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Législatives au Yatenga : Abdoulaye Sougouri ou « l’éclipse de la raison »

Publié le vendredi 27 avril 2007 à 08h27min

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La campagne électorale pour les législatives du 6 mai tire inexorablement à sa fin, et sous réserve de mauvaise surprise dans la dernière ligne droite, il faut saluer l’esprit de tolérance et de respect de l’autre, dont a fait preuve la classe politique dans sa globalité. Jusque-là en effet, excepté quelques piques virulentes mais sans méchanceté et quelques tracts orduriers, le fair-play aura prévalu.

Le seul vrai dérapage dans cette opération de charme en direction des électeurs nous sera venu du Yatenga, où la compétition tourne à un véritable jeu de massacre de l’adversaire. On savait que dans la cité de Naba Kango, qui a toujours politiquement bouillonné et où Salif Diallo (CDP) et Gilbert Ouédraogo (ADF/RDA), pour être membres du même gouvernement ne sont pas moins des adversaires politiques acharnés, les joutes seraient passionnées. Mais de là à penser qu’il y aurait des outrances verbales inqualifiables...

Comme chacun le sait, Issa Joseph Diallo est candidat dans la province du Yatenga. Il se présente sur la liste de l’ADF/RDA. Et depuis que la candidature de l’ancien maire (CDP) révoqué a été validée par la Commission électorale nationale indépendante (CENI), seule compte, aux yeux de ses adversaires, partisans politiques d’hier, l’affaire Issa Joseph Diallo. Celui-ci est devenu, aujourd’hui, une cible favorite qui essuie, jour après jour, les tirs nourris de ses ex-camarades.

Ce serait de bonne guerre si tout cela se déroulait dans les règles de l’art, on s’en serait félicité, et la campagne, pâteuse, dont nous gratifient les partis politiques toutes obédiences confondues, aurait pris un aspect plus reluisant. Mais hélas, mille fois hélas ! Il y a lieu de soupirer de désolation au regard de ce qui s’est passé lors du meeting de lancement de la campagne du CDP le samedi 14 avril 2007 à Ouahigouya.

Et il n’est pas jusqu’au "Journal des législatives", bulletin d’information du parti au pouvoir, qui ne se soit pas inquiété, dans sa livraison n°2 du 18 avril dernier, de la dérive verbale enregistrée au cours de la manifestation : "Ceux qui ont suivi le meeting ont vite compris et mesuré le degré de gravité des propos à l’égard des partis adverses", rapporte, quelque peu inquiet, l’auteur de l’article.

Cette nuit-là (le meeting s’est tenu de 21 h à 1 h du matin toujours selon le Journal des législatives) et sous l’œil ravi du "grand camarade" Salif Diallo, commissaire politique de la région du Nord, Abdoulaye Sougouri, S.G. de la section provinciale du CDP Yatenga, et l’inénarrable Soumaïla Ouédraogo alias "Ila", figure bien connue dans la localité, ont tous deux rivalisé de médisance, de vilenie, de calomnies et d’injures abjectes à l’encontre de leur ennemi public numéro un. Au point qu’un cadre du parti majoritaire, à qui compte rendu a été fait, a parlé "d’éclipse de la raison". Il ne pouvait si bien dire.

De mémoire de Yadéga, une campagne n’a jamais connu pareil déluge d’outrances oratoires et d’intolérance. La consigne est claire : (a) battre par tous les moyens possibles, l’ancien maire "renégat" de la commune de Ouahigouya, Issa Joseph Diallo. C’est la chasse à l’homme dans le Yatenga, et les tueurs politiques en service commandé sont déjà à l’œuvre.

En quinze ans, notre démocratie a gagné en maturité, mais on ne peut pas en dire autant concernant certains de ces acteurs. Et sont de ceux-ci, Abdoulaye Sougouri, dont le patronyme signifie pourtant en langue moaga "pardon", et son comparse, "Ila", à qui l’on pourrait décerner, sans hésitation, le bonnet d’âne s’il existait un prix en matière de respectabilité républicaine.

Retour sur le show indécent des deux orateurs de cette fameuse nuit "d’éclipse de la raison" : "Nous sommes mobilisés au secteur 7 pour défier l’ancien maire Issa Joseph Diallo. Comme il ne sait pas là où il a fait ses besoins hier, nous allons lui montrer qu’il n’y a pas de vent favorable à celui qui ne sait pas où il va", s’est fendu d’un affront Soumaïla Ouédraogo.

"Nous allons combattre Issa Joseph Diallo jusque dans sa dernière demeure. C’est un ingrat qui doit tout ce qu’il est à Salif Diallo", s’est épanché de haine le S.G. de la section provinciale. Pareille débauche d’invectives, sauf à vouloir tuer une mouche au lance-roquettes, n’est-elle pas la preuve aussi que "celui qui ne sait pas où il a fait ses besoins hier" n’est pas un petit comme certains tentent de le présenter ?

Même le député Bernard Lédéa en a eu pour son honorabilité, lui que d’aucuns suspectent de sympathie pour l’ADF/RDA. Et pourtant ! S’il y a quelqu’un à qui "l’ingratitude" de l’ex-édile a servi de planche de salut politique et social, c’est bel et bien au premier responsable local du CDP. L’on se rappelle que c’est au moment de la guerre larvée entre les deux "frères Diallo" en 2004 qu’anonyme militant de base, le "petit" camarade Sougouri a été imposé, à la surprise générale, à la tête de l’instance provinciale du parti.

Et du coup, la transfiguration a été des plus spectaculaires : d’habitude calme, il est désormais excessif ; naguère colombe, il est aujourd’hui faucon ; hier affable, il cultive maintenant la terreur dans le regard. Qu’en signe de reconnaissance et de dévotion envers celui qui l’a, lui aussi, fabriqué de toutes pièces, il soit prêt à descendre dans la boue, personne n’y voit aucun mal ; qu’il se donne le rôle de chien de garde du fief jusque-là inviolé mais non inviolable de son vénéré maître, « on t’en pis » comme qui dirait ; s’il rêve d’offrir au "représentant suprême du CDP au Nord" le soir du 6 mai prochain les quatre sièges en compétition, nos vœux de doux réveil l’accompagnent.

Mais de là à prendre le jeu politique pour un combat de gladiateurs, il y a une confusion à ne pas faire. La morale, ça existe même en politique, car selon Clémenceau : « La politique, c’est comme l’andouillette. Ça doit sentir la merde mais pas trop ». Sinon ça devient incomestible. C’est au respect ou non de l’éthique que l’on distingue l’homme politique du vulgaire politicien. Alors, monsieur le S.G. du CDP Yatenga, si c’est ça votre politique, on n’est pas dedans. Les sciences Po existent toujours, même si « c’est pas du CP1 jusqu’à ho lala ho lala ».

Il faut d’ailleurs espérer que, dans son envolée lyrique, c’est seulement sa langue qui a fourché et non son cœur qui a parlé et qu’il a dû regretter sa bêtise d’un soir, car, si effectivement, il devait combattre le pauvre Issa Joseph Diallo « jusqu’à sa dernière demeure », il faut craindre que les cris des fantômes ne lui soient insupportables.

Alain Saint Robespierre

L’Observateur Paalga

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