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Burkina Faso-Pays Bas : Plus de 30 ans de coopération

Publié le mercredi 2 mai 2007 à 08h30min

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La coopération entre le Burkina Faso et les Pays-Bas date de plus de 30 ans. Et les deux pays continuent de conjuguer leurs efforts pour construire l’édifice du développement. La coopération vient de prendre un tournant décisif. Elle est passée du stade de projet au stade de programme et d’appui budgétaire.

Dans cette interview, l’ambassadeur du Royaume des Pays-Bas, Gerard Duijfjes, aborde, sans détours, de grandes questions liées au développement du Burkina Faso.

Il explique aussi comment les partenaires techniques et financiers (PTF) dont l’ambassade des Pays-Bas est actuellement le chef de file, s’organisent pour faire face aux défis actuels. L’ambassadeur insiste également sur la transparence dans la gestion des fonds octroyés. Pour cette année, les Pays-Bas envisagent de faire des dons à hauteur de 33,3 milliards de FCFA au Burkina.

Comment se porte la coopération entre les Pays-Bas et le Burkina Faso ?

Gerard Duijfjes : La coopération entre les deux pays existe depuis plus de trente ans. Elle date des années 70, précisément au moment où la sécheresse a particulièrement sévi au Burkina Faso. Cette coopération bilatérale s’inscrit à long terme et concerne essentiellement la lutte contre la pauvreté et la promotion de la démocratie. Cela implique le respect des droits humains, le partage des fruits de la croissance économique au profit des populations et bien d’autres domaines.

Nous intervenons dans le cadre d’un programme intégré. Nous apportons au Burkina Faso des appuis budgétaires généraux sous forme de dons. Une croissance économique durable et un processus démocratique bien mené sont nécessaires pour la stabilité du Burkina Faso. Cela est valable pour tous les pays du monde.

La coopération est passée du système de projets à celui de programmes sectoriels. Qu’est-ce qui justifie cela ?

Les projets génèrent des résultats à court terme et faciles à identifier. Mais au regard de leur configuration, ils ont leurs désavantages ; ils ne permettent pas aux structures gouvernementales de trouver des solutions appropriées et durables. Ils sont géographiquement limités et concernent un domaine souvent très restreint. Or, pour que les actions soit efficaces, il faut que le projet agriculture par exemple soit accompagné d’une construction de routes afin de transporter les produits et accéder facilement au marché. Les projets s’assimilent à une équipe de football dans laquelle chaque joueur a son propre entraîneur et joue pour lui-même.

L’approche programme par contre normalement tient compte de l’intérêt général et intégral. Il a pour objectif d’impulser un développement durable. C’est pourquoi l’ambassade des Pays-Bas a décidé de concentrer son assistance au niveau des programmes sectoriels dans le cas du Burkina, notamment la santé et l’éducation.

Le choix de procéder à l’approche sectorielle est rendu possible, dans la vision des Pays-Bas, par la base relativement forte des politiques burkinabè axées sur la réduction de la pauvreté et la croissance économique, ainsi que d’une administration et une gestion des finances publiques suffisamment performantes et efficaces. En outre, cette transition a été facilitée par l’existence au Burkina Faso de programmes sectoriels bien développés et réalistes pour ces secteurs.

A part ce soutien sectoriel, nous apportons des appuis budgétaires généraux, non-ciblés, en soutien à la mise en œuvre du Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP) et des programmes prioritaires du gouvernement en général. Cette dynamique permet de consolider le fonctionnement des institutions gouvernementales burkinabè et de permettre ainsi au gouvernement de mieux appliquer sa politique.

Une approche sectorielle et l’appui budgétaire général permet aussi de mieux coordonner les fonds des partenaires techniques et financiers et du Burkina Faso. Nous accordons une très grande importance à la réalisation du CSLP avec son programme d’actions prioritaires, comme les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Les résultats attendus au niveau des besoins prioritaires tels que l’accès à l’éducation, à l’eau potable, aux services de santé, etc., y sont clairement définis.

Beaucoup de fonds sont investis dans ce domaine. Il faut que les services publics se dotent de plans d’opérationnalisation de la stratégie de développement durable. Pour cela, il faut opérer des choix de développement, instaurer un débat politique pour mieux les affiner et obtenir le soutien de la population avant leur mise en œuvre. Cela est extrêmement important.

Il semble que vous êtes très exigeant sur la gestion des fonds alloués au Burkina Faso. Cela signifie-t-il que vous avez des motifs d’insatisfaction dans ce domaine ?

La transparence est très importante. Elle facilite le contrôle des fonds et des personnes qui les gèrent, ainsi qu’une utilisation efficace des moyens disponibles, que ce soient des moyens internes de l’Etat burkinabè ou des financements provenant de l’extérieur. La transparence est autant valable pour le Burkina que pour les Pays-Bas ainsi que tous les autres Etats du monde. Elle contribue grandement à proscrire les mauvaises pratiques et l’impunité. Tout ce qui s’inscrit dans le cadre de la bonne gouvernance revêt une importance capitale pour nous. Cela traduit le niveau de qualité de l’Administration du pays et montre que le gouvernement fait preuve de responsabilité devant ses citoyens.

A part votre appui budgétaire général, vous intervenez essentiellement dans le domaine de la santé, l’éducation de base, l’éducation post-primaire. Quelle est l’enveloppe financière prévue pour 2007 ?

Il est prévu un montant de plus de 30 milliards de FCFA. Près d’un tiers de cette somme servira à l’appui budgétaire général.

Comment jugez-vous le niveau de développement des pays africains ?

Les pays ayant un développement soutenu sont ceux où le gouvernement a pris ses responsabilités vis-à-vis des citoyens. Cette responsabilité n’est possible qu’avec des structures efficaces et transparentes ayant pour maître mot la bonne gouvernance. Il est important que de plus en plus tous les pays africains s’inscrivent dans cette optique.

Qu’auriez-vous aimé voir changer pour que le Burkina Faso s’engage résolument dans le développement durable ?

Il faut que les citoyens jouent pleinement leur rôle. Ils doivent par exemple avoir des possibilités de commenter l’action gouvernementale et ses résultats et conséquences pour permettre à l’Exécutif d’améliorer de façon progressive ses prestations. Nous soutenons le CSLP ; la société civile y est impliquée, même si cette implication pourrait être rendue encore plus profonde et efficace. Mais l’Assemblée nationale a, elle aussi, une responsabilité, en tant que représentant des citoyens, de participer à la discussion et contrôle de l’action gouvernementale. Les différents acteurs du développement doivent œuvrer sans relâche pour que les services de base soient à la disposition des populations.

D’ailleurs, un effort constant du gouvernement même est requis pour que les pratiques de bonne gouvernance soient effectives dans la mise en œuvre des politiques et programmes de développement. Il est primordial de dissiper toute perception d’impunité d’actions de mauvaise gouvernance. Si ces questions ne sont pas résolues, le gouvernement perd de sa crédibilité. Ces points-ci sont d’ailleurs parmi mes priorités pendant mon séjour au Burkina Faso.

L’impunité handicape, dites-vous, les élans de développement. Comment l’ambassade des Pays-Bas apprécie-t-elle l’affaire Norbert Zongo ?

Je n’étais pas au Burkina Faso quand le drame s’est produit. Mais c’est déplorable car il s’agit d’une atteinte au droit à la vie. Il y a actuellement des points de vue divergents sur l’aspect judiciaire du dossier. Il est important que des solutions soient trouvées. Il importe aussi de faire en sorte que ce qui s’est produit ne se reproduise plus.

En 2005, de grandes résolutions ont été prises à Paris par les pays africains et leurs partenaires techniques et financiers. Où en est-on aujourd’hui ?

Dans la déclaration de Paris, tous les partenaires techniques et financiers se sont engagés à harmoniser leur assistance financière et à l’inscrire dans le cadre de programmes élaborés à cet effet par les pays receveurs. Un gouvernement comme celui du Burkina Faso a évidemment un rôle central à jouer dans ce processus.

L’une des grandes résolutions est que les bailleurs de fonds doivent accepter les priorités et les objectifs définis et défendus par les différents gouvernements receveurs. Ces priorités et ces objectifs doivent être clairement définis. L’ambassade des Pays-Bas, comme d’autres partenaires, soutient le Burkina Faso afin qu’il joue bien son rôle. Par ailleurs, l’Union européenne accorde une importance capitale à l’harmonisation de l’aide.

Environ 80% des dons reçus par le Burkina Faso en 2005 proviennent des Etats membres de l’Union européenne et de la Commission européenne. Au niveau du Burkina, nous sommes en train d’harmoniser les actions des bailleurs de fonds en concertation avec le ministère des Finances et du Budget. Cela facilitera sans doute le travail de l’Administration burkinabè.

En outre, les pays européens, les Pays-Bas en particulier, se sont engagés à faciliter l’accès au marché européen aux pays en voie de développement afin de rendre les actions de développement de ces pays, par exemple dans le domaine de l’agriculture, plus efficaces. .

Existe-t-il un système de contrôle adéquat des fonds que vous investissez au Burkina Faso ?

Le gouvernement et les partenaires ont un cadre de concertation qui nous permet d’évaluer d’une manière conjointe ce qui a été fait au cours de l’année et, tenant compte des insuffisances et des acquis, de voir ce qui est envisageable de meilleur pour l’année suivante, concernant notamment la planification et la gestion des plans et programmes. Il y a aussi des sondages et des évaluations sur le terrain afin de mesurer la pertinence des actions menées.

Vous ne faites que des dons dans le cadre de votre assistance au développement. Pas de prêts. Pourquoi une telle option ?

Effectivement, les Pays-Bas ne font que des dons dans le cadre de la coopération bilatérale. Nous voulons ainsi apporter véritablement notre appui aux pays les plus pauvres. Il s’agit de soutenir les efforts de développement local. Les dons permettent de booster plus facilement les investissements locaux dont les rendements ne sont pas immédiats mais à long terme.

Comment aimeriez-vous voir le Burkina au terme de votre mandat en 2010 ?

Nous n’agissons pas seul au Burkina Faso. Nous le faisons avec d’autres bailleurs de fonds dans le cadre de l’Union européenne et en concertation avec le gouvernement du Burkina Faso. Pour un pays qui ne dispose pas de suffisamment de ressources naturelles, il est très important d’opérer des choix judicieux et de savoir planifier ses actions pour un avenir meilleur. En effet j’espère voir en 2010 un Burkina Faso qui a montré pouvoir effectivement rendre l’atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement beaucoup plus proche et réalisable en continuant ses grands efforts actuels pour le développement du pays.


Les dons de 2003 à 2007 (en FCFA)

- Prévision pour 2007 : 33,3 milliards

- 2006 : 28,7 milliards

- 2005 : 25,5 milliards

- 2004 : 21,5 milliards

- 2003 : 19,5 milliards


L’éducation, maillon essentiel du développement

Il ne peut y avoir de développement durable sans éducation. Les Pays-Bas ont cerné la mesure de l’enjeu. Depuis 2000, leur soutien au secteur de l’éducation au Burkina Faso a pris un tournant décisif. L’Ambassade des Pays-Bas a ainsi été, « en 2001, l’un des bailleurs de fonds leaders du Plan décennal de développement de l’éducation de base (PDDEB) », explique Laurent Kaboré, Conseiller adjoint en Education à l’ambassade.

A l’époque les Pays-Bas ont assuré, selon lui, une grande partie des fonds octroyés par les partenaires techniques et financiers pour le démarrage de ce programme fondamental (Plan d’accompagnement). Chaque année, l’ambassade apporte une assistance financière au secteur de l’éducation sous forme de dons. « Elle ne fait pas de prêts », précise Laurent Kaboré.

Cette aide ne se limite pas à l’éducation de base. Elle porte, depuis 2006, aussi sur l’enseignement post-primaire. Tout cela s’inscrit dans le cadre d’un programme contenant des priorités définies par le gouvernement. C’est ce dernier qui est responsable de leur mise en œuvre. L’ambassade apporte son appui et participe à des cadres de concertation avec les autres partenaires techniques et financiers (PTF) et des représentants du gouvernement.

Une telle option vise à harmoniser l’aide au développement et à booster de façon efficace et efficiente les actions menées sur le terrain. Toutes ces actions s’inscrivent dans le Cadre partenarial qui existe depuis 2002 et qui correspond à un engagement moral des signataires pour accompagner la mise en œuvre du PDDEB d’une manière harmonisée.

Dans cette optique également, les Pays-Bas et la Banque mondiale ont établi en 2006 un partenariat spécial de division de travail. « Cela permet au gouvernement et autres partenaires d’avoir un seul interlocuteur ; les Pays-Bas peuvent ainsi agir au nom de la Banque mondiale pour l’éducation de base et vice-versa pour le post-primaire, ce qui réduit les couts de transaction », souligne Laurent Kaboré.

Dans le domaine particulier de l’éducation, les Pays-Bas entendent s’investir davantage pour le « partage du savoir », clé de voûte de tout développement. « Nous le ferons en synergie avec le gouvernement », précise l’ambassadeur Gerard Duijfjes.

Le Pays

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