »

    Hallo Jeune BOBO de Pala !!!!!!!!!
    Bien que tu sois mon esclave,je te dis ceci:UN GRAND N’EST JAMAIS PETIT !!!!J’ai déjà assisté en 2003 à un de tes spectables au théatre de Nanterre et je dis Moussa que tu mérites du RESPECT.Reste honnête comme tu l’as toujours été et et laisse le temps faire.Le très cher FASO te dit merci !!!!!!!
    Ta patronne à 5000km.

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