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Législatives au Sahel : Des promesses sous un soleil de plomb

Publié le vendredi 20 avril 2007 à 08h03min

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Kader Cissé

C’est parti depuis le 14 avril pour la campagne des législatives du 6 mai au Sahel. La chaleur caniculaire n’a pas dissipé les ardeurs des politiciens qui arpentent à pied, à dos de chameaux, à vélos et en voitures toutes les steppes brûlées du Sahel pour prêcher "la bonne parole du parti" pour la pêche aux voix.

Dans cette course à l’hémicycle, 4 partis, le CDP, la CFD/B ,le PDS et l’ADF /RDA se distinguent du lot de la dizaine de partis en compétition dans la Région. Le CDP, parti au pouvoir, va-t-il se renforcer ou poursuivre sa descente aux enfers lors de ces législatives de 2007 ? Rien n’est encore joué.

Sur les 6 députés en fin de mandat que compte le Sahel à l’Assemblée nationale, 3 sont du CDP, 1 de la CFD, 1 du PDS et 1 de l’ADF/RDA. La Région n’étant plus la circonscription électorale, la donne politique change et les candidats se sont repliés sur leurs provinces pour se faire élire. Après avoir massivement voté pour Blaise Compaoré lors du scrutin présidentiel de novembre 2005, les sahéliens sont sortis des urnes aux municipales d’avril 2006 avec des conseils multicolores. Ces municipales ont sonné le glas d’une domination unilatérale du CDP sur l’ensemble de la Région.

Les municipales de 2006 sont une élection de proximité qui a contraint le partage du pouvoir entre les protagonistes de la scène politique au Sahel. Les communes de Dori., Sebba, Gorgadji ,Solhan ont porté le PDS à la tête de leurs conseils municipaux tandis que que les 5 communes de la province de l’Oudalan sont tombées dans l’escarcelle de la CFD. Seule la province du Soum est restée la citadelle imprenable du CDP.

Depuis cette élection, le pays sahélien est sec mais beaucoup d’eau a coulé sous le pont. Le landernau politique local a connu des métamorphoses, des mutations, des retournements spectaculaires de boubous qui font perdre le nord. En ce mois torride de campagne, les paysans scrutent le ciel pour une hypothétique pluie bienfaisante. La nature en a besoin mais les esprits sont surchauffés aussi, car la marmite politique bouillonne et les sahéliens ne savent plus à quelle sauce politique ils seront bouffés.

SENO : la bouillabaisse de l’Emir

A Dori, une alliance hétéroclite avait porté Arba Diallo du PDS comme maire avec comme chef d’orchestre le coordinateur régional des ABC devenu leader de la CFD au Seno, Sa majesté Nassourou Abdoulaye Dicko, Emir du Liptako. A peine a-t- il fini de savourer sa revanche sur son ancien parti qui l’a évincé du fauteuil de maire de Dori que l’émir frappe de nouveau a la porte du CDP qui l’accueille avec tous les honneurs en le plaçant deuxième sur la liste du CDP après le ministre et commissaire politique régional du parti Kader Cissé. C’est un coup réussi pour Kader Cissé qui met dans le vent ses farouches adversaires. Le départ de l’émir met en sursis le conseil municipal de Dori qui ne tient plus qu’à un fil.

Le CDP se frotte allégrement les mains et espère revenir aux affaires de la mairie de Dori après les législatives. Si l’émir est suivi dans sa transhumance par ses hommes (car certains désapprouvent sa décision de rejoindre le CDP), il crée une situation inconfortable avec de lourdes répercussions pour sa région.

Autre événement qui a des conséquences sur le positionnement des acteurs politiques dans le Seno, c’est la disparition du vieux Birabia, un poids lourd du CDP dont les leaders politiques se disputent l’héritage politique. Des militants CDP avaient pressenti un de ses enfants, Dicko Mamoudou, maître de conférence en biochimie, dans la course mais sa candidature n’a pas été retenue. C’est donc la frustration dans le camp Birabia dont les nombreux militants ne savent plus à quel saint se vouer. Kader Cissé, par pragmatisme politique, se méfie d’un tel poulain dans l’écurie CDP.

Un homme qui est resté fidèle à Kader Cissé et qui se prépare pour un troisième mandat de député est Hama Amadou de Bani, éternel et discret suppléant de Kader Cissé dont il profite de la longévité au gouvernement.

Autre équation qui a fait des gorges chaudes au CDP, c’est la présence de Hamidou Guelo Maiga comme suppléant de l’émir, le deuxième candidat du CDP. Cet homme contrôle le département de Falagountou qui a toujours voté massivement le CDP. Les efforts de Guelo ne sont pas récompensés à la hauteur de son investissement pour le parti, disent ses partisans.

Le départ de l’émir pour le CDP et son investiture comme candidat de ce parti aux législatives brouillent toutes les cartes politiques au Seno.

Le principal adversaire, le PDS, est tenté de revoir sa stratégie. Dans ce parti, la désignation de Arba Diallo pour diriger la liste PDS n’a pas été du goût de certains ténors dont l’actuel député Nassourou Moussa Dicko qui a claqué la porte pour nomadiser vers le parti du bœuf, la CFD. Ce parti l’a accueilli en bon pasteur en le portant comme tête de liste devant la député Ramata Diallo. Arba Diallo veut sauver les meubles en lorgnant le fauteuil douillet de l’hémicycle.

En récupérant Sa majesté (son frère ennemi d’hier), Kader Cissé a assené un coup de poignard à toute la classe politique du Seno. Le départ et la candidature de l’émir entraînent de facto une recomposition de l’échiquier politique. Les militants de tous bords déboussolés vont dans tous les sens et chaque jour qui passe, apporte son lot de surprises et de démissions.

S’il y a bien quelqu’un qui roule sur un boulevard vers l’hémicycle, c’est Kader Cissé. Quant à l’émir, il doit mouiller le boubou du large ratissage et son élection n’est pas évidente. Les partis éclaboussés par ces démissions ont lancé un défi au CDP et il est fort à parier que la poire soit partagée en deux. Le deuxième heureux élu pourrait être le candidat du PDS dont le parti bat le rappel des troupes pour une union sacrée autour de son charismatique leader. Au soir de sa carrière de fonctionnaire onusien, Arba Diallo doit faire étalage de toute sa classe politique pour éviter une humiliation bien concoctée par ses opposants.

Le candidat de la CFD, pour sa part, tisse sa toile en toute confiance et entend crânement jouer ses chances. Il dispose d’un électorat fidèle et les 5 ans passés à l’hémicycle ont remonté sa cote de popularité auprès du monde paysan.

L’opposition entre Arba Diallo et son fils spirituel Nassourou Moussa Dicko fait le bonheur du CDP qui n’exclut pas dans ses calculs de rafler les deux sièges de la province.

SOUM : Laya réussira-t-il sa rentrée ?

Laya Sawadogo est un ancien ministre habitué aux rentrées scolaires et académiques. La rhétorique du professeur cachait mal ses ambitions politiques et le chercheur n’a pas hésité cette fois à conduire la liste CDP en fonçant dans les dunes du Soum pour chercher une écharpe à l’Assemblée nationale. Le professeur a déjà l’appui de la famille royale de Djibo dont le chef est son suppléant et de nombreux fils du Djelgodji.

Dans cette province, l’ADF/RDA du jeune député Tamboura Ousseini ne se laissera pas faire. Tamboura a goûté aux délices du pouvoir. Actuel président de la Haute Cour de Justice, président du Caucus Genre à l’Assemblée nationale, ce proche du ministre des Transports Gilbert Ouédraogo n’entend pas s’arrêter en si bon chemin. Il nourrit beaucoup d’espoirs de poursuivre avec brio sa carrière politique.

On le connaît grand pourfendeur de la féodalité mais le Soum est vaste et Tamboura doit se défoncer pour que son tambour sonne au-delà de son fief de Tongomayel.

La grande inconnue du jeu politique au Soum, c’est le cas Bana Ouandaogo. On se rappelle qu’à quelques mois de la fin de son mandat, la député Bana a renoncé aux privilèges de l’hémicycle en démissionnant du Parlement. Cette démission fait suite à un scandale financier au niveau de la Croix-Rouge dont elle est la présidente.

Une affaire à forte odeur politique pour déstabiliser et compromettre la dame ? Aujourd’hui, en tout cas, Bana est courtisée par la CFD/B. Le candidat de la CFD/B Maiga Daouda est même un de ses proches.

La capacité de mobilisation de Bana n’est plus à démontrer et si le CDP tient à rafler les deux sièges du Soum, il lui faut s’appuyer sur l’expérience de cette amazone des collines d’Arbinda.

Le PDS présent sur la scène politique du Soum avec Boubakari Tamboura comme tête de liste jouera les trouble-fêtes mais ce parti a connu des frustrations et des départs après la publication de sa liste. Le Soum n’a pas échappé au printemps du nomadisme. Il y a eu des transfuges de part et d’autre et tout est jouable pour la conquête du deuxième siège à pourvoir dans la province.

OUDALAN : le taureau sera-t-il pris par les cornes ?

C’est un CDP en pleine reconstruction qui affronte une CFD qui a "l’harmattan en poupe" pour arracher l’unique siège de député dans la province de l’Oudalan.

C’est sans surprise que la CFD, avec son baroudeur de président, le ministre Dicko Amadou Diemdioda, descend dans les sables chauds de l’arène politique pour confirmer le règne sans partage du parti du bœuf dans la province.

La CFD rayonne déjà sur 5 communes et Diemdioda a eu la lucidité de s’adjoindre Karim Zourkaleini, le maire de Markoye (deuxième plus gros département après Gorom) comme suppléant. Mais dans cette bataille des législatives, la CFD pourrait être victime de son excès de confiance et de l’envergure de son candidat président national du parti obligé d’être présent sur tous les fronts. Il peut compter dans l’Oudalan sur son président provincial et maire de la commune de Gorom Gorom, Diallo Moussa Ohaya, qui a su durant son mandat se forger une bonne assise politique.

Dans la province de l’Oudalan les mouvanciers se livrent donc un duel sans merci.

Apres avoir tiré les leçons de ses précédents échecs le CDP a peut-être déniché l’oiseau rare pour conduire sa liste. L’homme s’appelle Issiaka Boukary, il est ingénieur et cadre de l’ONEA, prêt à se jeter à l’eau en pleine sécheresse pour déboulonner la CFD dans l’Oudalan. Le choix du candidat du CDP a toujours été fatal pour ce parti mais pour une fois on semble avoir trouvé le consensus autour de la personne qui fédère toutes les tendances et qui incarne tous les espoirs de son parti. .le candidat hydraulicien du CDP pourra- t- il recoller le vase brisé du CDP ?le suppléant de Issiaka Boukary est un jeune animateur d’un projet local du nom de Sawadogo Moustapha , actif dans le département de Déou.

Le CDP a déjà lancé une offre publique d’achat et le maire CFD de Tin akoff (Abdoul Malik Ag Rissa) ne s’est pas fait prier pour rallier ses anciens compagnons du CDP. Le départ du maire de Tin akoff pour le CDP relance la course pour l’unique fauteuil de député de la province. Le CDP sent qu’il a un bon coup à jouer.

Les gros villages sédentaires dans l’Oudalan sont des bastions du CDP alors que l’électorat de la CFD est nomade et, malheureusement les bureaux de vote ne sont pas itinérants. La CFD pourrait faire une proposition de loi à l’Assemblée nationale pour repenser notre système électoral en le rendant accessible aux nomades.

Malgré sa brillante victoire aux municipales de 2006, la CFD n’arrive pas en tête des suffrages exprimés à l’échelle provinciale et c’est dire que la chose n’est pas gagnée à l’avance mais que la bataille sera rude entre la CFD et le CDP qui n’ont de commun que Blaise Compaoré. Une mécanique huilée du CDP a une belle revanche à prendre devant une CFD dont les militants restent disciplinés et humbles.

Le PDS du candidat Gorkolore Hama est la troisième force politique qui joue les outsiders dans la province. Ce parti est implanté dans le département de Gorom Gorom. En plus de ses traditionnels militants, le parti recrute tous les déçus issus du camp des mouvanciers.

Depuis l’ouverture, la campagne et le début de l’opération de retrait des cartes d’électeurs, ce n’est pas la grande affluence devant les agents distributeurs dont l’un d’eux nous confiait que dans la journée du 16 avril, il n’a reçu que deux citoyens dans le village de Bossey, venus retirer leurs cartes. Il y a un problème de sensibilisation qui risque de porter un coup sérieux au taux de participation.

Les électeurs de Gorom Gorom et de Déou vous diront qu’ils sont confrontés à une grave pénurie d’eau qui ne les motive pas à retirer leurs cartes.

Yagha : duel fratricide

La jeune province du Yagha a cette particularité d’être la plus enclavée du Sahel et la moins équipée en infrastructures socio économiques. Le système de la Région comme circonscription électorale a pénalisé le Yagha qui sortit sans député aux dernières consultations législatives. C’est donc avec engouement et intérêt que les électeurs yaghalais iront aux urnes le 6 mai prochain pour désigner l’unique représentant de la province à l’Assemblée nationale.

Les populations du Yagha sont beaucoup brassées et les familles étroitement parentées. La politique au Yagha se joue dans un triangle dont les trois sommets sont la famille princière, le goupe Barry et le groupe Djoudjou. Depuis l’avènement de la démocratie, le CDP est toujours à la recherche d’une première victoire législative.

Deux partis dans cette province, le CDP et le PDS, se livrent une opposition palpitante pour la course à l’hémicycle. Aux dernières municipales, le CDP a triomphé en disposant de 4 conseils municipaux contre 2 au PDS. Seulement une radioscopie des résultats montre que le PDS arrive en tête en termes de suffrages exprimés sur le plan provincial.

Après sa traversée du désert l’ancien député Barry Yaya du PDS donne du fil à retordre à un CDP qui a corrigé ses lacunes en proposant Ly Bassirou , ancien Secrétaire général du ministrère de l’Economie et du dévéloppement comme candidat. Ly Bassirou est un technocrate rompu aux dossiers du développement dans les salons feutrés de Ouaga alors que Barry Yaya est un vétérinaire retraité qui a le secret de la brousse. C’est le suppléant de Ly, le préfet Abdoulaye Amadou, qui est l’homme redoutable qui donne des sueurs froides au PDS dans certains départements de la province.

Il est l’un des rares fils du terroir à tenir tête à la machine Barry pour avoir eu à administrer presque tous les départements de sa province. Le jeune loup aux dents bien longues viendra-t-il à bout du dinosaure qui entend réussir son come-back à l’hémicycle ? Barry Yaya a le soutien, en tout cas, du maire PDS de la ville de Sebba, Ly Hama Amirou, candidat du parti (troisième sur la liste nationale) tandis que le CDP bénéficie des bonnes grâces du Cheik de Mansila , un religieux engagé dans le jeu politique.

A l’écoute du monde rural dont il achète tous les problèmes auprès de l’administration, Barry Yaya sait jouer sur la corde sensible des villageois pour engranger le maximum de voix. Le camp PDS dénonce au cours de cette campagne la l’attitude de l’administration qui a fermé le marché de Ndjaba (département de Tankougounadié) à la veille du lancement de la campagne.Le moment n’était pas propice pour poser un tel acte pour le PDS, qui y voit une manœuvre politicienne pour dissuader les commerçants et les amener à composer avec le parti au pouvoir.

Ce qu’il faut aussi déplorer chez les leaders politiques du Yagha, c’est le manque de programme et d’arguments de campagne à proposer au peuple.Le langage des politiciens est ordurier, le manque de respect de l’adversaire est courant et les coups de poings en dessous de la ceinture sont légion.

Espérons que candidats, militants et électeurs gagneront en maturité pour que la campagne se déroule sur un ton civilisé.

Zéro bilan

Les sahéliens ont oublié la soif, la faim, l’inondation, les coupeurs de routes pour se bercer d’illusions politiques le temps que le ciel ouvre ses vannes. Le bilan des députés sortants est inconnu d’eux-mêmes ; pourtant un élu du peuple a le devoir de fournir à sa base les résultats de l’action de sa mandature. Il n’y aussi aucune chance de revoir une femme du Sahel à l’hémicycle. Peut-on envisager un progrès sans nos sœurs, nos épouses et nos mères dans les instances de décisions ?

Les clivages ethniques sont des thèmes favoris de mobilisation pour les candidats et cela ne participe pas à l’ancrage de notre démocratie et au développement de notre pays.

En réalité, la campagne des législatives 2007 est déjà bouclée et les 21 jours ne sont que des moments de parade et de défoulement.Dans un contexte de misère et d’ignorance, la force de frappe des "feuilles" sera déterminante dans cette campagne.

Les sahéliens ont démontré entre deux campagnes leur caractère versatile en contribuant à faire perdre à la société ses repères culturels. Le papillonnage politique crée une instabilité qui inhibe tous les efforts de développement et à l’arrivée, c’est la Région qui perd. Les acteurs n’ont plus le temps pour élaborer et mettre en œuvre un projet crédible au bénéfice des pauvres populations qu’on tourne en bourrique.

Après trois législatures, il est temps que les députés du Sahel constituent en réseau de parlementaires pastoralistes en vue d’entamer un plaidoyer pour la valorisation et la protection de leur environnement mais aussi pour l’éducation, clé de voûte de tout développement. La Région du Sahel est au bas de l’échelle nationale avec un taux brut de scolarisation au niveau du formel de 41,6% en 2005-2006.

Par Mohamed Ag Ibrahim (collaborateur)

Le Pays

P.-S.

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Vos commentaires

  • Le 27 avril 2007 à 22:08, par koalou En réponse à : > Législatives au Sahel : Des promesses sous un soleil de plomb

    L’Emir comme on le nome n’a jamais ete en franc parle. Quand on est Emir on une parole et une dignite en soi mais celui la manque de tout cela raison pour laquelle tous ses conseilles refusent de se realier a lui. El hadji Omar dont le CDP en considere aussi comme un appuis etaist aussi dans ULD avnt de revenir dans le CDP. Mais le problem est que ce dernier n’a meme pas une chevre derriere lui n’en parlont pas des etre humains. Le espoire du CDP c’est la famille BIrabia qui est presentement lesee et detenant a elle seul 68 conseilles sur les 85 dont compte le CDP dans le sahel.

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