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Campagne électorale : Pô s’ennuie ferme

Publié le mardi 24 avril 2007 à 08h29min

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Circonscription électorale du Nahouri. Un siège à pourvoir, dix-sept partis sur la ligne de départ, quelque soixante- quatre mille électeurs recensés. A Pô, chef-lieu de la province, une campagne sur fond de morosité. Lassitude de la population, opinent certains observateurs politiques ; stratégie de conquête, rétorquent les responsables de parti.

Reportage à Pô, localité que nous avons choisie au regard des mémorables empoignades politiques qui s’y sont déroulées lors des municipales partielles.

23 avril 2006 à Pô : élections municipales dans le cadre de la communalisation intégrale.

18 février 2007 toujours dans la même localité : retour aux urnes pour le renouvellement du conseil municipal dissous par suite d’une crise de fonctionnement au sein dudit conseil.

6 mai prochain : nouveau scrutin, pour le choix du seul et unique représentant du peuple dans la province du Nahouri.

Pareil marathon électoral, forcément, ça donne le tournis à plus d’un électeur, éprouve les machines électorales, même les mieux rodées, et essouffle les acteurs politiques. Un cocktail de symptômes de fatigue, aux conséquences anémiques sur la campagne législative à Pô.

Vendredi 20 février. Le siège du Parti africain pour l’indépendance (PAI), cette formation politique victorieuse des dernières partielles du 18 février est fermé. Le panneau indicatif naguère ostensiblement planté à l’entrée de la cour a été arraché. Tout est noir à cette heure de la nuit (20 heures) ; pas âme qui vive. Idem au siège du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP).

Au seuil du QG de l’Alliance démocratique pour la fédération/Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA), de jeunes militants jouent aux cartes, autour d’une théière. Sur les murs, sont collées des affiches aux emblèmes du parti. La cour est déserte. Mais la présence de bancs sous l’auvent de la maison et l’éparpillement au sol de papiers fraîchement froissés, témoignent néanmoins, ici, de l’existence d’une certaine animation.

« La causerie-débat vient de s’achever, et notre candidat vient de rentrer », dit un militant, la voix éraillée, peu avant 23 heures. Prend fin ici, notre travail de reconnaissance du terrain, les quatorze autres partis en lice dans le Nahouri ne disposant pas de siège à Pô. Certains d’entre eux n’ont toujours pas retiré leur part de spécimen de bulletins de vote au siège de la Commission électorale provinciale indépendante (CEPI). Signe de défaitisme dans une circonscription qu’ils estiment perdue d’avance ? Des électeurs s’en désolent.

« Théoriquement, il y a 17 partis en course dans la province. Sur le terrain, on n’en rencontre que cinq. Ça ne fait pas sérieux », constate, navré, Ibrahim Fofana, transitaire à Dakola. Devant sa bouteille « Prado », pour faire dans le jargon des amateurs de cette marque de bière, il reçoit de nombreux coups de fil et autres SMS de félicitations pour la naissance de son deuxième enfant. Il accomplira, le jour du scrutin, « son devoir citoyen », mais en attendant, il regrette l’ambiance de morosité électorale qui règne actuellement à Pô. « Actuellement, ça ne bouge pas du tout ici. Les partis attendent certainement la dernière minute pour se lancer dans la bataille. » Samedi 21 dans la matinée.

Le siège du CDP reste fermé. Celui du PAI aussi. Dans les rues du centre-ville, pas de militants arborant des tee-shirts à l’effigie des candidats. Pas d’affiches non plus. Dans les maquis, et autres lieux de rassemblement, les causeries tournent uniquement autour des préoccupations de la vie quotidienne. Evoquer la campagne avec certaines personnes, peut même être source d’écueils.

Dans un café de la place. « Comment trouvez-vous l’ambiance de la campagne ? » « Je ne sais pas. Tout ce qui me préoccupe, c’est comment faire pour entretenir mes frères et sœurs. J’ai voté à la présidentielle et c’est tout », répond avec quelque nervosité, M. Z. figure bien connue à Pô. « Et pourquoi vous ne recommencerez plus ? » « En quoi, cela vous intéresse-t-il tant ? Vous n’allez pas vous servir de mes propos pour faire votre travail de journaliste », lance-t-il, non sans une certaine pointe de colère cette fois. Tentatives de rétablir la communication. L’interlocuteur boude. Le court-circuit est irrémédiable.

10 heures. Cap sur le siège de l’ADF/RDA. La musique tonne à fond la caisse. Les stratèges du parti, papiers imprimés en main, sont en concertation. L’offensive du jour en direction de quatre villages n’a pu être exécutée. Une journée de perdue. L’angoisse, mêlée à la fatigue, se lit sur les visages. C’est le conseil de guerre.

Assis entouré à l’écart par un groupe de militants, le S.G. Seydou Fofana, machiniste en chef de l’appareil électoral, élabore un nouveau programme. Enthousiaste et jongleur de mots hors pair, il nous accueille par le nouveau cri de guerre du parti : « Toukoum, ko do voin », entendez par là, l’éléphant ne passe jamais inaperçu, en langue kasséna. Informé de notre arrivée, le candidat Me Bouba Yaguibou s’excuse au téléphone de ne pas pouvoir nous recevoir mais promet de le faire dès que possible.

A son domicile au secteur 3, la S.G. du CDP Solange Balora est sur le point de se rendre à Kaya, dans le département de Tiébélé. Y bat campagne sa candidate Maria Gorréti Dicko. Rencontrée à l’improviste, Dame Balora n’a pas le temps pour un entretien. Il faut dire aussi qu’avec la débâcle de son parti aux municipales partielles du 18 février, sa marge de manoeuvre dans la présente campagne, voire dans toute la section politique, est quelque peu réduite.

Au siège de la CEPI situé à la mairie, le permanent refuse, à l’absence du président, de livrer la moindre information concernant les préparatifs du scrutin. Dans l’après-midi, un meeting du Parti pour la renaissance nationale (PAREN) prévu à la place de la gare est annulé à la dernière minute. Selon les indiscrétions, les organisateurs, ayant deviné une faible mobilisation, ont reporté sine die la manifestation pour éviter une humiliation au président du parti, Laurent Bado, déjà présent ce soir-là à Pô.

Peu après 16 heures. A l’improviste, nous voilà dans la cour du Pô-pê, pour un entretien avec cette autorité coutumière, soupçonnée par le CDP de caresser actuellement l’éléphant dans le sens de la trompe. A l’entrée du palais, des jeunes dont certains sont habillés en tee-shirt ADF/RDA se mesurent au jeu de dame.

Sous un hangar, sont assis quelques notables qui, informés de l’objet de notre visite, nous font servir l’eau de l’hospitalité. « Veuillez patienter, le chef doit s’apprêter avant de vous recevoir », reprend, en français, un de nos interlocuteurs, les propos du jeune envoyé du chef. Mais l’instant d’après, nous apprenons que le Pô-pê « ne se sent pas » et est depuis 15 heures au lit. Dimanche 22

Les jours se suivent et se ressemblent. Sauf qu’aujourd’hui, la pluie est au rendez-vous. La campagne s’enlise davantage dans la léthargie. La S.G. du CDP est absente du siège où elle nous a pourtant donné rendez-vous la veille. La candidate du parti au pouvoir, attendue à Pô, traverse la ville en trombe en direction de Dakola.

L’on est sans nouvelle de celui du PAI, Atta Oudié. Son suppléant, Henri Koubizara, actuel maire de la commune, est hors réseau. Les postulants des autres formations politiques sont injoignables, faute de QG de campagne comme nous l’avons déjà dit. Le prétendant du PAREN Alphonse Abo, que nous avons alpagué sous la pluie, trépigne d’impatience pour rejoindre son fief électoral de Tiébélé.

Le téléphone sonne. A l’autre bout de la ligne, le candidat ADF/RDA. C’est avec optimisme qu’il aborde la course aux législatives et croit à sa chance de réussir : « Nous sommes l’un des partis qui apporté le changement politique dans la commune de Pô, lors des dernières municipales. La dynamique enclenchée ce 18 février reste intacte », assure-t-il. Les autres membres de l’état major acquiescent fièrement de la tête.

Mais pour le PAI, vainqueur de ces élections de février dernier, les cartes semblent être sacrément rebattues. Cette fois-ci, la compétition s’étend à toute la province où, le CDP, l’ADF/RDA et dans une certaine mesure, le PDP/PS, disposent d’une implantation beaucoup plus confortable. L’ambiance aurait-elle changé au moment au lisez le présent article ?

Alain Saint Robespierre

L’Observateur

P.-S.

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