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Recul démocratique au Sénégal : La part de responsabilité de l’opposition

Publié le vendredi 27 avril 2007 à 08h23min

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Idrissa Seck et Abdoulaye Wade

Dans sa forme et son ampleur, la décision de boycott par l’opposition sénégalaise, des prochaines législatives, est inédite dans l’histoire politique du Sénégal. Et à ce propos, ces formations politiques ne manquent pas d’arguments.

Participer au scrutin du 3 juin prochain n’est ni plus ni moins pour elles que cautionner la fraude et les irrégularités enregistrées selon elles lors de la présidentielle de février dernier.

Selon toute apparence, les formations politiques concernées sont gênées aux entournures. Si elles allaient à ces élections, elles reconnaitraient de facto la victoire de Me Abdoulaye Wade, victoire qu’elles se refusent pourtant à accepter. Il est vrai que depuis son accession au pouvoir en 2000, le pape du "Sopi" (changement) Abdoulaye Wade a adopté une posture propre à faire des entailles à la démocratie sénégalaise.

Au-delà des reproches, avérés ou pas, sur la qualité du fichier électoral, ainsi que sur les supposées ou réelles fraudes massives qui auraient émaillé le scrutin présidentiel de février dernier, le Sénégal connaît un net recul démocratique. Et cela se voit comme le nez au milieu du visage. L’opposition est-elle pour autant sur la bonne voie en optant pour la politique de la chaise vide ?

L’option sera-t-elle payante d’autant plus que cette décision est diversement appréciée ? Et puis, en se mettant ainsi en marge du processus, la vieille classe politique ne crée-t-elle pas davantage sa ruine, au bénéfice sans doute d’un nouveau personnel politique ? Quoi qu’on dise, il est clair que les législatives constituent un rendez-vous électoral capital dans la vie de tout parti soucieux de son assise nationale.

Ces regroupements politiques se sont-ils alors trompés d’élections à boycotter ? En se faisant hara-kiri, les partis de Moustapha Niasse, de Ousmane Tanor Dieng et autres éléphants de la vie politique nationale, ne dégagent-ils pas un boulevard pour le parti d’Abdoulaye Wade, le PDS (parti démocratique sénégalais) qui pourrait ainsi s’offrir une écrasante majorité à l’Assemblée nationale ?

Les partisans du boycott voient certainement l’affaire autrement. En s’octroyant une écrasante majorité à l’Assemblée nationale, du fait de la non participation de l’opposition au pouvoir, le parti au pouvoir sera certainement dans ses petits souliers. Reste à savoir si "Gorgui" voit cela du même œil. Une telle attitude de l’opposition trouble-t-elle le sommeil du président Wade ? S’en émeut-il vraiment quand lui-même se fait le plaisir de rappeler que dans l’opposition, il avait lui aussi boycotté des élections ? Rien n’est moins sûr.

Les arguments de l’opposition pour ne pas aller aux législatives du 3 juin sont sans doute légitimes. De même, l’on peut comprendre que le boycott soit un moyen pour elle d’attirer l’attention de la communauté internationale. Rien ne dit cependant que sa participation aux élections en question lui aurait empêché de montrer à la face du monde le manque de consensus sur le fichier et de transparence dans le processus électoral. Toujours est-il que l’opposition semble ne s’être pas suffisamment battue afin que les législatives précèdent la présidentielle. On sait comment la chronologie des élections peut avoir un effet d’entraînement.

De sorte que quiconque remporte la présidentielle est quasi-assuré d’aller à la bataille des législatives la fleur au fusil. Déjà abasourdie par les résultats de la dernière présidentielle, l’opposition redoute sans doute le plus, une seconde déculottée. Peut-être s’agit-il pour elle d’éviter d’aller au devant d’une nouvelle déconvenue, la bataille semblant perdue d’avance.

Surtout qu’un bref intervalle sépare ces deux rendez-vous électoraux. Les partis concernés par le boycott ont, à leur tête, des dirigeants qui, pour la plupart, ont assuré de hautes fonctions dans les instances gouvernementales et sont devenus des figures emblématiques du paysage politique.

Il y a donc lieu de s’inquiéter sur le devenir de la démocratie sénégalaise quand tous ces partis refusent de se lancer à l’assaut des suffrages du 3 juin prochain. Mais, en se tenant en marge du processus, ces opposants ne contribuent-ils pas, à leur façon, à faire reculer la démocratie sous les cieux sénégalais ? N’y ont-ils pas leur part de responsabilité ?

Quant à Wade, quelle que soit sa part de responsabilité, il peut se prévaloir d’avoir déjà fait des concessions en acceptant de découpler les élections. Il appartenait à l’opposition de maintenir le fil du dialogue plutôt que d’opter pour la méthode radicale dont elle n’est pas sûre d’en tirer le meilleur profit. D’autant qu’on craint déjà que cette politique de la chaise vide fasse renaître le phénomène de la transhumance politique. Et puis, de toute façon, en Afrique, cette politique de la chaise vide, n’a jamais donné de l’urticaire au pouvoir.

"Le Pays"

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